France
« Le G de LGBT, c’est pour la Grève ! »
Dans les manifestations contre la réforme des retraites en France, le Pink Bloc réunit des militant·e·x·s et des collectifs qui font dialoguer luttes sociales et luttes pour les droits LGBT. Notre rédaction s’est entretenue avec Lisa, militante du Pink Bloc et membre de l’Assemblée féministe Paris pour la Grève féministe.
Peux-tu présenter rapidement le Pink Bloc ?
Le Pink Bloc, qui se mobilise aujourd’hui dans le cadre de l’opposition à la réforme, existe sous sa forme actuelle depuis 2021. Il est composé de différents collectifs LGBT et féministes, comme Les Inverti·e·s, Fiè·re·s, les Féministes révolutionnaires ou encore l’Assemblée féministe Paris-Banlieue pour la Grève féministe.
La plupart de ces collectifs s’inscrivent dans une tradition politique marxiste et se sont réunis une première fois pour organiser un bloc anticapitaliste dans la Marche des fiertés de 2021. Le bloc réunit aussi des personnes qui n’étaient pas membres d’un collectif auparavant et qui participent aujourd’hui aux réunions d‘organisation du bloc et aux manifestations dans notre tronçon.
Dans les manifestations, vous liez questions sociales et questions LGBT en revendiquant des répertoires d’action qui sont traditionnellement associés au monde syndical. Est-ce que tu peux nous expliquer d’où vient ce choix ?
La tradition marxiste dans laquelle s’inscrivent les différents collectifs qui composent le bloc joue un rôle. Plus largement, on revendique le fait que les personnes LGBT sont pleinement inscrites dans la société capitaliste. Nos communautés ne vivent pas en autonomie, hors des rapports d’exploitation et de domination. On est donc concerné·e·x·s par toutes les luttes sociales qui défendent une amélioration générale des conditions de vie et d’existence et il y a un sens pour nous à mobiliser les mêmes outils que le reste du mouvement social, comme la grève. Je pense aussi que le fait que plusieurs membres du bloc soient également actif·ve·x·s dans les syndicats a une influence positive. On entretient un bon rapport avec les syndicats, on essaie de travailler avec eux pour construire la lutte.
Peux-tu nous expliquer un peu mieux quels sont les facteurs qui précarisent particulièrement les personnes LGBT dans la réforme actuelle ?
De manière générale, la réforme va pénaliser encore plus violemment les catégories les plus précaires et marginalisées de la population, dont les personnes LGBT. SOS Homophobie vient de sortir son rapport annuel sur les LGBTphobies. Le travail est devenu le troisième lieu où des violences LGBTphobes se produisent, après la famille et les réseaux sociaux. Ça signifie que les personnes LGBT sont de plus en plus susceptibles d’être victimes de violence sur leur lieu de travail.
Entre les licenciements abusifs, les interruptions de carrière pour des raisons de santé mentale ou de parcours de transition, mais aussi les démissions pour fuir des environnements violents, nos parcours professionnels sont particulièrement hachés et seront donc fortement impactés par la réforme qui fait passer le nombre d’annuités de 42 à 43. C’est important de noter que ces discriminations touchent aussi d’autres catégories précarisées de la population, qui sont d’ailleurs parfois des personnes LGBT : les femmes, les migrant·e·s, les réfugié·e·s.
Aujourd’hui, la question de la stratégie à adopter pour continuer la lutte est l’objet de débats entre les différents acteur·rice·x·s du mouvement social. Quelles sont les positions du Pink Bloc sur la stratégie à adopter ?
Pour nous, la meilleure stratégie pour gagner, et pour défaire l’adoption de la réforme par l’article 49.3, c’est la grève générale reconductible. L’unité dans la lutte entre les différents syndicats a été un élément décisif jusqu’à maintenant et on pense important de la maintenir le plus possible.
De notre côté, en plus du bloc dans les manifs, on essaie de participer collectivement à des actions de blocage, comme celles qui ont lieu depuis le 7 mars aux dépôts de camions des éboueurs à Paris. Les manifestations massives sont importantes, mais aujourd’hui ce n’est plus suffisant. Il faut multiplier les actions de blocage pour aller vers une grève générale. C’est la seule arme qui fera reculer le gouvernement.
Pour conclure, quelles modifications apporter au système de retraite actuel pour mieux prendre en compte les parcours LGBT ?
En plus des revendications classiques de la retraite à 60 ans, du retour des 37,5 annuités et de l’indexation sur l’inflation, on exige la prise en compte des interruptions de carrière pour des transitions ou pour une PMA (procréation médicalement assistée), sur un modèle similaire à celui du congé maternité, qui ne considère pas le congé comme une interruption de carrière ayant des conséquences sur les annuités. On défend aussi le droit des travailleur·euse·x·s du sexe, qui sont pour beaucoup des personnes trans, migrantes et précaires, à cotiser et à bénéficier d’une retraite, comme le reste des travailleur·euse·x·s.
Propos recueilli par Rosie Moser