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Entretien avec un rebelle
L’envahissement médiatique du religieux a pour corollaire une omerta relative à la libre pensée.
C’est pourquoi, dans cet ouvrage, René Cruse rend compte d’un cheminement spirituel, à l’opposé des credo. L’auteur, poussé dans ses retranchements par Raymond Zoller, dénonce les croyances aberrantes qui induisent généralement des comportements politiques belligènes et des pratiques individuelles insensées.
Ici, le libre penseur fonce allègrement contre l’obscurantisme et les discours amphigouriques des experts en choses vagues que sont les religieux. L’ancienneté de leurs erreurs n’en fait pas une vérité
René Cruse réagit contre l’actuelle déferlante religieuse qui est une mauvaise réponse au désenchantement ambiant.
Comme le dit Raymond Zoller: «Ces entretiens sont le reflet de notre méthode de travail. Celui qui écoutait, recueillait la parole du sage impertinent, puis rédigeait des questions inspirées tant par sa vie, ses souvenirs qu’à travers ses écrits. La semaine suivante, René Cruse rendait sa copie en forme de réponses et, régulièrement, nous passions plusieurs heures à peaufiner notre dialogue.
Naturellement, le résultat donne une impression de patchwork. Mais c’est précisément dans le fourmillement intellectuel de René Cruse que pointe l’unité et la symphonie d’un parcours marqué par le pessimisme de la pensée et l’optimisme de la volonté.»
René Cruse : Ancien combattant contre le nazisme, a été connu en France comme pasteur engagé dans, les Mouvements Non- Violents. Licencié en théologie et diplômé de l’Institut universitaire du développement (Genève), il ne cesse de lutter aux côtés des antimilitaristes et des altermondialistes. (réd)
René Cruse, Entretien avec un rebelle, L’Harmattan
L’empire de la honte
Le dernier livre de Jean Ziegler, aujourd’hui rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, parle de L’empire de la honte. La «honte», c’est la faim, arme de destruction massive, comme il l’a qualifie. Elle a tué, en 2004, davantage que toutes les guerres réunies de l’année! En 2001, toutes les sept secondes, un enfant de moins de 10 ans mourait de faim, aujourd’hui, toutes les 5 secondes! Une absurdité, une infamie qu’aucune raison ne saurait justifier, ni aucune politique légitimer. Car, selon le rapport de la FAO de 2003, la terre pourrait nourrir aujourd’hui, sans problème, 12 milliards d’êtres humains!
La honte, réside dans le fait que pour éliminer la faim dans le monde en 2004, il suffirait d’y consacrer quinze jours de dépenses militaires mondiales (plus de 1000 milliards de US$ annuels, les USA en dépensent la moitié à eux seuls!). Et pendant ce temps, les bénéfices des multinationales de l’agro-alimentaire ne cessent de croître, comme ceux de Nestlé. Multi nationale à laquelle il consacre un chapitre: la pieuvre de Vevey.
Un grand panneau situé dans le hall du siège de l’ONU a New York rappelle ce chiffre, ainsi que bien d’autres, tout aussi honteux. Par exemple, pour supprimer l’analphabétisme, il faudrait consacrer une semaine de dépenses d’armement. Ziegler suggère d’afficher un tel tableau dans toutes les classes d’école!
Il souligne combien le poids de la dette écrase toute tentative de développement des programmes d’alimentation, de santé et d’éducation dans le tiers monde. Par exemple, le Cameroun consacre le 4% de son budget au social puisqu’il doit consacrer le 36% de son budget au service de la dette!
L’auteur évoque son expérience personnelle au sein de l’ONU, ses passes d’armes avec les «diplomates» des USA.. Notamment lorsqu’il justifia la décision du gouvernement zambien de refuser l’aide du PAM (Programme alimentaire mondial). En effet, l’aide alimentaire était composée de tonnes de grains de maïs génétiquement modifiés.
