Eau-énergie: manoeuvres antidémocratiques

Eau-énergie: manoeuvres antidémocratiques

Le 16 décembre dernier, le parlement genevois, dans sa nouvelle composition, à majorité de droite renforcée, s’est livré à un exercice anti-démocratique particulièrement détestable, qui est largement passé inaperçu.

A l’ordre du jour, l’initiative populaire cantonale «Energie-Eau: notre affaire! Respect de la volonté populaire». Rappelons que cette initiative que nous avons contribué à impulser vise «simplement» à faire confirmer par les citoyen-ne-s, le monopole actuel de service public des Services industriels genevois (SIG) en matière d’eau, de gaz et d’électricité.

Elle représente un rempart contre l’ouverture sauvage du marché qui se fonde sur l’absence de législation nationale explicite, entreprise menée sous l’égide de la Commission de la Concurrence (ComCo), suite à la bataille référendaire gagnée en 2002 contre la LME, qui avait été repoussée à une très large majorité à Genève.

L’initiative a pour fonction également d’être un instrument aux mains des citoyen-ne-s genevois dans la bataille contre la nouvelle loi électrique (LApEl), en cours d’élaboration à Berne, et qui reprend le flambeau de la libéralisation-privatisation du marché électrique. En signant cette initiative, c’est un message dans ce sens que près de 12000 citoyen-ne-s genevois ont adressé non seulement aux autorités genevoises, mais aussi à Berne.

Or le Grand Conseil devait se prononcer en décembre, non pas sur le fond de l’initiative, mais sur la «validité» de celle-ci. Une étape formelle de son traitement, où les deux critères essentiels sont l’unité de la matière et la conformité au droit supérieur. Or, ces deux points sont incontestables, et confirmés d’ailleurs par l’adoption – incontestée – de dispositions analogues dans d’autres cantons romands (Fribourg, Neuchâtel, Vaud). C’est ce qu’avait constaté – sous l’ancienne législature – tant le gouvernement cantonal, que la commission législative du parlement cantonal quasi-unanime. Deux instances où la droite était encore et déjà majoritaire.

Or, lors de la séance du 15 décembre, suite à un débat-express, une majorité du Grand Conseil, emmenée par les libéraux, a refusé de suivre tant le Conseil d’Etat que la commission… L’initiative a été renvoyée en commission pour voir s’il n’y avait vraiment pas moyen d’inventer des arguments pour l’invalider… et priver ainsi les Genevois-es d’une votation populaire prochaine où ils pourraient se prononcer en défense non seulement d’un de leurs services publics essentiels, les SIG, mais aussi de la politique énergétique cantonale antinucléaire, dont ceux-ci sont un pivot indispensable.

L’argumentation développée pour s’en prendre à la conformité au droit supérieur de cette initiative a été particulièrement spécieuse… En clair, l’initiative ne serait pas conforme… non pas au droit actuel, mais au projets de libéralisation-privatisation en train d’être mitonnés aux chambres et qui feront l’objet sans aucun doute d’un nouveau référendum fédéral. La feuille de route néolibérale devient ainsi un «droit supérieur» …par anticipation! Au nom duquel on cherche à créer des situations irréversibles, comme d’ailleurs la ComCo – sans mandat démocratique aucun et à l’inverse de l’avis majoritaire des citoyen-ne-s – a déjà tenté de le faire dans le domaine électrique.

La date ultime pour laquelle le Grand Conseil doit se prononcer sur l’initiative est le 9 février. On verra alors si la droite majoritaire aura le culot de poursuivre cette manœuvre antidémocratique jusqu’au bout. Le cas échéant, elle appellera – outre le recours indispensable au Tribunal fédéral des initiant-e-s – une réaction citoyenne à la hauteur.

Ce d’autant que deux autres projets de lois cantonaux (radicaux et libéraux) s’attaquant aux SIG et au contrôle démocratique de ceux-ci, à travers le «remaniement» des dispositions concernant la représentation des collectivités publiques et des travailleurs-euses dans le Conseil d’administration des SIG sont en cours de traitement… Nous y reviendrons donc prochainement.

Pierre VANEK