Médecine de proximité: les toubibs se mobilisent
Médecine de proximité: les toubibs se mobilisent
Alors que partis de droite et assureurs maladie cherchent à réduire loffre sanitaire, plus particulièrement en diminuant le nombre de fournisseurs de soins et les lits hospitaliers, plusieurs associations médicales suisses ont appelé à une manifestation nationale aux mots dordre suivants: maintien des prestations actuelles, réduction de la charge administrative, égalité de droits et des chances en matière tarifaire, développement de la médecine de famille et de premiers recours pour en assurer la relève.
Le succès de cette manif a dépassé les attentes: plus de la moitié des médecins praticiens de toute la Suisse se sont mobilisés le 1er avril sur la place fédérale, plus de 10 000 blouses blanches se sont rassemblées sur un mode ludique et ironique pour dénoncer la politique fédérale actuelle et le lobby des assureurs.
En effet, la logique de réduction des coûts, de réduction des effectifs soignants, de prolongation du moratoire sur louverture de nouveaux cabinets médicaux, du renforcement des critères du marché dans la santé, dune concurrence accrue sur la base du moindre coût par cas, toutes ces attaques de la droite portent préjudice aux soins adaptés aux besoins de la population. Cest le sens du large soutien (pétition de plus de 300 000 signatures) à cette mobilisation exceptionnelle du corps médical. Les médecins ont exprimé leurs inquiétudes non par rapport à leurs revenus, mais pour lavenir du système de santé, menacé par la suppression de lobligation de contracter, par le manque de relève médicale de premier recours surtout en périphérie, par laccroissement des charges bureaucratiques et par les pressions grandissantes des assureurs pour la diminution des prestations. Par la voix de leur président Jacques de Haller, ils ont également dénoncé la politique de division mise en uvre par Couchepin, dabord entre assistants et médecins installés, puis entre généralistes et spécialistes.
Ils se sentent mis à lécart des processus de décisions en matière de politique sanitaire face à lalliance entre «santésuisse», lorganisation faîtière des assureurs, et ladministration fédérale. Dans le débat aux Chambres sur la caisse unique, la proposition Guisan, soutenue par la FMH (fédération des médecins helvétiques) pour une gestion démocratique tripartite des caisses (patients, prestataires et pouvoirs publics) et une séparation claire des caisses maladies actives dans lassurance de base des assureurs privés a été balayée. Ce refus a été fort mal vécu par la FMH et ce sentiment de ras-le-bol est largement répercuté dans la presse médicale depuis des mois: les lettres de médecins qui décrivent une détérioration de leurs conditions de travail, en particulier les pressions tatillonnes des assureurs, se multiplient. Le succès de la manif du 1er avril fera date dans le nouveau rapport de force entre une majorité de médecin et le tandem «santésuisse» – Couchepin.
Ce mécontentement doit contribuer à renforcer le soutien à linitiative «pour une caisse maladie unique et sociale». En effet, plusieurs médecins ont déjà exprimé leur soutien à la caisse unique en solidarité avec les patients face à une vision restrictive des soins, soumise aux seuls critères déconomicité défendue actuellement par les assureurs et lautorité fédérale. Cest à loccasion de la campagne en faveur de linitiative «pour une caisse-maladie unique et sociale», que ce soutien du corps médical doit être renforcé: seule cette initiative permet actuellement un changement important vers une politique de santé plus sociale, sous contrôle démocratique tripartite comme le souhaite la FMH.
Gilles GODINAT