Mon-Repos: bibliothèque menacée

Mon-Repos: bibliothèque menacée

Pour l’Helvète moyen, le nom de Mon-Repos à Lausanne évoque le Tribunal fédéral, la majesté supposée de ses décisions et l’anecdote glaireuse d’un juge et de ses crachats. Pour les habitant-e-s de la capitale vaudoise, Mon-Repos est aussi un quartier, populaire, qui précède vers l’ouest les avenues où la BSL (Bonne société lausannoise) réside historiquement.

Ceux et celles qui n’ont ni le nom ni le revenu suffisant pour se domicilier à l’avenue de Rumine ou à celle des Mousquines, voient l’asphyxie sociale s’ajouter doucement à un air déjà pollué par l’intense circulation du quartier. Qu’une Municipalité de gauche ait donné un coup de pouce à cette mort sociale annoncée montre bien où mène la logique d’une politique financière menée au nom de la priorité aux impératifs budgétaires. Et souligne cruellement toutes les limites du gargarisme idéologique sur la consultation des habitants et autres opérations du style «Quartier 21».

D’abord les Postes, puis les cinémas

Le quartier disposait de trois bureaux de Poste à proximité (Marterey, Mousquines et Montchoisi). Tous les trois sont désormais fermés, nouvelle politique d’économie du géant jaune oblige. Quatre cinémas (Athénée, Atlantique, Bourg et Lido), dont certains misant sur une programmation de qualité, ont aussi cessé leur activité, salles multiplex et machinerie industrielle hollywoodienne les ayant supplantés. La garderie, quant à elle, a déménagé. Mis à part les bistros, un seul lieu restait où tisser du lien social, lire, se rencontrer: la bibliothèque municipale de Mon-Repos. Elle accueillait de nombreux enfants – la Bibliothèque pour enfants se trouve à plusieurs kilomètres de là –, mais aussi des personnes âgées, venues y lire la presse. Les classes d’école du quartier, dépourvues de bibliothèques, y trouvaient aussi leur compte. En l’absence de maison de quartier, la bibliothèque fonctionnait donc comme un important lieu de socialisation.

Puis vint «Prestations 2004»

Intégrer cette dimension sociale quotidienne dans leur réflexion politique dépasse visiblement l’entendement de nos édiles municipaux de la majorité rose-verte. Un programme d’économies, habilement déguisé sous le nom de «Prestations 2004» (sont-ils futés, ces technocrates!), a contraint les différents services de l’administration communale à réduire de 3% leur budget. Exit donc la bibliothèque de Mon-Repos, afin d’économiser 170000 Fr. Première économie ainsi réalisée, le coût du loyer: 40000 Fr. annuels. Insuffisant. Deuxième pas: économiser un salaire, en profitant d’un départ à la retraite. Le compte est bon, la bibliothèque pourrait donc fermer fin 2006. Et les intérêts des habitant-e-s du quartier? Bof, il y a un MacDo dans le coin, ça devrait suffire, non?

Ben, non: les gens du quartier ne l’ont pas entendu de cette oreille et ont lancé une pétition contre la fermeture de leur bibliothèque, munie de 604 signatures. Pour appuyer ce mouvement, des candidat-e-s de la liste «A gauche toute!» (POP et Gauche en mouvement – solidaritéS) ont occupé pacifiquement pendant une heure ses locaux à l’heure de la fermeture, le mercredi 22 février. Manière de faire voir comment l’accumulation de ces petits dégâts sociaux finit par rendre une ville invivable.

Daniel SÜRI