LAMal au porte-monnaie
Le 26 septembre 2023, lors de sa traditionnelle conférence de presse tenue à Berne, Alain Berset a annoncé une hausse moyenne de 8,7% des primes d’assurance maladie pour l’année 2024. Au niveau cantonal, Genève essuiera une hausse de 9,1%, Vaud de 9,9% et Neuchâtel 9,8%.
Pour rappel, les primes d’assurance maladie représentent environ 14% du budget des ménages romands ; sans compter les dépenses liées à des soins non remboursés ou dans le cadre de franchises. Dans le canton de Vaud, presque un tiers de la population bénéficie des subsides à l’assurance maladie. Cette proportion devrait augmenter ainsi que celle des personnes qui renoncent à certains soins, un phénomène qui touche déjà entre 15 et 20% des Suisses selon la Fédération suisse des patients.
Face à cette énième hausse, de surcroit dans un contexte d’inflation très intense, la gauche parlementaire réagit : les Vert·e·s avec une proposition de primes calculées en fonction du revenu et le PS avec son initiative pour l’extension, au niveau fédéral, du modèle de subsides à la vaudoise, permettant un allègement des primes à maximum 10% du revenu.
Ces mesures sont un pansement sur une hémorragie. Bien qu’absolument essentielle en situation d’urgence, la solution des subsides s’inscrit dans une logique de socialisation des pertes: l’État – financé par l’impôt des contribuables – se retrouve à verser aux assurances privées ce que ces mêmes contribuables sont désormais incapables de payer. C’est un système de subvention publique à des compagnies privées.
Les causes de l’augmentation des primes maladie
Le système fiscal suisse étant peu progressif et favorable aux grandes entreprises, il serait de mauvaise foi d’y voir une forme de répartition des richesses. Une prime en fonction du revenu est un bon début mais elle ne permet pas de répondre aux enjeux structurels liés à cette augmentation.
En effet, en s’appuyant sur les déclarations du Département fédéral de l’intérieur, cette hausse s’explique par trois facteurs principaux :
- Les primes actuelles ne couvriront pas les coûts de 2023, en raison de l’augmentation de ces derniers et de la baisse du total des primes, les assuré·e·x·s s’étant tourné·e·x·s vers des primes plus basses suite à l’augmentation annoncée en septembre 2022
- Des pertes sur les placements de 1,8 milliard dues à «une situation difficile sur les marchés des capitaux» [sic]
- L’augmentation du coût des médicaments ainsi qu’un effet de rattrapage liés à la pandémie de Covid-19 et une augmentation des coûts des prestations ambulatoires en milieu hospitalier.
Pris dans ses propres contradictions de spéculation et de compétitivité entre les caisses, le système d’assurance maladie privée est donc incapable d’assumer les réalités sanitaires actuelles sans en faire retomber les conséquences sur les assuré·e·x·s. Dès lors, l’introduction d’une caisse unique et publique, avec des primes proportionnelles au revenu, est une mesure nécessaire pour assurer un accès aux soins équitable et non précarisant. La baisse du prix des médicaments passera uniquement par une levée des brevets et un contrôle public de leur prix. Des mesures défendues par notre mouvement depuis de nombreuses années.
Des lobbies à l’abri
Sur sa ligne d’analyse habituelle, le ton grave, les sourcils froncés, Alain Berset ânonne sa rengaine habituelle: «La seule manière de baisser les primes c’est de baisser les coûts.» Arguant s’être battu en ce sens durant 12 ans tout en s’opposant à la diminution des prestations, le conseiller fédéral socialiste est bien incapable de pointer du doigt la présence des lobbies des assurances maladie au parlement, rendant toute réforme sérieuse impossible, ou de proposer une contre-narration au statu quo libéral actuel.
Gaara