Construction

Abattre le mur patronal


Pression sur les prix et les délais, manque de personnel, culture du travail gratuit, les travailleur·ses du génie civil et de la maçonnerie veulent des améliorations concrètes dans le cadre du renouvellement de la Convention collective du secteur principal de la construction. 

Vania Alleva prononce un discours lors d'une manifestation du secteur de la construction
Plus de 10 000 maçons ont manifesté à Zurich et à Lausanne le 17 mai 2025 pour faire entendre leurs revendications concernant la nouvelle convention nationale
Unia

Le 17 mai 2025, deux grandes manifestations se sont tenues à Zurich et à Lausanne dans le cadre de la campagne syndicale pour le renouvellement de la convention collective du secteur principal de la construction. 10000 manifestant·es ont participé à cette mobilisation nationale de la branche. 

Les trois dernières années ont été marquées par des tensions importantes sur le temps de travail, les frais professionnels et le montant des rémunérations salariales.

Dégradation continue du cadre de travail

En sus, les débats dans les régions romandes ont été marqués par les nouvelles conditions climatiques estivales en lien avec le dérèglement climatique et les chaleurs importantes qui mettent régulièrement en danger les travailleur·ses de la construction. Ce contexte est exacerbé par le manque de personnel qualifié chronique que connaît la branche avec des estimations qui oscillent entre 10 et 15%. 

La pression des mandataires pour les délais de livraison des ouvrages privés ou publics crée au quotidien un cadre de travail anxiogène pour les travailleur·ses et les chef·fes d’équipe. Cette pression sur la temporalité et les prix se reporte sur les ouvrier·es, soumis·es à des calendriers de travail aux cadences soutenues, accompagnées de travail de nuit et durant les week-end, avec comme conséquences des effets délétères sur la santé des travailleur·ses sur le long terme. 

La difficulté à recruter pour les places d’apprentissages et la baisse importante des CFC délivrés sont des exemples criants de cette situation. L’activité dans la maçonnerie est de moins en moins attractive, le système du temps de travail, les contraintes physiques, la conciliation vie privé/professionnelle et les salaires en sont certainement les causes essentielles. 

Dans le cadre de ce renouvellement, dont sera absente la question de la retraite anticipée qui a été réglée l’année dernière pour une période de 10 ans, le syndicat Unia a sondé, dans une campagne de terrain en 2024, les travailleur·ses sur des nouveaux modèles de temps de travail et sur les heures fournies à titre gracieux aux employeurs: temps de changement d’habits, chargement du matériel de chantier dans le véhicule, temps de déplacement (30 minutes journalières à charge de l’employé par jour dans la convention actuelle), etc. 

Les assemblées régionales syndicales de branche qui se sont tenues dans l’ensemble des sections ont conduit à l’établissement d’un cahier de revendications offensif: le paiement de la pause du quart d’heure matinale, le paiement de l’intégralité des temps de déplacement sans déduction forfaitaire, un nouveau modèle de temps de travail avec lissage des heures annuelles (moins d’amplitude dans les heures été/hiver), la moitié des heures supplémentaires au choix du travailleur (heures restituées en congé/heures payées avec supplément) et des augmentations de salaire conséquentes après de multiples années sans résultat de négociations salariales entre le patronat et les syndicats de la branche. 

La Société Suisse des Entrepreneurs s’est cantonnée pour l’instant à de vagues déclarations sur les augmentations volontaires consenties par les employeurs et la nécessité d’assouplir le temps de travail autant par le montant des heures annuelles à effectuer que par l’amplitude des heures variables maximum autorisées à l’employeur (80 ou 100 heures selon le modèle choisi).

Probable vide conventionnel? Et après?

Les négociations ne débutant que tardivement au mois de juillet de cette année suite aux volontés attentistes du patronat, il y a fort à parier que les négociations ne conduiront pas à un résultat rapide et acceptable pour les travailleur·ses. Sans résultat avant le 31 décembre 2025, un vide conventionnel serait ouvert dans la branche avec les conséquences très directes du retour au Code des Obligations pour l’ensemble des travailleur·ses dans la branche après quelques mois d’atermoiement. La pudeur patronale est un sentiment fugace. 

Dès le deuxième semestre, des journées de protestation seront organisées dans toute la Suisse. Ces mobilisations sont nécessaires afin d’offrir des conditions de travail plus dignes, de faire cesser ce mantra délétère du patronat à une flexibilisation toujours plus extrême du travail et d’obliger les entrepreneurs aux carnets de commande pleins à un «partage» plus équitable des plus-values et bénéfices confortables amassés par l’ensemble des sociétés de la construction. Les résultats dans cette branche auront un impact significatif dans les futures négociations, difficiles, pour d’autres conventions collectives. 

Edy Zihlmann syndicaliste