États-Unis

Soulèvements contre les rafles d’immigré·es

Depuis le 7 juin, des milliers de personnes ont occupé les rues de Los Angeles contre les raids de la police de l’immigration (ICE). Le jour de la parade militaire de Trump, près de six millions ont manifesté contre son autoritarisme, sous le mot d’ordre No Kings (pas de rois). Un vent de révolte souffle-t-il sur le pays? 

Des manifestants participants à la manifestation No Kings à Los Angeles
Manifestation No Kings, Los Angeles, 14 juin 2025

En mai, le gouvernement Trump a franchi un nouveau cap, en introduisant un projet de loi prévoyant un renforcement du budget pour la répression des immigré·es. Depuis le mois de juin, ICE, la police fédérale de l’immigration, intensifie les arrestations et le profilage racial, notamment dans une ville multiculturelle comme Los Angeles, où un tiers de la population est née hors des États-Unis. 

Le 6 juin, une centaine de travailleur·ses immigré·es sont interpellé·es et arrêté·es, directement sur leurs lieux de travail, sur des chantiers, dans des cuisines de restaurants ou même sur des parkings. 

Depuis l’accession au pouvoir de Donald Trump et encore plus après les rafles début juin, les personnes issues de l’immigration vivent dans une peur constante. Elles ne peuvent plus se rendre dans les espaces publics, se déplacer dans les supermarchés et restaurants ou encore participer aux sorties scolaires, sans craindre des interpellations de ICE.  

En réaction aux interpellations violentes, une vague de résistance émerge, tentant d’empêcher les arrestations. Des révoltes éclatent sur les sites mêmes où ont lieu les descentes, notamment dans les entrepôts et les usines, où travailleur·ses, voisin·es et militant·es tentent de résister à la violence des forces de police. Le lendemain des rafles du 6 juin, les protestations se massifient et des mobilisations éclatent dans la ville. En réponse, le Président décide d’envoyer la Garde nationale, et dans certains cas des unités de Marines, contre l’avis du Gouverneur de Californie. Ce recours à l’armée marque une escalade sans précédent dans la violence d’État dirigée contre les populations immigrées.

Pour une solidarité active avec les travailleur·ses immigré·es

En plus d’interpeller des personnes sans papiers, la police de l’immigration a également procédé à l’arrestation de David Huerta, président de la section californienne du syndicat des employé·es des services, pour avoir simplement observé une descente policière depuis un trottoir. Cette arrestation symbolise la volonté de réprimer celles et ceux qui incarnent l’alliance entre luttes syndicales et défense des immigré·es. Cette offensive contre le mouvement syndical vise à intimider et à décourager toute mobilisation autour des droits des travailleur·euses sans-papiers. 

Dans ce climat de répression pour les immigré·es, s’engager syndicalement est souvent vécu comme un danger accru de se rendre visible et d’être identifié par les autorités. Pourtant, les arrestations sur les lieux de production poussent à une conscientisation des liens entre l’exploitation capitaliste et l’oppression raciale. C’est pourquoi il est nécessaire que les syndicats placent la défense des immigré·es au centre de leur lutte. Exiger la régularisation de toutes et tous est une condition nécessaire pour briser les violences d’État, contrer les abus patronaux, et construire un front syndical réellement antiraciste. 

Cette dynamique répressive s’inscrit plus largement dans le programme politique de Donald Trump. Le 15 juin, le Président des États-Unis annonce sur ses réseaux «le plus grand programme d’expulsions de l’histoire». On y lit une volonté de réactiver l’imaginaire raciste de sa base électorale, dans un contexte de xénophobie croissante, à une période où ses politiques économiques sont massivement décriées, notamment en raison de l’explosion du coût de la vie pour les classes populaires. Ce rejet des immigré·es s’inscrit aussi dans une logique structurelle propre au capitalisme racial, qui tend à considérer une partie de la main-d’œuvre immigrée comme surnuméraire et inexploitable dans une période marquée par un taux de chômage élevé. 

Mais derrière la brutalité d’un pouvoir fédéral de plus en plus autoritaire, se révèle la solidarité et la résistance d’une ville qui refuse de plier face au projet ethnonationaliste de Donald Trump. De nombreux secteurs de la société civile se mobilisent pour protéger les communautés immigrées ciblées, en faisant pression sur les institutions locales afin qu’elles deviennent des remparts contre la répression. Le club de baseball des Dodgers a, par exemple, publiquement refusé l’accès de son stade à la police de l’immigration. Dans cet affrontement entre un appareil d’État autoritaire et une société civile mobilisée, se joue une lutte antiraciste centrale face à l’agenda politique de Donald Trump, dépassant les frontières de la ville de Los Angeles.

Lola Crittin