Swissmetal: les barons de la restructuration

Swissmetal: les barons de la restructuration

Ils sont arrogants, sûrs d’eux-mêmes et n’admettent
aucune contestation de leur autorité ou
de leurs compétences. Ils savent et commandent aux hommes et aux machines.
L’escouade de gestionnaires à la tête de Swissmetal a suivi
un parcours classique dans la globalisation économique, passant d’un
secteur à un autre. Ce ne sont toutefois pas des «raiders» financiers,
mais des spécialistes des restructurations. Nuance et objectifs différents,
mais même mépris du personnel.

Les premiers ne sont guidés
que par la recherche du plus grand gain possible dans le délai le plus
bref; les autres ont une stratégie
de rentabilisation du capital investi, qui peut passer par des rachats ou des
ventes, des fusions ou des cessions, et aussi des licenciements – Swissmetal
a connu une réduction de 11% du personnel depuis septembre 2004 – mais
qui possède bien une logique de production et de positionnement sur
les marchés1. Le rachat, le 10 février, de Busch-Jaeger
GmbH, après retour aux bénéfices de cette entreprise allemande
ayant déjà appartenu au groupe en 1990-2002, acte présenté comme
une riposte indirecte à la grève, le montre.

Depuis qu’il
a pris les commandes du groupe, Martin Hellweg ne cesse de répéter
ce que réaffirme le rapport de gestion de Swissmetal
de 2004: «Nous considérons un rendement du capital (ROCE)
de 9% comme un objectif approprié pour une entreprise comme Swissmetal,
quels que soient les cycles de la branche»
. Ce rendement est ici
calculé en rapportant le capital employé au résultat opérationnel
après impôt. C’est dans ce but qu’ont été réalisés
l’assainissement de la dette et la recapitalisation de l’entreprise
en 2004, qui a vu l’UBS devenir l’actionnaire principal (à 15,5%)
durant quelque temps. Aujourd’hui, l’actionnariat est plus disseminé,
seule la firme OZ Bankers disposant de plus de 5% du capital (5,31 %).

Avant
d’entrer chez Swissmetal, Martin Hellweg, parrainé par
l’ancien président de Sulzer, Ueli Roost, avait exercé ses
talents de restructurateur dans la firme Keramik Laufen, intégrée
ensuite dans un groupe espagnol. Comme le dit le site du groupe «Monsieur
Hellweg s’est surtout spécialisé dans le financement, la
restructuration et le repositionnement d’entreprise
».

Président
du Conseil d’administration de Swissmetal. J. Friederich
Sauerländer, est un ancien de la Société Générale
de Surveillance, du céréalier lausannois André & Cie
SA – qui a connu une faillite retentissante il y a quelques années,
après des investissements douteux dans l’armement maritime! – et
de Rolex. Il est aussi membre du Conseil d’administration de la banque
BNP Paribas (Suisse) Quant au vice-président, Dominik Koechlin, c’est
un ancien de Swisscom.

Notons pour l’anecdote que la cheffe des finances,
Yvonne Simonis, une ancienne de la multinationale allemande de la chimie BASF,
est également
sinologue: l’attrait des marchés asiatiques, peut-être?

Un
bavard fort muet

Alors que tous ces gens s’expriment (si l’on peut
dire: ordonnent conviendrait mieux) dans les médias, on ne peut être
que frappé du
silence de l’un d’entre eux, pourtant pas des moindres et parfait
francophone, bien plus disert en d’autres occasions. On veut parler ici
du président du Conseil d’administration de la holding qui chapeaute
Swissmetal, UMS Usines métallurgiques suisse SA, François Carrard.
Cet ancien directeur général du Comité international olympique
(CIO), avocat d’affaires est une vieille connaissance du mouvement syndical.
C’est lui en effet qui préside aux destinées des Presses
centrales de Lausanne, un temps imprimerie phare du radicalisme vaudois et
dont nous rappelons par ailleurs le conflit avec le syndicat Comedia. Ce digne
représentant des milieux d’affaires radicaux régionaux,
président de la Vaudoise assurances, du Beau Rivage Palace – où son
ancien patron J. A. Samaranch, président du CIO, jouissait d’une
suite à l’année – et d’autres conseils d’administration,
se tait avec beaucoup d’application. Aurait-il des difficultés à illustrer,
dans la conjoncture actuelle, l’affirmation du rapport d’activité 2004: «La
grève au sein de l’usine de Reconvilier en automne 2004 nous a
montré que les particularités culturelles et le passé propre à chaque
usine requièrent beaucoup de doigté et de patience. Nous voulons
profiter de cette expérience
»? Serait-il gêné d’expliquer
que le choix prioritaire de Dornach tient non seulement à la malléabilité de
sa main-d’œuvre, frontalière (à 80%) et peu organisée,
mais aussi à sa proximité des axes de communications, Reconvilier
faisant ici fonction de «trou perdu»? Comme si un notable du radicalisme
vaudois pouvait être homme à fuir ses responsabilités…

Daniel SÜRI

  1. Voir ce passage, tiré d’un entretien
    avec la Handelszeitung du 24.11.2004: question du journaliste «Si
    tout se passe comme prévu par le businessplan, Swissmetal devrait être
    restructurée jusqu’en 2006. Une vente deviendrait-elle alors envisageable?
    » Réponse
    de M. Hellweg «La branche doit être consolidée, afin
    de pouvoir répondre aux exigences de l’avenir. Dans ce cadre,
    l’élément moteur doit être la logique industrielle
    et non pas la question de savoir qui reprend qui. L’ exigence de demain
    consiste à répondre à la question: comment gérer
    l’énorme croissance en Asie?
    ».