Les services publics vaudois sacrifiés sur l'autel des finances

Les services publics vaudois sacrifiés sur l’autel des finances

Le 27 octobre 2004, La délégation du
Conseil d’Etat vaudois, Anne Catherine
Lyon, socialiste, Pascal Broulis, radical
et Jean-Claude Mermoud, UDC, a
présenté son budget 2005 devant les
organisations du personnel (FSF, SUD et
SSP). Cette présentation n’était que la
troisième attaque en règle, cette année,
contre les prestations des services
publics et parapublics, ainsi que contre
les conditions de travail, de salaire et
d’emploi des travailleurs-euses de ces
services. Le 5 avril 2004, le Conseil
d’Etat, avait déjà annoncé des mesures
d’économie avec effet immédiat (43
millions). Le 7 juillet 2004, il en remettait
une couche avec un «plan
d’assainissement» prévoyant une
stagnation des dépenses pour 2005; et
maintenant, il veut imposer une
diminution des charges par rapport au
budget 2004.

Cette succession de mesures d’économie implique une
non-indexation des salaires, la suppression des augmentations
statutaires (annuités) pour tout le personnel de
l’Etat et des institutions subventionnées, des suppressions
de postes, des licenciements par centaines, aussi
bien dans l’administration que dans les établissements
médico-sociaux, la non-prise en compte des besoins supplémentaires
liés à l’évolution démographique dans les
écoles, la réduction de 100 francs par mois pour les bénéficiaires
du RMR (revenu minimum d’insertion), etc.

Les riches épargnés

L’ensemble de ce paquet est totalement inacceptable. Ce
gouvernement n’a plus aucun projet qui tienne la route.
L’assainissement des finances publiques est la seule
chose qui l’intéresse. Ce mot cache en fait une réalité: la
politique des caisses vides pratiquée depuis au moins une
dizaine d’années1. Pourtant le Conseil d’Etat le reconnaît luimême:
«si la dotation budgétaire a été respectée pour les
dépenses, les revenus et les recettes fiscales en particulier
n’ont pas répondu aux attentes du budget» (communiqué
de presse du 5 avril 2004 sur les comptes 2003). La
logique voudrait que l’on agisse donc de façon nettement
prioritaire sur les recettes. Pourtant, la timide proposition
du Conseil d’Etat qui sera soumise en votation populaire,
en novembre prochain, est extrêmement loin du compte.

Les mesures d’assainissement décidées en juillet 2004
(170 millions) prévoient 70% de réduction de charges et
seulement 30% d’augmentation de revenus, Parmi ces
mesures, figure une augmentation 5% (en 2005, 2006
et 2007 seulement) de l’impôt sur la fortune (rendement:
28,5 millions). Le nombre de millionnaires ayant
passé d’environ 5000 en 1990 à près de 15000 en 2002,
et leur fortune imposable de 15 milliards en 1990 à 51
milliards en 2001, on voit qu’une augmentation de leur
charge fiscale serait tout à fait supportable. Mais la
logique du Conseil d’Etat s’arrête là où commencent les
intérêts de ces véritables privilégiés. Par contre, il n’a
aucun scrupule à piquer au passage dans le porte-monnaie
de celles et ceux qui ne trouvent pas de travail.

Corset financier néolibéral

Le Conseil d’Etat brandit la nouvelle Constitution vaudoise
pour se justifier. Son art. 165 prévoit que: «Si,
dans les derniers comptes, les recettes ne couvrent pas
les charges avant amortissements, les autorités cantonales
prennent sans délai des mesures d’assainissement
portant sur le montant du dépassement». Ce corset
financier de facture néolibérale (gérer les services de
l’Etat selon des critères importés de l’économie privée),
qui a inspiré les récente propositions fiscales du parti
socialiste genevois, empêche la réalisation des autres
objectifs prévus par ladite Constitution (éducation, formation,
santé,…). Il conviendrait donc de le faire sauter.
Une révision partielle de la constitution sur ce point
serait parfaitement légitime. Après tout, le peuple vaudois
avait refusé en votation populaire un dispositif de
«frein à l’endentement» du même acabit en 1998.

La colère s’est emparée de milliers de salarié-e-s des
services publics de l’Etat de Vaud. 6000 dan la rue le 23
septembre, 10 000 le 28 septembre. Ce jour-là, des
milliers de travailleurs-euses ont fait la grève l’après-midi,
particulièrement dans les écoles (primaires,
secondaires, professionnelles et dans les gymnases).
Une nouvelle journée de grève a eu lieu le 5 octobre.
Largement suivie dans les écoles et de façon plus inégale
dans les autres services, elle défendait les revendications
suivantes:

  • Maintien de l’indexation et des augmentations annuelles;
  • mise en place d’une garantie de non-licenciement;
  • retrait des mesures contre les usagers-ères des services publics;
  • augmentation des moyens pour la formation.

Or, le gouvernement refuse d’entrer en matière sur tous
ces points, à l’exception, en partie, du premier, pour
autant que les organisations du personnel se lient les
mains en signant une convention salariale de trois ans.

La grève du 5 octobre n’aura de sens que si elle sert de
tremplin pour préparer une grève reconductible, donc
de plusieurs jours, à réaliser dans les prochaines semaines.
Elle devrait aussi permettre une large mobilisation
des usagers-ères et de l’opinion en faveur de services
publics de qualité répondant aux besoins de la population.
Il est temps que le gouvernement vaudois comprenne
que l’on peut tout faire avec des chiffres sauf
s’asseoir dessus.

Pierre-Yves OPPIKOFER

  1. Les allègements fiscaux octroyés de 1987 à 1997 en faveur des milieux aisés ont privés l’Etat de Vaud 3,6 milliards de recettes durant la même.