Il évoque aussi avec pessimisme l’exemple du gouvernement de Lula au Brésil. L’échec du programme de lutte contre la faim. Pour devenir réalité, le «Programma Fome zero» a besoin de centaines de millions de dollars d’investissements publics. Mais à Brasilia, les caisses sont vides. Les intérêts et l’amortissement de la dette absorbent pratiquement tout l’argent disponible.
Comme le souligne Ziegler à la fin de son ouvrage: Mon livre est un diagnostic. Rien que la vérité celle qui est révolutionnaire comme la qualifiait Lénine. L’ouvrage se termine par cet appel du révolutionnaire Babeuf, en 1791, alors qu’il était sur l’échafaud: (…) Que le peuple renverse toutes les institutions barbares( ). Tous les maux sont à leur comble, ils ne peuvent plus empirer. Ils ne peuvent se réparer que par un bouleversement total( ). (dk)
Jean Ziegler, L’empire de la honte, Fayard
Pour réparer l’oubli et l’indifférence
Le 8 mars est sorti de presse un livre très attendu: Les femmes dans la mémoire de Genève. Sous la direction d’Erica Deuber-Ziegler, historienne d’art chevronnée, et de Natalia Tikhonov, jeune historienne enthousiaste, quatre-vingt six femmes qui ont compté pour Genève nous sont présentées dans cet ouvrage richement illustré, publié par l’éditrice Suzanne Hurter. «Il répare un oubli en rendant justice à quelques unes des femmes de Genève qui ont apporté aux cours des siècles, par leurs activités une contribution personnelle marquante à l’existence et à l’épanouissement de la société. Il se veut une réaction à l’indifférence, voire au dédain avec lesquels les femmes ont été généralement traitées par les historiens» annoncent en introduction les historiennes du Comité scientifique qui ont supervisé et présenté le travail d’une soixantaine de rédacteurs et rédactrices de monographies1.
Il répond aussi aux vux des quatre collégiennes «scandalisées d’ignorer l’existence des femmes qui ont contribué à l’histoire de l’humanité» qui avaient lancé en octobre 2003 une pétition adressée au Président du DIP. humains. Leur demande a été entendue:depuis 2003, quatre livres sur les femmes de Suisse romande2 ont déjà été publiés.
L’ouvrage est ordonné en cinq parties chronologiques qui s’étendent du XVème siècle à nos jours, découpées en fonction des changements visibles survenus dans les rapports entre les sexes. Il débute à l’époque des grandes foires internationales, avec la monographie d’Anne de Lusignan (1418-1462), duchesse de Savoie, belle-fille d’un pape, mère de 18 enfants, fondatrice du couvent de Rive et propriétaire de la plus précieuse relique de la chrétienté, le saint Suaire. Il se clôt sur les contemporaines du MLF, des femmes qui commencent à vivre l’égalité dans la profession, la politique, les voyages, les arts. Le dernier portrait est celui de Geneviève Calame (1946-1993), compositrice de musique électronique.
Une des options du comité scientifique étant de ne présenter que des femmes disparues, Aimée Stitelmann n’avait pas de rubrique prévue, mais Martine Chaponnière a pu juste la saluer dans son introduction au chapitre Femmes de combat (p.263).
Tous ces livres sont évidemment en vente à L’Inédite, 15 rue Saint-Joseph à Carouge, seule librairie des femmes à survivre en Suisse depuis 26 ans! Commandes aussi par téléphone 022 343 22 33 et par mail: inedite@genevalink.ch (mbu)
- Dont plusieurs membres de solidaritéS. Erik Grobet, notamment, a présenté la biographie de sa grand-mère Pearl Grobet-Secretan (1904-1988), militante socialiste, pacifiste et féministe.
- Florence Hervé et Brigitte Mantilleri Histoires et visages de femmes, éditions Cabédita, Service pour la promotion de l’égalité, Pionnières et créatrices en Suisse romande: XIXème et XXème siècle, éditions Slatkine. En 2003, dans le canton de Vaud avait paru Du salon à l’usine, vingt portraits de femmes, coédition CLAFV-ADF-Ouvertures.