Pour un salaire minimum légal et l'égalité des droits

Pour un salaire minimum légal et l’égalité des droits

Avec 56% de oui à l’Accord d’extension de la libre circulation des personnes aux ressortissant-e-s des dix nouveaux pays membres de l’Union européenne (UE), une majorité de citoyennes et citoyens s’est opposée aux préjugés xénophobes véhiculés à l’envi par la campagne de votation de l’UDC, par rapport à laquelle, malheureusement, une partie de l’Alliance de Gauche (Christian Grobet et le Parti du Travail) n’a pas su prendre clairement ses distances. La stigmatisation des étrangers – frontaliers et nouveaux immigrés –, femmes et hommes, présentés comme responsables du chômage de longue durée, de la précarisation des emplois ou de réduction du pouvoir d’achat n’a pas conduit au rejet de cet Accord. Le plombier polonais n’est pas un épouvantail! Et une propagande simpliste, fondée sur la peur et la haine, a échoué. Notre mouvement solidaritéS s’en réjouit.

Mais si, au soir du 25 septembre, un mur mitoyen est tombé, d’autres remparts s’élèvent aux bornes de la maison helvétique! La nouvelle loi sur les étrangers (LEtr) et la révision durcissant encore la loi sur l’asile (LAsi), débattues et adoptées très probablement dans les semaines et mois qui viennent par la majorité des Chambres fédérales, sont autant de nouveaux murs dressés aux frontières afin de rendre impossible tout séjour légal aux ressortissant-e-s des quatre cinquième du monde, celles et ceux ne provenant pas d’un Etat de l’UE.

Contre toutes les formes de ségrégation!

Ces législations vont ainsi fabriquer de nouveaux sans-papiers. Leur adoption par ceux-là même qui se sont targués de défendre un projet «d’ouverture» dans la campagne pour le 25 septembre met en évidence leur double langage: libre circulation pour le plombier polonais mais fermeture de la frontière pour la femme de ménage équatorienne, l’ouvrier agricole kosovar, le/la requérant-e d’asile tchétchène, congolais-e ou kurde.

Après l’approbation des Accords de Schengen/Dublin, c’est un véritable projet discriminatoire, de «préférence européenne» , qui est mis en place, une politique migratoire qui bafoue l’égalité des droits, et en particulier celui à la libre circulation pour toutes et tous, indépendamment de son origine nationale. Celles et ceux qui se sont prononcés pour un oui le 25 septembre, contre le racisme et la xénophobie de la droite nationaliste, ne pourront dans la foulée que s’opposer à la LEtr et à la nouvelle révision de la LAsi.

Contre l’insécurité sociale, pour un salaire minimum légal!

Les 44% de non à l’Accord de libre circulation recoupent, pour la très grande partie, la carte des votes nationalistes traditionnels: refus des petits cantons de Suisse centrale, force de la Lega xénophobe au Tessin, poids des préjugés anti-étrangers en Argovie, Thurgovie, Lucerne ou dans certaines communes de La Broye vaudoise. Dans la même veine, les citoyens-ennes de la commune de Vallorbe (VD) ont refusé l’Accord, manifestant ainsi leur mécontentement face au Centre d’enregistrement de requérants d’asile installé sur le territoire!

Le refus de certaines communes dans la banlieue genevoise (Vernier, Lancy, Meyrin, Onex) ou l’écart de presque dix points par rapport à la moyenne cantonale de la commune ouvrière de Renens (près de Lausanne) met en évidence aussi un vote de mécontentement populaire face à la dégradation des conditions de travail et de vie (hausse des loyers et des primes d’assurance-maladie). Les mesures d’accompagnement n’ont pas véritablement rassuré celles et ceux qui sont victimes de licenciements et de baisse de salaire! Et pour cause…

Le Parti socialiste suisse (PSS) affirme, dans un communiqué publié après le résultat de la votation, que ce dernier «fait faire un véritable bon en avant au droit suisse du travail» . Le PSS fanfaronne et risque bien ainsi de provoquer de nouvelles désillusions dans les milieux populaires, faisant le lit de nouvelles poussées xénophobes. Il est patent, pourtant, que la protection des salarié-e-s, même avec les mesures d’accompagnement, est très insuffisante dans ce paradis pour les patrons qu’est la Suisse. Il n’existe aucun droit de réintégration à la suite d’un licenciement abusif. Quant aux pressions à la baisse sur les salaires, elles n’ont pas de limite, dès lors qu’il n’existe pas de salaire minimum légal!

Plutôt que de vendre des vessies pour des lanternes en faisant croire que les mesures d’accompagnement constituent une réponse suffisante au dumping salarial, il est urgent de renforcer ensemble sur ce point le dispositif de défense des salarié-e-s en introduisant dans la Constitution le principe d’un droit à un salaire minimum légal, quelle que soit la branche économique dans laquelle on travaille. Le montant de ce salaire mensuel devrait être fixé dans une loi, en tenant compte notamment des différences régionales du coût de la vie et du niveau des salaires dans les divers secteurs économiques. Cette loi devrait prévoir un salaire plancher pour toutes et tous de 3’500 francs net par mois, ce qui représente un minimum pour vivre lorsqu’on travaille à plein temps! Parallèlement cette revendication devrait être au cœur de l’activité des forces syndicales lors des négociations collectives. Unifier, dans la durée, l’action de l’ensemble des salarié-e-s autour de ce salaire minimum, comme elle le fut autour de la journée de 8 heures en d’autres temps, c’est possible et nécessaire.

Jean-Michel DOLIVO