LUDC et les étrangers: la fabrique de la haine
LUDC et les étrangers: la fabrique de la haine
LUDC vient de publier un nouveau document en prévision de la prochaine votation sur les lois sur lasile et les étrangers. Présenté en conférence de presse, ce document, intitulé «Nos règles sont valables pour tous», est un monument de haine xénophobe. La trentaine de revendications quil avance sont toutes des mesures répressives à légard de létranger, cet ennemi sournois qui mine notre beau pays et ses institutions.
Pour justifier sa stratégie en matière de politique dasile et des étrangers, lUDC commence par reconstruire un âge dor helvétique où les étrangers, peu nombreux et pleins de bonne volonté, sintégraient dans une Suisse pétrie de tradition humanitaire. Puis une véritable catastrophe sest produite, il y a environ 25 ans (sic): on sest mis à ouvrir à tous les vents les portes et fenêtres du réduit national: limmigration nous a alors submergés, tout en changeant de nature. Depuis, les Serbo-Croates, les Turcs, les musulmans sont sous nos murs et dans la place. Le choc des civilisations est proche: «Dans de nombreuses écoles, lallemand ou le français sont devenus des langues étrangères et les prisons suisses offrent toute une gamme de menus pour tenir compte des coutumes culturelles et religieuses les plus diverses. Cette immigration génère des coûts et des risques de plus en plus élevés pour lEtat. Qui plus est, notre culture chrétienne et occidentale est de plus en plus infiltrée» (Document stratégique p. 3; nous soulignons). Pour ceux et celles qui nauraient pas compris, un texte des femmes de lUDC du Valais romand met les points sur les i: «Nos autorités religieuses et politiques, alliées aux ONG sont-elles incapables danticiper les conséquences dune immigration majoritairement musulmane et ne voient-elles pas que les droits de lhomme (liberté dexpression, caricature) défendus par nos braves chrétiens progressistes sont bafoués allégrement par les pays dorigine de nos requérants dasile? Le drapeau suisse et des églises catholiques brûlées, la réalité parle delle-même» (Révision de la loi sur lasile: www.udc-valais.ch).
Omissions, mensonges et manipulations
Evidemment, ce disant, lUDC se défend de tenir un discours raciste et xénophobe. LUDC ne parle que de ce qui est. Quitte à manipuler un peu la réalité pour produire de beaux graphiques bien alarmants. On prendra 1950 (et pourquoi pas 1942, pendant quon y est?!) comme point de référence pour mieux illustrer la croissance de la proportion détrangers en Suisse, du reste présentée non pas en relation avec la population, mais en chiffres absolus. On oubliera de mentionner le pic des naturalisations de la fin des années septante pour mieux parler dexplosion aujourdhui. Et surtout, on assènera grossièrement de grossières semi-vérités: toute complexité dune situation donnée doit être éliminée au profit darguments massues, évoquant des pseudo-évidences. La population carcérale est à très forte dominante étrangère? Cest bien la preuve que les étrangers sont culturellement des criminels potentiels. Culturellement, car on a modernisé son racisme, à lUDC: plus question de ressortir la vieille théorie biologique des races. La surproportion de la population étrangère dans les pénitenciers a pourtant des explications, mais elles sont nombreuses et complexes, donc elles ne passeront pas, ou mal, dans les médias et le discours politique. Mentionnons parmi elles le fait que les étrangers sont systématiquement soupçonnés de risque de fuite, donc subissent leur peine en milieu fermé (contrairement aux Suisses, placés en régime ouvert, qui napparaissent dès lors pas dans la même statistique), que la simple comparaison des taux de détention des deux populations comparées nest pas scientifiquement recevable1, que la justice nest pas plus exempte de préjugés xénophobes que le reste des institutions étatiques, etc. Mais de tout cela lUDC nen a cure.
Lorsque tous ces arrangements chiffrés ne lui suffisent pas, ses porte-parole brodent, mais pas vraiment dans la dentelle. Spécialiste de lexercice, la députée argovienne Sylvia Flückiger dénonce: «Il devient de plus en plus dangereux demprunter les passages sous-voie où se tiennent des groupes de jeunes étrangers qui menacent les passants. Des jeunes et des personnes âgées sont brutalement agressés et roués de coups sils ne donnent pas immédiatement leurs objets de valeur (…) à leurs agresseurs (…) Bref la sécurité intérieure et quotidienne de ce pays est gravement menacée. Pour couronner le tout, les médias ne rendent pas correctement compte de ces événements. Si un Suisse est à lorigine dune agression, il en est fait largement état sans que lon sache bien entendu sil sagit dun naturalisé. Par contre, si le coupable est étranger, sa nationalité est fréquemment passée sous silence (…)» Plus cest gros, mieux ça passe
Létranger, un faisceau de menaces permanentes
Entre Belzébuth et Gorgone, le portrait que trace lUDC de létranger est terrifiant. Potentiellement délinquant et criminel par inadaptation culturelle, profiteur de notre hospitalité bienveillante, accapareur demploi aux premiers signes de reprise, abuseur patenté de la générosité excessive de nos assurances sociales, agitateur politique et religieux, propagateur du patriarcat et assisté social en puissance, il est au sens propre du terme un corps étranger. Dont on doit redouter la présence et léventuelle contamination. Pour lUDC, la Suisse est malade de «ses» étrangers. A quand la purge?
Daniel SÜRI
1 Si lon compare la cirminalité des Suisses de 18 à 25 ans avec celle des étrangers du même âge et de mêmc couche sociale, le rapport passe de 1 à 2, alors quil est fortement inégal (1 à 6) lorsque la comparaison porte sur lensemble de la population face aux étrangers incarcérés. Si la comparaison porte sur les étrangers établis et les Suisses, il ny a pas de différence notable. Sur toutes ces questions voir «Migrantinnen und Migranten im Strafvollzug. Spannungsfeld Kultur und Gewalt». in terra cognita. Revue suisse de lintégration et de la migration, no 6, 2005. Pp. 18-22.