Élection au conseil général, entretien avec deux candidat-e-s

Élection au conseil général, entretien avec deux candidat-e-s

Le 6 juin prochain, toutes les communes du canton de Neuchâtel renouvelleront leurs autorités politiques. Pour certaines d’entre elles, et pour la première fois dans leur histoire démocratique locale, le peuple élira également l’exécutif au système de la proportionnelle. En ville de Neuchâtel, SolidaritéS présente un candidat et une candidate au Conseil communal (sur une liste commune Solidarités, les Verts, POP) et une quinzaine de candidates et candidats au Conseil général. Parmi eux, nous trouvons Catherine Reid et David L’Epée qui, ensemble, s’engagent pour une révolution en douceur, mais radicale. Ils sont représentatifs de la diversité des militant-e-s qui se retrouvent dans Solidarités.

Catherine, 48 ans, a longtemps vécu en Grande-Bretagne; elle travaille aujourd’hui comme vendeuse dans un grand magasin et est engagée dans le syndicat Unia. David, 21 ans, est le plus jeune de la liste; il est étudiant en lettres.

Catherine, depuis ton retour en Suisse, il y une dizaine d’années, quel est ton regard sur notre pays et sur la ville de Neuchâtel?

J’ai apprécié la culture anglo-saxonne pour son esprit d’ouverture, le pays est plus avancé sur certaines questions, comme l’égalité entre hommes et femmes, et même les conditions sociales. Ce fut un choc, à mon retour, de voir dans quelles conditions les gens travaillent ici.

Quant à la ville, je trouve qu’elle a bien évolué. Si on pense par exemple à la zone piétonne, qui, à l’époque de son inauguration, était vraiment une première. Le câblage aussi. J’ai donc bon espoir pour le futur et pour les Jeunes-Rives (ndr. projet de réaménagement des rives du lac de Neuchâtel, en débat au Conseil Général).

Quel sens donnes-tu à ton engagement politique, plus particulièrement en tant que femme et en tant que travailleuse?

C’est la claque du 10 décembre 2003 qui m’a fait réagir! Quand j’ai appris le résultat, j’ai pensé: maintenant, il faut y aller! Les femmes sont exploitées et ne connaissent pas leurs droits, et les patrons jouent sur leur ignorance. Les femmes et le monde du travail ouvrier sont mal représentés dans nos institutions (ce n’est pas fait pour nous, on ne comprend rien, etc.). Je ne veux plus être victime de cette situation.

En te présentant aux élections, que penses-tu pouvoir défendre au parlement?

Je participe déjà à améliorer la parité homme-femme. Pour la ville, je souhaiterais faire des Jeunes-Rives un endroit pour tout le monde. Il y a aussi le projet des Cadolles (ndr: ancien site de l’hôpital des Cadolles, aujourd’hui en projet de réaffectation en logements) qui, je l’espère, offrira une bonne convivialité et mixité sociale. Il y a aussi la question de l’illettrisme et le désoeuvrement des jeunes qui me préoccupent.

Pourquoi avoir rejoint SolidaritéS?

Je connaissais beaucoup de gens de SolidaritéS autour de moi. C’est un petit parti et il soutient des idées plus musclées que les autres partis de gauche, soit déjà trop consensuels, soit militant un peu trop durement. SolidaritéS, c’est un mouvement qui part du coeur.

Si tu devais proposer une lecture?

Toute lecture est bonne, mais je dirais Malevil de Robert Merle (ed. Gallimard, 1972). C’est un livre qui montre bien la nature humaine dans sa manière de toujours convoiter le bien des autres.

David, quel est le message de ton engagement politique auprès de ta propre génération?

Je reste persuadé, malgré l’apolitisme ambiant auquel on voudrait nous réduire, qu’il existe et qu’il a toujours existé dans la jeunesse un terreau politique riche. En l’absence d’une solide instruction civique, cette conscience politique n’en existe pas moins, mais elle est morale, au mieux citoyenne, et presque jamais politicienne – ce qui n’est pas plus mal. Je suis certain que les valeurs auxquelles est sensible la majorité des jeunes, politisés ou non, restent la solidarité, le goût de la justice et le désir d’égalité sociale. Qu’ils en soient conscients ou non, et quel que soit le nom qu’ils donnent à ces valeurs, ce sont des valeurs de gauche.

Que répondrais-tu à l’inquiétude des plus âgés à l’égard de ta générations?

Je suis obligé d’admettre qu’il y a une inquiétude à notre égard, sinon pourquoi voudrait-on toujours nous coller des étiquettes? Pourtant, les jeunes ne constituent pas une classe en soi, ils n’ont pas une identité politique commune. Aujourd’hui, les Jeunes se définissent moins que jamais en référence à une théorie politique, mais en fonction de leur classe sociale, leur quotidien, leur réalité familiale, leur milieu professionnel, leur place dans la rue. Nous n’avons rien à craindre d’un conflit de générations, ce sont des conflits de classes qui nous attendent.

Comment es-tu arrivé à SolidaritéS?

Je me suis approché de SolidaritéS peu avant les dernières élections nationales. J’ai opté pour ce parti après plusieurs années de militantisme dans les milieux associatifs. Je m’y retrouve, car il réunit les principaux combats de la gauche révolutionnaire, tout en gardant droit de parole dans les assemblées populaires. Nous menons une politique alternative, nous sommes militants avant d’être députés, et notre domaine de prédilection reste incontestablement la rue.

Qu’est-ce qu’un jeune a envie de faire dans un parlement?

Connaître et maîtriser le fonctionnement du système parlementaire pour en faire le meilleur usage possible pour le plus grand nombre, particulièrement pour la population qui a le moins l’occasion de s’exprimer au sein d’une assemblée.

Quel est ton film préféré?

«Die Nebelungen» de Fritz Lang (Allemagne, 1924) et «La passion de Jeanne d’Arc» de Carl Dreyer (Danemark, 1928). J’apprécie d’une manière générale le cinéma expressionniste.

Propos recuillis par Dorothée ECKLIN