Maroc

Le noircis­sement du gris

Le 22 décembre 2020, le Maroc signait un accord liant une normalisation des relations diplomatiques avec Israël à la reconnaissance américaine de la souveraineté de Rabat sur le Sahara occidental. Sur le plan intérieur, l’arrestation de l’historien Maâti Monjib témoigne d’un durcissement de la répression.

maati monjib

Le Maroc est ainsi devenu le 4e pays à normaliser ses relations avec Israël, après les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan au cours des derniers mois. Mais ces liens entre le régime et Israël ne sont pas nouveaux. En 1965, Hassan II permet au Mossad d’espionner une réunion de la Ligue arabe, moment crucial pour la victoire d’Israël lors de la guerre des Six-Jours. En échange, l’opposant Mehdi Ben Barka était éliminé.

Dès la formation du régime, la répression contre les opposant·e·s politiques s’est donc articulée à la complaisance avec l’État sioniste d’une part, et à l’occupation illégitime du Sahara occidental d’autre part (voir solidaritéS nº 379). Or, si la soi-disant « marocanité » du Sahara occidental est largement acceptée par la population, l’oppression coloniale des Palestinien·ne·s continue de l’émouvoir et de susciter son opposition. Cet accord pourrait donc s’avérer contre-productif pour le régime : en mettant ces deux situations sur le même plan, il révèle l’illégitimité de son occupation au Sahara occidental. Mais à coup de harcèlement policier et judiciaire, le pouvoir cherche à isoler celles et ceux qui s’opposent à sa violence et à éteindre la flamme des mouvements populaires. Jusqu’à quand cette stratégie sera-t-elle tenable ?

Le militant révolutionnaire Abraham Serfaty parlait de noir et de gris pour désigner la nature du régime ; le noir désignant les années de plomb et la répression l’ayant personnellement touché, tandis que le gris illustrait les fragiles ouvertures démocratiques douloureusement arrachées à un régime autoritaire. Il semblerait que le gris se noircisse face à des irruptions de clarté.

Anouk Essyad