Dangereux retour des attaques contre les droits démocratiques des femmes musulmanes
Six ans après l’introduction de la loi sur la laïcité, la droite genevoise remet sur le tapis le principe de l’interdiction des signes religieux pour les élu·es.

Le projet de la loi sur la laïcité (LLE) comportait déjà, lors de son acceptation en 2019, une interdiction générale du port de signes religieux tant pour les représentant·es de l’État que les élu·es.
Une interdiction déjà jugée inconstitutionnelle
Saisie à l’époque par six recours, dont un de solidaritéS, la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice avait invalidé un article de la LLE comportant une interdiction aux élu·es du Grand Conseil et aux conseiller·es municipaux·ales de porter des signes religieux ostentatoires lorsqu’ils et elles siègent.
Une nouvelle disposition visant la même interdiction mais intégrée à la Constitution genevoise cette fois, a été adoptée le 20 novembre 2025 par une majorité du parlement cantonal composée de l’UDC, du PLR, du MCG et du Centre.
Cette interdiction viole la liberté de croyance et de religion ainsi que le principe de l’égalité politique. Selon la jurisprudence de 2019, il a été admis que les parlementaires ne représentaient pas l’État, mais la société et sa diversité, y compris religieuse. À ce titre, celles et ceux-ci ont droit à la préservation de leurs libertés et ne devraient pas être soumis·es aux mêmes restrictions que les fonctionnaires, les membres de l’exécutif ou les magistrat·es. En outre, la mesure instaure une forme de discrimination en empêchant certain·es citoyen·es de s’engager politiquement en raison de leur apparence ou de leurs convictions.
Pour les recourant·es de 2019, le principe de la laïcité de l’État ne devait pas rimer avec l’absence de représentation spirituelle dans l’espace public. Ils et elles n’avaient pas obtenu gain de cause sur ce point.
Nouveau recours
Deux député·es vert·es genevois·es, Dilara Bayrak et Julien Nicolet-dit-Félix, ont saisi la même chambre pour contester cette nouvelle tentative de la droite d’introduire une interdiction déjà jugée inconstitutionnelle.
Les député·es précité·es demandent l’effet suspensif afin d’éviter que le projet de loi soit soumis à la population et que celle-ci ne doive se prononcer sur une disposition susceptible d’être à nouveau invalidée.
À noter encore qu’en parallèle, un projet vise à retirer à la Chambre constitutionnelle la compétence de contrôler abstraitement les normes constitutionnelles, pour la confier à l’Assemblée fédérale. Si cette réforme était acceptée avant la votation populaire obligatoire sur la modification constitutionnelle, le recours en cours deviendrait sans objet.
En ligne de mire, c’est évidemment le voile des femmes musulmanes qui est visé par les attaques de la droite et du centre en dépit des violations démocratiques graves que ces attaques comportent.
Clémence Jung avocate à Droits Egaux et membre du comité AJP