France

On ne dissout pas un soulèvement

Depuis la mobilisation contre les méga-bassines à Sainte-Soline et la répression policière qui s’est abattue sur elle, le ministre Darmanin a annoncé la dissolution du mouvement des Soulèvements de la Terre (SdlT). Face à cette volonté liberticide, une vague de solidarité s’est soulevée et le mouvement est devenu central dans la résistance écolo-anticapitaliste.

Des militants du NPA à la manifestation contre les mégabassines
25 000 manifestant·e·s s’étaient rassemblé·e·s à Sainte-Soline le 25 mars 2023

Les Soulèvements de la Terre ont été créés en 2021. C’est un cadre de convergences, né de l’expérience accumulée dans la lutte contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, entre différents groupes issus notamment d’Extinction Rébellion ou de Youth For Climate et de collectifs locaux. C’est une réponse aux difficultés stratégiques du mouvement pour le climat, hyperconscient de l’urgence face à la catastrophe en cours mais confronté à l’absence d’outils de lutte adaptés, à la mollesse et aux trahisons d’EELV (Europe Écologie Les Verts). 

Cette nouvelle génération, sensible depuis l’enfance au sujet climatique – mais aussi féministe, LGBTIQ+, antiraciste, antifasciste – a besoin d’agir efficacement et ne se retrouve pas dans les réponses institutionnelles. Comme le dit Daniel Tanuro, il est « trop tard pour être modérés ». Les SdlT assument une réponse radicale, anticapitaliste.

Un mouvement symbole des luttes et de la répression

Les militant·e·s du NPA, sont engagé·es depuis très longtemps dans différentes luttes, contre les méga-­bassines, mais aussi contre les projets d’autoroutes (en Normandie, entre Castres et Toulouse), de centres commerciaux ou de loisirs… Chacune de ces luttes peinait à accéder à une visibilité nationale et à imposer dans le débat public les questions de l’accès à l’eau, de la préservation de la forêt ou des terres agricoles…  

La stratégie des « saisons » des SdlT permet de franchir un cap. Elle a par exemple fait émerger largement la question de l’accès à l’eau comme bien commun, contre son accaparement par l’agriculture industrielle. De même, la coordination des luttes contre les projets d’autoroutes permet de poser plus globalement la question des modalités – ferroviaire ou fluvial comme alternative à la route – et de la finalité du transport de plus en plus de marchandises.

Si la « clandestinité » peut parfois rendre plus difficile les décisions démocratiques et la mobilisation de masse, la première manifestation de Sainte-Soline a montré l’efficacité de ces modes d’action. Souvent assimilés au mouvement autonome – connu aussi pour son hostilité à l’encontre des organisations traditionnelles – les SdlT ont largement contribué à ce que la manifestation de Sainte-Soline 1 puisse atteindre la Bassine en octobre 2022. 

En créant des brèches dans le dispositif policier, cela a permis à l’ensemble des manifestant·es – jeunes, travailleurs·euses, personnes âgées – de continuer la manifestation (ce, malgré un usage de gaz lacrymogène disproportionné). Mais lors de Sainte-Soline 2, le gouvernement à fait le choix d’un regroupement massif des forces policières autour de la bassine, pour empêcher l’accès à… un trou vide, en mutilant, blessant, y compris très gravement, (deux camarades dans le coma, l’un en est sorti complètement, l’autre, Serge, lutte toujours). 

Ce déchaînement de violence policière a immédiatement été utilisé par Darmanin pour prétendre dissoudre les SldT. Des dizaines de milliers de personnalités, de représentant·es d’organisations ont affirmé « nous sommes les Soulèvements de la Terre », des dizaines de rassemblements ont alors été organisés partout en France.

Une force pour rassembler le meilleur des luttes écolo ?

Répondant à l’appel, près d’une centaine de comités locaux des SdlT se sont constitués, poussant de fait à un dépassement de ce qu’était le mouvement jusque-là, principalement la mouvance « auto­nome », « anarchiste » ou « appelliste ». S’y retrouvent, aux côtés de personnes membres d’aucune organisation ou groupe affinitaire, des militant·es de Solidaires, de la CGT, de la Confédération paysanne, des collectifs écolos locaux, des militant·es d’organisations politiques, comme le NPA bien sûr mais aussi des membres de la NUPES, de l’UCL…  

Les rapports avec les partis politiques sont variables selon les endroits bien que des membres de ces derniers soient pleinement impliqué·e·s et intégré·e·s. Le plus souvent nous nous y investissons comme militant·es, sans cacher nos idées, mais sans que notre parti n’apparaisse comme membre à part entière (mais cela est, d’une certaine manière, anecdotique).

L’important en revanche est de transformer cet élan, certes de solidarité face à la répression, mais pas seulement, en un cadre inclusif et unitaire : un lieu pour articuler les différents registres d’actions nécessaires pour gagner, pour discuter de stratégie, pour s’autoformer et apprendre les un·es des autres. Nous sommes dans l’obligation de trouver ces chemins de l’unité pour qu’une alternative politique, venue d’en-bas, mais qui ne fait pas « sans » les organisations existantes, puisse émerger.

Alexandre Raguet   Christine Poupin   (NPA)