Gaz de France, Swisscom... course au monopole privé

Gaz de France, Swisscom… course au monopole privé

En deux ou trois jours, le gouvernement français a ficelé une opération de fusion entre Gaz de France et le groupe privé Suez, en cinquième et sixième place au hit parade des poids lourds dans l’électricité et le gaz en Europe. Toute cette opération, placée sous le signe de la relance de circonstance d’un «nationalisme économique» de pacotille, qui alterne, selon les besoins et les pays, avec les professions de foi les plus libérales, aura deux effets.

Le premier c’est la privatisation en un tour de main de Gaz de France, la participation de l’Etat reculant à 34% alors qu’en 2004 était promulguée une loi prévoyant que l’actionnariat public ne descendrait pas en dessous de 70%. Nicolas Sarkozy soi-même, alors ministre de l’économie, avait à l’époque juré qu’il n’était pas question de privatiser Gaz de France. Mais, comme l’écrit sobrement Le Monde : « Le puissant mouvement de concentration dans le secteur de l’énergie en Europe a eu raison de cet engagement formel. »

Et en effet, au-delà de la «simple» privatisation, on assiste à un kriegspiel capitaliste continental dont les méandres sont des plus obscurs pour les citoyen-ne-s, mais dont la finalité est certaine. C’est le remplacement, dans le secteur de l’énergie comme dans d’autres, des anciens monopoles publics tant décriés, par quelques grands groupes privés qui contrôleront le «marché» et dont le profit des actionnaires sera l’unique boussole.

En pâtiront les travailleurs-euses, l’immense majorité des usagers-ères confrontés à des hausses de tarifs comme celles qu’on a vues ces dernières années dans ce domaine, les citoyen-ne-s dépouillés de tout contrôle et spoliés d’un bien commun, comme aussi bien sûr l’environnement avec – notamment – la relance du nucléaire mise à l’ordre du jour avec persistance aux notamment en Suisse.

Cette réalité crue du capitalisme monopolistique mondialisé, rend particulièrement ridicules les gesticulations des eurocrates qui feignent de s’étonner d’évidences que nous martelons depuis longtemps. A la mi-février, « après plusieurs mois d’investigation » et partant du constat que la déréglementation n’avait « pas vraiment permis de faire baisser le prix du gaz ou de l’électricité pour les clients européens », la commissaire européenne à la concurrence Neelie Kroes dénonçait la concentration du secteur, les manœuvres «anti-concurrentielles», l’absence d’incitations à l’investissement, etc. « Nous nous trouvons tout au début d’une période de lutte contre les trusts » s’est-elle exclamée! Une semaine plus tard déboulait l’affaire GdF-Suez!

Pour «lutter contre les trusts» nous avons le choix, en Suisse notamment, poursuivre ou non la fuite en avant néolibérale: accepter ou non que le prochain domino public tombe dans l’escarcelle des actionnaires privés pour ensuite – inéluctablement – finir entre les mains d’une multinationale ayant la «taille critique» pour naviguer avec les requins monopolistiques dans les eaux du «marché» globalisé. Le prochain domino c’est Swisscom, qui a dépassé pour le moment – par la droite – sur le calendrier parlementaire la libéralisation-privatisation électrique.

Le Conseil fédéral veut vendre Swisscom à 100% au privé, mais en garantissant que la loi garantit un «service universel» adéquat… comme la loi «garantissait» d’ailleurs que Swisscom, ne serait jamais privatisé… Le mérite de la France, c’est de montrer de manière claire ce que valent ces garanties de nos Sarkozy… helvétiques!

Nous dirons donc NON à la privatisation de Swisscom, agendée en mai au National… mais évidemment ça ne garantira pas un vrai service public. Il nous faut être capable de réinventer celui-ci – à l’échelle incontournable de l’Europe – et de construire un rapport de force pour l’imposer…

Pierre VANEK