Situation des femmes en politique: quels regards féminins?

Situation des femmes en politique: quels regards féminins?

La politique devrait-elle changer du fait de la participation accrue des femmes aux processus décisionnels? En réalité, ce n’est pas une équation simple que l’on pourrait résoudre en invoquant un rapport «naturellement» différent des femmes au pouvoir. Certes, il peut y avoir une – ou plutôt des – approches spécifiquement féminines de la politique, liées à la position subordonnée des femmes au sein de la société. Pourtant, les femmes ne peuvent échapper à un système de références qui les pousse à adopter des comportements propres à une société de classe et patriarcale: division du travail entre administrateurs-trices et administré-e-s, compétition forcenée, hiérarchie, autoritarisme, etc. D’autant plus, lorsque le combat pour la représentation des femmes en politique est mené à froid, en acceptant les règles individualisantes du «star system» politique.

Nous sommes nombreuses, au sein de solidaritéS et ailleurs, à revendiquer une parité au sein des instances politiques, mais pas au prix de soutenir les adversaires les plus résolus de l’égalité (sociale, mais aussi entre femmes et hommes), lorsque ce sont des femmes. Nous voulons soutenir la représentation des femmes sur la base d’un contenu politique et non en raison seulement de leur sexe. Nous ne voulons pas nous laisser emporter par le courant essentialiste, où ce seraient les chromosomes qui décideraient de tout. En réalité, il ne suffit pas de participer au pouvoir, il faut surtout en changer la nature!

Les freins à l’engagement politique des femmes

Malgré le travail acharné des groupes de femmes et le soutien (très inégal et souvent défaillant) du monde associatif et politique, l’engagement des femmes en politique fait toujours problème. Ce n’est pas par manque de motivation, qu’elles sont moins nombreuses à participer à la vie politique: le désintérêt des femmes pour la chose publique est un mythe. Nous devons plutôt nous pencher sérieusement sur les freins et les entraves qui les en empêchent: manque d’argent pour pouvoir libérer du temps, manque de formation politique, charges de la vie quotidienne des ménages (même sans enfant), qui incombent encore majoritairement aux femmes.

L’engagement des femmes en politique ne relève pas seulement de décisions individuelles. C’est également toute une organisation sociale qui devrait être mise en cause pour offrir aux femmes des conditions qui tiennent compte de la réalité qu’elles vivent.

En politique, les femmes peuvent être des hommes comme les autres…

Les femmes sont également susceptibles d’adopter des pratiques autoritaires, sexistes, populistes, électoralistes, xénophobes – en un mot discriminatoires – pour arriver à certains postes importants, que ce soit en politique ou dans la vie professionnelle. Les femmes et les hommes qui refusent de telles logiques se trouvent souvent écartés des postes clés. Ainsi, comment parler d’un apport spécifique des femmes, puisqu’en général, le système oblige celles et ceux qui veulent «arriver» à se formater sur un mode compétitif, autoritaire et machiste.

L’observation de la réalité montre que les femmes qui veulent avoir une chance de gravir les divers échelons du pouvoir adoptent le plus souvent des comportements individualistes, généralement promus par les hommes. Nous savons également qu’en politique, les femmes «qui réussissent» doivent – quand elles ne le veulent pas – appliquer des programmes d’inspiration libérale, en contradiction avec la promotion de politiques plus égalitaires ou sociales, favorables à la grande majorité des défavorisé-e-s, en particulier des femmes.

Et pourtant, la position discriminée des femmes au sein de l’ordre patriarcal pourrait les conduire à promouvoir collectivement des comportements politiques rebelles, qui transcendent les frontières de genre. Ceux-ci tendraient alors nécessairement la main aux autres groupes discriminés, largement exclus eux aussi du pouvoir (salarié-e-s modestes, travailleurs-euses précaires, immigré-e-s privés de droits civiques), parmi lesquels les femmes sont d’ailleurs majoritaires.

Belle vitrine pour Mme Spoerri!

Les Assises du féminisme ont malheureusement donné une plate-forme à Mme Spoerri, ex-Conseillère d’Etat libérale de la police, pour justifier sa gestion ultra-répressive des événements du G8, il y a deux ans. Ainsi, dans la Tribune de Genève du 8 mai, interviewée en marge des Assises, elle défend les débordements de la police en incriminant «les dimensions irresponsables du Conseil d’Etat d’alors». Selon elle, la vérité doit être faite, raison pour laquelle elle se décide «enfin» à parler.

Mme Spoerri aimerait redorer son blason et nous faire croire à sa gestion «responsable» des événements. Elle accuse ses ex-collègues, dont l’une est une femme (Mme Brunschwig Graf, libérale elle aussi), d’avoir pris des décisions «qui contrecarraient celles que nous prenions avec les responsables de la police». Elle condamne en particulier l’intervention du Conseiller d’Etat socialiste Charles Beer pour obtenir le déblocage du pont du Mont-Blanc, que la police avait transformé en souricière pour quelques centaines de jeunes manifestant-e-s.

La vacuité du discours de Mme Spoerri pourrait prêter à sourire. Et pourtant, bien des questions restent ouvertes: pourquoi cet immobilisme de la police lors de la casse du samedi soir? pourquoi cette violence débridée des forces de l’ordre dans les jours suivants? On aurait voulu conduire à une escalade durable des pratiques répressives dans ce canton, dans la droite ligne du discours sécuritaire des Bush, Sarkozy et autres Blocher, qu’on ne s’y serait pas pris autrement…

Que Mme Spoerri n’ait pas hésité à tirer parti des Assises du féminisme pour légitimer sa politique brutale contre le mouvement altermondialiste ne devrait pas nous étonner. Mais quel besoin avions-nous d’offrir une telle tribune à une femme qui n’a pas hésité à défendre manu militari l’ordre capitaliste et patriarcal du G8 contre les militantes de la Marche Mondiale des Femmes? Quel besoin avions-nous de donner la parole à une magistrate réactionnaire qui n’a pas hésité à couvrir sa police, lorsque celle-ci blessait au visage la syndicaliste fribourgeoise Denise Chervet à l’aide de balles marquantes?

Maria CASARES