Maroc

Hommage à Sion Assidon (1948–2025)

Sion Assidon s’était engagé dans la gauche révolutionnaire marocaine dans les années 1970. Libéré de prison en 1984, il n’a cessé de militer contre la monarchie corrompue et en faveur du peuple palestinien.

Sion Assidon
Sion Assidon

Le 9 novembre 2025, une foule de plusieurs centaines de personnes a accompagné au cimetière juif de Casablanca la dépouille du regretté militant marocain Sion Assidon. Retrouvé inconscient le 11 août à son domicile, resté depuis dans le coma, il est décédé le 7 novembre.

À ce jour, les causes de sa mort restent inconnues. La « justice » marocaine affirme qu’il s’agirait d’un accident survenu dans son verger, alors que Sion Assidon élaguait les branches d’un arbre. Mais sa famille et ses proches ne croient pas à cette version. Comment donc expliquer qu’après une chute sérieuse du haut d’un arbre Sion Assidon ait pu regagner son domicile et même s’y enfermer (la police locale alertée par ses proches, inquiets de son absence à un rendez-vous et sans réponse de sa part à plusieurs appels, avait dû enfoncer la porte de la maison)? 

Génération militante

Parmi la génération qui, dans les années 1970, s’était dressée contre la tyrannie de Hassan II, c’est l’un des meilleurs qui s’en va. Enfant d’une famille juive marocaine, Sion Assidon avait refusé d’être un «fidèle sujet» de la monarchie ou un émigrant potentiel en Israël – pays auquel Hassan II, en 1961, vendit la communauté juive marocaine contre espèces sonnantes et trébuchantes.

Au début des années 1970, Sion Assidon – politisé lors d’un séjour en France, peu avant mai 1968 – s’est engagé dans la gauche révolutionnaire de son pays, au sein de l’organisation Linakhduma al chaab (Servir le peuple). Cet engagement lui a valu la torture et la prison. Certain·es de ses camarades y ont perdu la vie.

Parmi les nombreuses victimes (souvent inconnues) de cette monarchie pourrie, Saïda Mnebhi – l’une des trois militantes jugées en 1977 à Kénitra, morte cette année-là lors d’une grève de la faim (décès dont l’incurie médicale qui le causa ne fut pas forcément fortuite) – et Abdellatif Zeroual, l’un des responsables de l’organisation Ilal Amam (En Avant), mort en 1974 sous la torture. 

Arrêté en 1972, Sion Assidon fut l’un des 139 accusé·es du procès de Kénitra (en 1977) contre la gauche révolutionnaire. Libéré en 1984, il reprit peu après la gestion de l’entreprise de son père, non pour s’embourgeoiser, mais pour assurer son existence matérielle. Mais il n’avait pas renoncé à ses opinions, ni au militantisme (sous des formes diverses). 

Continuité militante

Sachant la manière dont se traitaient souvent les affaires dans son pays, il créa une association de lutte contre la corruption (qui devint en 1996 la branche marocaine de Transparency).

Solidaire du peuple palestinien, il créa en 2010 la branche locale du mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions). 

Dans la même veine, après la signature des «Accords d’Abraham» par le roi Mohammed VI, normalisant (et officialisant, car elles étaient déjà bien anciennes…) les relations entre le Maroc et Israël, Sion Assidon participa à la création du « Front marocain de soutien à la Palestine et contre la normalisation ». À coup sûr, cet engagement en fit une cible pour les officines policières du royaume – dont on peut penser qu’elles ne furent pas étrangères à son «accident».

On trouve en effet dans la nécrologie de l’Union juive française pour la paix (UJFP) une opinion récente de Sion Assidon: «Il considérait que les déclarations de Trump concernant ‘la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental’ étaient un non-événement». Or, la «marocanité» du Sahara Occidental est un sujet explosif au pays de «Notre ami le roi» (titre d’un ouvrage à charge contre la monarchie, dans les années 1990, du regretté écrivain français Gilles Perrault).

Que la terre marocaine te soit légère. Repose en paix, camarade.

Hans-Peter Renk