Turquie - UE: inégalités renforcées
Turquie – UE: inégalités renforcées
En Turquie, il y a deux attentes concernant
lintégration à lUE: développement
économique avec hausse du
niveau de vie et démocratisation. Mais il y
a de grosses contradictions par rapport à
ces buts, liés à la nature structurelle des
relations Turquie-UE et des politiques de
lUE vis-à-vis de ce pays.
Dabord, ces rapports relèvent de la
dépendance. La Turquie est un pays débiteur,
alors que lUE exporte des capitaux.
La Turquie est un pays pauvre, à technologie
standard, et na pas terminé son
industrialisation, lUE est composée de
pays avancés dans ces domaine. Il y a
rapport déchange inégal. Dans un tel
cadre, lHistoire montre que le pauvre
sappauvrit et que le riche senrichit. La
libéralisation du commerce et dautres
activités favorise la partie avantagée. Ceci
se voit mondialement. Le fossé entre
pays riches et pauvres est passé en 30-40
ans dun rapport de 1 à 25 à 1 à 90. Karl
Marx avait raison, en 1848, en disant:
«Dans létat actuel de la société, questce
que le libre-échange? Cest la liberté
du capital. Quand vous aurez fait tomber
les entraves nationales qui enchaînent
encore la marche du capital, vous naurez
fait quen affranchir entièrement laction.
Tant que vous laissez subsister le rapport
du travail salarié au capital, léchange des
marchandises entre elles aura beau se
faire dans les conditions les plus favorables,
il y aura toujours une classe qui
exploitera, et une classe exploitée. [
]
Nous avons fait voir ce que cest que la
fraternité que le libre-échange fait naître
entre différentes classes dune seule
nation. La fraternité que le libre-échange
établirait entre les différentes nations de
la terre ne serait guère plus fraternelle.
[
] Tous les phénomènes destructeurs
que la libre concurrence fait naître dans
lintérieur dun pays se reproduisent
dans des proportions plus gigantesques
sur le marché mondial. [
]
Si les libre-échangistes ne peuvent pas
comprendre comment un pays peut
senrichir aux dépens de lautre, nous ne
devons pas en être étonnés, puisque ces
mêmes messieurs ne veulent pas non
plus comprendre comment, dans lintérieur
dun pays, une classe peut senrichir
aux dépens dune autre classe.»1
Plus récemment, Julius Nyerere de
Tanzanie a dit en 1971: «Quand nous
préparions notre premier plan quinquennal,
le prix de notre sisal était de 148
livres sterling par tonne. Nous pensions
que ce prix risquait de chuter, nous nous
sommes donc basés sur un prix moyen
de 95 livres. Il est descendu à moins de
70. On ne peut pas gagner. En 1963,
nous devions produire 5 tonnes de sisal
pour acheter un tracteur, en 1970 il en
fallait 10 pour acheter le même tracteur.»
Deuxièmement, par ses «Critères de
Copenhague», lUE impose à la Turquie
un programme économique identique à
celui du FMI, avec privatisations, réductions
des dépenses publiques, coupes
dans les services sociaux, baisse des
salaires, plus de travail avant la retraite,
etc. Le plan de lUE est même plus
étendu et plus draconien. Il soppose aux
aspirations à une amélioration des conditions
de vie des masses et engendre
aussi des dynamiques antidémocratiques,
car ce type de politiques sociale et
économique saccompagne toujours
doppression accrue. Des mesures à la
FMI ne peuvent être mises en uvre que
par la répression. Le fait que lUE soutient
de manière générale les prisons à
cellule disolement en Turquie nest pas
une coïncidence.
Troisièmement, quasi tous les fonctionnaires
de lUE, politiciens et dirigeants
des Etats membres, expliquent que la
Turquie est importante pour lUE, en particulier
pour son rôle stratégique.
Manière diplomatique despérer quen
sus dune main duvre bon marché, la
Turquie fournira aussi des troupes à bon
compte. Cette «armée de réserve» agira
comme homme de main de limpérialisme
européen. Il va sans dire quun tel
rôle militariste, dans les régions sensibles
dont la Turquie est voisine, risque
davoir des conséquences incalculables
Aujourdhui déjà, les militaires turcs ont
une «liste dachats» portant sur des
dizaines de millions de dollars: fardeau
qui pèsera sur les classes laborieuses.
Ce nest pas que le pain quotidien des
travailleurs-euses qui sera sacrifié, mais
aussi des services sociaux vitaux et la
prospérité future. Un tel rôle militariste
accroissant, dans la durée, le poids des
militaires, les dépenses militaires augmenteront
au détriment du développement
et au prix de dislocations sociales
et économiques. La démocratisation sera
une autre victime dun appareil militaire
plus envahissant, qui gagnera en
influence avec ses nouvelles missions.
Le militarisme déjà omniprésent en
Turquie, idéologiquement et culturellement,
sera encore renforcé, détruisant le
reste de dynamique démocratique.
Dr Haluk GERGER
- K. Marx, Discours sur le libre échange, 1848.