France: public-privé ensemble pour gagner

France: public-privé ensemble pour gagner

Les 18, 19 et 20 janvier, la fonction
publique française, a relancé sa
mobilisation, après celle, forte mais
infructueuse, de 2003 contre la réforme
des retraites, entre autres. Deux caractéristiques
principales émergent de ce nouveau
mouvement qui a réuni plus de 300000
manifestant-e-s dans tout le pays le jeudi
20 janvier. D’une part, la revendication
salariale, potentiellement unificatrice, et
d’autre part la volonté de convergence
avec le secteur privé. Prochaine échéance:
la manifestation privé-public du 5 février.

L’air balourd de Raffarin, la guéguerre successorale
entre Sarkozy et Chirac, les tours
de pistes médiatiques du vibrionnant
Douste-Blazy, dit «Doux-Bla-Bla», le panache
poético-policier de Villepin ne doivent
pas faire illusion. Malgré son pittoresque
achevé, ce gouvernement poursuit, sous sa
mollesse apparente, un programme de
contre-réformes libérales. Rejeté par la rue
en 2003, repoussé par les urnes en 2004, il
n’en continue pas moins son œuvre. Il faut,
n’est-ce pas, moderniser le pays. Traduite
par une dirigeante du Medef, l’organisation
patronale du baron Seillère, la formule
s’éclaire brutalement: « la modernité s’arrête
là où commence le droit du travail».

Qui sème la misère…

Les différents secteurs mobilisés durant la
troisième semaine de janvier se sont mis
en mouvement à partir de préoccupations
précises. Contre la privatisation et la filialisation
à la Poste, pour l’emploi à la SNCF,
pour les salaires dans les fonctions publiques,
contre la réforme Fillon dans
l’Education nationale (où près de 60 % du
personnel a fait grève), pour des moyens
et des effectifs en hausse dans les hôpitaux.
La question de la revalorisation des
salaires semble pouvoir non seulement
unifier ces secteurs publics, mais, et c’est
essentiel, trouver une forte résonance
dans le privé. A juste titre, du reste: la part
des salaires dans le produit national a
diminué de 10 % depuis 1983. Et le bilan
officiel de la négociation collective effectué
en 2002 par le Ministère du travail
montre que 82 % des accords recensés
contenait desminimasalariaux inférieurs
au Smic. Les slogans entendus lors de la
manifestation parisienne du jeudi 20 janvier:
«Picsou, des sous», «Dutreil, ouvre
tes oreilles et lâche-nous l’oseille
»,
«Fillon, du pognon!» (R. Dutreil est ministre
de la Fonction publique, F.Fillon de
l’Education nationale) risquent fort de
resurgir sous une forme ou sous une
autre lors de la manifestation du 5 février.
Prévue initialement pour la défense des 35
heures elle a, sous la pression, intégré
finalement la question des salaires.

Unir, converger, généraliser

Tant mieux. Car le mécanisme de remise
en cause des 35 heures par la négociation
individuelle du temps de travail, réclamée
par le patronat, ne pourra être mis à mal
que si le Smic, aujourd’hui en lambeaux,
est réhabilité (1500 euros minimum, avec
indexation) et que des augmentations unitaires
(300 euros pour tous) rendent vivable
la réduction du temps du travail pour
les bas salaires, les précaires et les temps
partiel. Ces revendications visent directement
la répartition des richesses et rejettent
le creusement de toutes les inégalités
poursuivi par l’homme de la f(r)acture
sociale. Elles peuvent constituer le socle
d’un mouvement large, s’inscrivant dans
la durée et refusant la logique démobilisatrice
des journées d’action sans lendemain.
Elles parlent au public, comme au
privé. Elles peuvent représenter la première
marche d’une mobilisation générale
et donner un contenu au «Qu’on soit
public, qu’on soit privé, c’est tous ensemble
qu’il faut gagner
» entendu dans les
manifestations. Elles s’opposent radicalement
au «tout pour le marché et les dividendes» des nantis, des beaux quartiers
de Neuilly, Auteuil, Passy et des frères
Sarkozy. Rendez-vous donc le 5 février et
au-delà, pour une lutte qui rendra très
concret le débat sur la Constitution européenne
et la priorité absolue qu’elle donne
au marché.

Daniel SÜRI