La droite lausannoise se la joue Sarko
La droite lausannoise se la joue Sarko
Le monde entier lignore, mais la droite lausannoise
le sait: ce qui distingue le Bronx de Lausanne, cest lEast River;
pour le reste, cest du pareil au même: partout le crime, la délinquance,
la violence et linsécurité. Il y a juste un problème:
même gonflés à lhélium, les phénomènes
de foire présentés dans le Barnum électoral de la droite
(«LausanneEnsemble») peinent à vraiment faire peur. Dans
cette campagne, la seule chose effrayante, ce nest pas la délinquance,
mais bien lapport de la propagande de la liste unique de la droite au
sentiment dinsécurité.
Pour constituer le stock de son
fonds de commerce sarkozyste, la droite lausannoise na trouvé quun événement:
les coups de feu tirés contre deux individus le 12 novembre dernier à la
Place Bel-Air. Une agression évidemment «restée dans
toutes les mémoires» (02 minutes, no 2, 25.1.06) et
qui fait aujourdhui encore trembler dans les chaumières et les
appartements subventionnés. Pourtant le libelle radicalo-libéralo-démocrate-chrétien
est bien obligé de constater quil «sagit dun événement
isolé» et que cest la première fois depuis
de nombreuses années que des coups de feu sont tirés à Lausanne.
Mais quimporte, ce qui compte, cest de nourrir le sentiment dinsécurité et
ensuite dy faire appel pour justifier ses propositions: «Il
faut prendre la peur des gens au sérieux», puisquelle
est électoralement porteuse. Créer cette peur, Le Matin produit
biologique du groupe Edipresse (les salades sont à lintérieur,
le papier à lextérieur) sy emploie à grands
coups de manchettes. Et «LausannEnsemble» de proposer la multiplication
des caméras vidéos dans la ville. Revendication saluée
en retour par léditorialiste du Matin Dimanche. Soutien
ensuite mentionné dans le tract de «LausannEnsemble». Dans
les rues de Lausanne, lécho est circulaire.
Les flagrants délits
pour les sauvageons
Mis à part la transformation du centre-ville en un
gigantesque studio de vidéo, la droite de «LausannEnsemble» a
eu une deuxième
idée lumineuse pour lutter pied à pied contre les classes dangereuses:
linstauration dune procédure de type flagrant délit.
Nantie, comme on va le voir, dune redoutable indépendance de
fonctionnement: «LausannEnsemble veut saisir ce problème à bras-le-corps.
Elle veut installer, dans les locaux de la police lausannoise, où tout
est déjà prêt pour les accueillir, un juge dinstruction
se consacrant uniquement à la petite délinquance, avec la compétence
de prononcer des peines allant jusquà six mois de prison».
La
méthode des condamnations en flagrant délit (les flags) a
en effet «fait ses preuves en France. Lautomne dernier, après
les émeutes dans les banlieues, elle a permis de condamner rapidement
de nombreux casseurs.» (02 minutes, no 3, 4.2.06). Les flags existent
depuis des décennies en France et nont pas empêché la
colère des banlieues dexploser; les flags lausannois nempêcheront
pas plus les petits délits. En revanche, quand on connaît le degré darbitraire
des condamnations ainsi prononcées et labsence de toute véritable
défense des prévenus, on ne savance pas beaucoup à dire
que ce genre de «justice» expéditive est une véritable
usine à délinquance. Mais puisque ça rassure «les
gens» dont il faut «prendre la peur au sérieux»
Nos
sous, nos sous!
Évidemment, toutes ces mesures coûtent. Mais ne
comptez pas sur «LausannEnsemble» pour
les payer: suppression de limpôt sur les divertissements, réduction
de moitié des impôts sur les successions et les donations, baisse
du coefficient dimpôt de la ville: la politique des caisses vides
se poursuit. «LausannEnsemble» nest pas sarkozyste quà moitié!
Pour promouvoir cette politique combinant répression et baisse des impôts,
la droite lausannoise a sorti son joker étranger, la portugaise Azindo
Da Silva, candidate à la Municipalité. Supposée être
au centre de léventail politique, cette présidente du
Parti démocrate-chrétien lausannois, qui cite volontiers le social-démocrate
Willy Ritschard, est aussi présidente de la Mission catholique portugaise,
dont la vice-présidente est pour sa part candidate au Conseil communal.
Avouons que le caractère centriste du catholicisme portugais continue à nous échapper.
Cette enseignante reproche à la gauche de mettre «souvent
en avant les étrangers intellectuels»; mais de quoi donc
se sert-elle pour enseigner? Centriste défendant un programme très
marqué à droite, enseignante prétendant faire uvre
manuelle, elle estime représenter «la classe moyenne, celle
qui fait vivre la société, paie des impôts et crée
des richesses». Pour linstant ses propositions feront surtout
vivre la société carcérale, payer moins dimpôts
aux gens aisés et créeront des richesses pour les seuls marchands
de système de vidéosurveillance.
Daniel SÜRI