Vous avez dit : écoterrorisme ?
Pour quelques trous dans du gazon, le mot est lâché : « Il faut dire stop à l’écoterrorisme », s’est emporté le député UDC vaudois Yvan Pahud, réagissant aux récents actes de déprédation de terrains de golf. Surfant sur la surenchère sémantique en provenance d’Allemagne et de France, Pahud applique la tactique habituelle de l’UDC : polariser le débat, peu importe que les mots aient ou non un sens.
La notion d’écoterrorisme plaît aux droites européennes mais il faut chercher son origine aux États-Unis. En 2002, le FBI destine le mot à quelques groupes écologistes et de défense des animaux. En pleine paranoïa post-11-Septembre, l’idée est simple : criminaliser toute contestation de l’ordre politico-économique.
Alors que l’urgence écologique agite de plus en plus les consciences, les intégristes du productivisme et de l’accumulation auraient tort de ne pas profiter de l’aubaine. Mettre trois patates plantées sur un green ou un peu de peinture sur les murs d’une banque sur le même plan que des attaques meurtrières, la tactique est grossière mais rentable. Elle permet de préparer la répression à tout va et d’esquiver la question de fond : que faire alors que la logique marchande détruit le monde ?
On aurait tort de se livrer au même genre d’amalgames, en logeant à la même enseigne tous les discours réactionnaires. D’abord parce que l’usage disproportionné du mot terrorisme est une insulte aux victimes d’attentats. Ensuite parce que la criminalisation a des conséquences concrètes : entre autres victimes, Jeremy, soupçonné d’avoir saboté des véhicules Holcim, est en détention préventive à Champ-Dollon depuis mars.
Cela n’empêche pas de pointer la logique d’ensemble des réactions politiques aux coups d’éclat écologistes. Déjà en 2009, la conseillère aux États Anne Seydoux-Christe (PDC) plaidait pour de nouvelles dispositions légales face aux «groupuscules extrémistes violents» ; il y a quelques jours, le député PLR Philippe Nantermod dénonçait la « violence » des blocages routiers ; quant à Vassilis Venizelos, il a saisi l’occasion de rappeler qu’un·e ministre vert·e est plus ministre que vert·e, en condamnant fermement les déprédations de golfs. Au-delà des mots, les partis de gouvernement sont main dans la main pour assurer le fonctionnement de la société marchande, avec ou sans panneaux solaires.
Reste à mesurer la portée de l’action directe. Quand les Grondements des Terres perturbent le passe-temps favori de quelques nantis, leur action a le mérite de souligner l’aberration environnementale et sociale de la pratique du golf. Mais, quand un militant XR – électeur des Vert’libéraux… – se colle la main au pupitre d’une émission de Léman Bleu, quand le présentateur de l’émission, après lui avoir hurlé dessus « vous n’avez strictement rien à dire ! », l’invite sur son plateau quelques jours plus tard, difficile de ne pas voir les limites de l’exercice.
Derrière la dénonciation superficielle d’un problème réel, il semble bien que les opérations de communication à la XR fassent partie, serait-ce à leur corps défendant, du cirque médiatique. On ne construit pas de théorie critique à coups de peinture rouge et de colle forte. Et on ne répondra pas aux enjeux environnementaux sans contester les fondements du capitalisme et de sa logique, et sans s’organiser collectivement.
Don’t Look Up a cartonné sur Netflix. Et maintenant ?
Guy Rouge