Pour une agriculture humaine et écologique

Pour une agriculture humaine et écologique

Dans le cadre de la défense d’une agriculture locale, le viticulteur Willy Cretegny a lancé, le 1er juin 2004, un Appel, dans lequel il explique les raisons qui l’ont poussé à la désobéissance civile1. Viticulteur biologique depuis 1995, président des marchés de Genève et de Bio Genève, il nous livre ses réflexions et révoltes sur l’agriculture actuelle.

Pourquoi cet appel maintenant?

De 1991 à 1994, je me suis battu pour pouvoir vendre mes vins sur les marchés genevois. A l’issue de ce combat, gagné juridiquement, une certitude s’impose, l’Etat de Genève n’aura plus un sou de ma part, pour la promotion du vignoble genevois. Parallèlement à cette lutte un peu personnelle, la libéralisation des marchés a complètement changé le visage de la viticulture et de l’économie en général. Mon refus de verser cette taxe professionnelle devient acte de désobéissance civile. Acte essentiel, car il montre que chacun et chacune peut et doit s’opposer à des dérives graves mettant en péril l’avenir de la société. Cet appel est là pour dire tout haut ce que beaucoup vivent en silence: les petits agriculteurs ont de la peine à survivre, ils doivent travailler toujours plus pour gagner de moins en moins. Je crois que le temps des débats est passé; il s’agit maintenant d’analyser ces mécanismes néolibéraux, afin de lutter radicalement, sans se contenter du maintien des acquis.

La faute à la concurrence?

La loi sur la concurrence actuelle tend à favoriser une déréglementation pour augmenter la concurrence. En fait, la concurrence diminue puisque les petits producteurs disparaissent. Ils ne peuvent pas suivre les prix imposés par la grande distribution. Les seuls qui ont alors le droit d’exister ce sont les plus riches et les plus solides. Pourquoi et comment être performant à longueur d’année? Comme partout ailleurs dans la société, il n’y a pas de place pour des personnes plus fragiles.

Quelles sont les mesures les plus urgentes à prendre?

Il est urgent de légiférer pour que les produits ne puissent être vendus en dessous du coût de production locale. Il y a des lois contre le dumping salarial, mais parallèlement, on autorise la vente à n’importe quel prix des produits: il y a alors une baisse du niveau et de la qualité de la vie.

Il devrait être interdit de prononcer des faillites d’exploitations agricoles, tant qu’il n’y a pas de changement de politique agricole. Malheureusement, tant le programme fédéral de politique agricole 2007, que la nouvelle loi cantonale sur la promotion de l’agriculture vont accentuer la disparition de la petite paysannerie. Il faut savoir que Berne est allé plus loin que l’OMC sur certains points, notamment la déréglementation des contingents. D’une certaine manière, le système libéral met tout en œuvre pour détruire la petite agriculture locale, mais il ne peut en supporter les conséquences, alors des subventions sont votées et les promoteurs de cette politique économique pleurent sur les déficits publics et les coûts de l’agriculture.

Quelles sont les prochaines échéances auxquelles tu vas être confronté?

J’ai reçu une lettre recommandée m’enjoignant de me rendre le 25 juin à l’Office des poursuites et faillites, sinon il y a la possibilité d’écoper d’une amende ou de l’arrêt. Je vais leur répondre que je ne me rends pas et qu’ils peuvent venir m’arrêter. Plusieurs collègues soutiennent mon combat pour une agriculture locale, respectueuse des gens et des futures générations, même s’ils n’utilisent pas la désobéissance civile comme mode d’action.

Propos recueillis par
Marie-Eve TEJEDOR

  1. Infos et Appel sur: www.forumsociallemanique.org