Italie: rouge contre noir

Italie: rouge contre noir


Le chantage, les menaces, la diffamation et les manœuvres du gouvernement Berlusconi n’ont rien pu contre la marée montante du mécontentement de masse qui s’est exprimé samedi 23 mars dans la capitale italienne. Même l’assassinat politique d’un conseiller technique du ministère du travail, quatre jours avant, par les Brigades Rouges, a concouru paradoxalement au succès de cette manifestation. Les termes en usage dans le jargon politique ne suffisent pas à décrire l’événement, qui revêt assurément un caractère historique. Près de trois millions de personnes qui envahissent la capitale romaine ce n’est plus une manifestation. Le mécontentement, la rage, mais aussi l’enthousiasme et la détermination, ont coloré ce mouvement de masse, dont la retenue n’a offert aucune prise aux détracteurs du régime. Berlusconi et ses acolytes, mais aussi les directions syndicales «réformistes» et les leaders social-libéraux de la «gauche» institutionnelle, sont restés littéralement aphones.



Que dire, en effet, après l’expression d’une telle détermination collective, d’une telle explosion tout à la fois spontanée et construite, après de longues mois de dérive institutionnelle, proprement réactionnaire?



Samedi à Rome, Berlusconi d’une main de maître a réussi à mettre ensemble salarié-e-s et retraité-e-s, étudiant-e-s et ouvriers/ères, syndiqué-e-s et immigré-e-s, militant-e-s organisés et alternatifs/ves «no-global». Toutes et tous, cibles privilégiés de la politique de démontage social à laquelle son gouvernement s’est attelé avec méthode et constance depuis 12 mois. L’attaque à l’article 18 du «statut des travailleurs» (qui protège les salarié-e-s contre les licenciements abusifs) était la goutte qui à libéré la marée. Mais elle a été précédée par la réforme de l’école, l’auto-amnistie pour les membres du gouvernement pour les délits «financiers», l’ingérence honteuse dans les affaires judiciaires, l’appropriation illégitime des moyens de communications télévisuels publics et privés, la tentative de criminalisation de l’immigration clandestine, etc. Sans parler des appels pathétiques à la guerre de civilisation, au lendemain du 11 septembre, entre autres «maladresses» diplomatiques, ni du sang qui salit les mains des responsables de la répression du mouvement anti-globalisation de Gènes (juillet 2001). La liste est trop longue.



Au delà de la politique-spectacle, dont Berlusconi est un professionnel endurci, son gouvernement est l’expression de la déliquescence d’un système politique et d’une crise sociale particulières. La crise de représentativité de l’ensemble de la «classe politique», qui a remplacé une génération de politiciens corrompus et souvent maqués avec la mafia, concerne aussi bien la droite que la «gauche». Berlusconi a fait la sourde oreille aux appels des organisations patronales qui ne voulaient pas payer de la paix sociale la réforme du statut des travailleurs. La bourgeoisie dans son ensemble se passerait fort volontiers de la mise en cause des fondements mêmes du «régime démocratique», ou des perspectives de construction de l’Union européenne. Tout comme, la classe ouvrière et l’ensemble des salarié-e-s, n’ont que faire de la politique de compromission et de démission éhontées des héritiers du PCI (Démocrates de gauche).



Samedi 23 mars à Rome, un formidable mouvement de masse a mis un frein à la dérive de la gauche institutionnelle et à la politique de collaboration de classe des confédérations syndicales. Une grève générale est convoquée le 12 avril prochain. L’Argentine est loin, mais la crise du capitalisme ne connaît pas de frontières.



Leonardo SPAGNOLI