Union européenne

Vers des déportations préventives?

Début décembre, le Conseil de l’Union européenne (UE) a décidé de permettre l’externalisation des procédures d’asile dans des pays tiers et la facilitation des renvois.

Beat Jans lors de la réunion du Conseil européen qui s’est accordé sur un règlement qui facilite l’externalisation des procédures d’asile. Bruxelles, 8 décembre 2025.
Le chef du Département de justice et police lors de la réunion du Conseil européen qui s’est accordé sur un règlement qui facilite l’externalisation des procédures d’asile. Bruxelles, 8 décembre 2025.

Cela fait des années que certains pays européens (Danemark, Grande-Bretagne, Italie, etc.) tentent d’externaliser leurs procédures d’asile. Une pratique inhumaine que l’Europe a déjà initiée en 2015, lorsqu’elle négocie des milliards avec la Turquie en échange de l’engagement à retenir les réfugié·es sur son territoire, à ralentir la migration irrégulière et à exécuter les renvois si nécessaire. 

Des actions politiques ou juridiques ont pour l’instant entravé ces projets d’externalisation. Ils avaient le défaut de ne pas respecter les Constitutions… Mais dans un contexte politique qui mêle une forte progression de l’extrême droite, poussant à l’accélération des expulsions, ainsi que l’arrivée prévue dans quelques mois du nouveau pacte européen sur l’asile, les politicien·nes ont cherché un moyen de lever ces entraves.

Durcir encore le droit européen en matière d’asile 

Lundi 8 décembre, le Conseil de l’UE a approuvé un «règlement relatif au retour» devant permettre aux États membres de conclure des accords bilatéraux avec des pays tiers, situés hors de l’UE, afin de prendre en charge les procédures d’asile, de recevoir les personnes dont la demande a été refusée ou encore de les expulser plus loin. L’objectif étant d’accélérer les déportations hors du continent européen, y compris à destination de pays tiers avec lesquels les exilé·es n’ont aucun lien.

Deux autres éléments ont également été validés. En premier lieu, un durcissement des règles de concernant les États tiers sûrs: la demande d’asile des personnes ayant transité par ceux-ci se verra rejetée sans examen du fond. Ensuite, les personnes originaires de pays étiquetés comme «sûrs» (Colombie, Bangladesh, Maroc, Tunisie, Égypte, etc.) ne pourront plus bénéficier que d’une procédure d’asile accélérée. Comprendre: avec très peu de chance d’aboutir à l’obtention d’un statut de séjour. 

Les États membres et le Parlement européen devront à présent se prononcer sur ces propositions, et si le règlement relatif au retour était accepté, la Suisse aurait à se positionner à son sujet.

Horizon 2026: le pacte anti-asile

Ces durcissements, qui ne font que bafouer toujours plus la notion même d’asile, apparaissent à un moment clé de la révision de la gestion de l’asile en Europe. Un pacte sur l’asile a été adopté en 2024 par l’UE, dont la Suisse sera partie prenante, et entrera en vigueur en juin prochain. Il a pour objectif de contrôler davantage les demandes d’asile par l’enfermement dans des centres carcéraux aux frontières de l’Europe-forteresse, en usant pour y arriver de moyens policiers – voire militaires – sans plus aucun souci du respect des droits humains.

Aude Martenot