Perspectives unitaires pour la gauche anti-libérale

Perspectives unitaires pour la gauche anti-libérale

Au printemps 2007, les électeurs-trices genevois devront désigner de nouvelles autorités municipales; en automne, ils/elles éliront leur député-e-s à Berne. Deux tests importants pour la gauche anti-libérale. On se souvient en effet que l’Alliance de gauche (ADG) avait éclaté définitivement à l’occasion des élections cantonales d’octobre 2005, les deux listes «concurrentes» – PdT-Indépendants (6,9%) et solidaritéS (6,7%) – passant chacune de justesse en dessous du quorum de 7%.

Cet auto-goal est intervenu dans un contexte social difficile: la majorité réactionnaire du Grand Conseil était engagée depuis des mois dans un bras de fer contre la prévoyance sociale, la protection des locataires et les services publics, laissant poindre des tendances autoritaires (répression de l’anti-G8, loi anti-manifs de l’Entente et de UDC, «justice» expéditive du PG radical Zappelli).

Tandis que le précédent Conseil d’Etat était mis sous tutelle par la droite dure, le mouvement de la fonction publique ne parvenait pas à construire un rapport de force durable avec les autorités. Les conditions d’un «recentrage» de la vie politique étaient donc réunies. Au lendemain des élections cantonales, marquant sa défiance vis-à-vis d’un Grand Conseil encore radicalisé à droite par l’éviction de la gauche anti-libérale, le corps électoral désignait un Conseil d’Etat de «centre-gauche», arbitré par les Verts.

Elu pour «limiter les dégâts», ce nouveau Conseil d’Etat ne pouvait pas immédiatement – comme à Neuchâtel – mettre en œuvre tel quel, au nom de l’équilibre budgétaire, le programme d’austérité de la droite. Depuis des mois, on assiste donc à une mise en scène de l’exécutif sur le thème: moderniser l’Etat sans prendre en otage les fonctionnaires ni attaquer les prestations. En clair, l’aide sociale a été réduite (ça avait été décidé avant), un accord a été signé avec la fonction publique (petites concessions matérielles contre abandon d’une partie des mécanismes salariaux), tandis que la loi sur le «frein à l’endettement», terrain de prédilection de la droite, n’a passé que d’extrême justesse devant le peuple…

Pour un front électoral anti-libéral

Sans doute la droite a-t-elle réussi à lancer d’importants ballons d’essai en faveur d’une libéralisation de la construction (surélévation des immeubles, projet Muller), pourtant le Conseil d’Etat est apparu surtout, jusqu’ici, comme annonçant «simplement» un catalogue de mesures d’économie disparates et imprécises. Les grandes batailles de la législature sont à venir.

C’est dans ce contexte, que solidaritéS s’engage fortement pour construire un front électoral anti-libéral rassemblant, sans exclusive, l’ensemble des forces – mouvements et militant-e-s – à la gauche du PS et des Verts. Nous proposons un accord de législature dans les communes sur des objectifs clairs: défense active des services publics, des prestations, des conditions de travail, du logement social, de la gratuité des transports publics, d’une priorité aux énergies renouvelables; promotion de l’égalité hommes-femmes et lutte contre toutes les discriminations; régularisation des sans papiers et éligibilité des étrangers-ères établis; justice fiscale et implication accrue des habitant-e-s dans les choix des communes.

Comme pour les municipales vaudoises de ce printemps, de telles listes devraient selon nous porter l’intitulé «A Gauche Toute!», en référence à notre projet commun à Berne et décliner les noms des forces politiques qui la composent. Elles devaient aussi être ouvertes à des non affilié-e-s, qu’ils-elles appartiennent ou non à l’ancien groupe des Indépendants de l’ADG. Un tel accord devrait couvrir la question des élections nationales qui se tiendront quelques mois plus tard, afin de nous donner les meilleures chances de former ensemble un groupe parlementaire «A Gauche Toute!» d’au moins cinq élu-e-s. Les décisions importantes pour ces listes devraient être prises en AG communes des militant-e-s de toutes les composantes de ces listes.

L’essentiel des éléments ci-dessus a été adopté, sous forme de résolution par l’AG de solidaritéS le 16 mars. Or ce 21 mai, le Parti du Travail a tenu un Congrès cantonal, qui débattu de la question des alliances et qui s’est conclu par une résolution – «Appel à l’unité de la gauche combative» – dont les conclusions sont convergentes avec les nôtres en ce qui concerne les prochaines élections. Il nous reste – aux un-e-s et aux autres – à matérialiser ensemble ces intentions. Nous y reviendrons.

Jean BATOU


Un projet unitaire à plus long terme ?

Après avoir soulevé d’importants espoirs de rassemblement, l’ADG s’est érigée en obstacle en figeant ses équilibres internes dans des statuts… L’intégration de nouvelles forces devenait dès lors impossible, le groupe des Indépendants incarnant à la fois un positionnement politique déterminé au sein de l’AdG et sa seule structure d’accueil pour les militant-e-s non affiliés… Par ailleurs, en raison de son fonctionnement peu démocratique – sans AGs de militant-e-s décisionnaires – l’ADG donnait libre cours aux manœuvres d’état-major, décourageant l’implication de ses membres. Cette mécanique l’a littéralement étouffée. Il ne s’agit donc pas de répéter de telles erreurs.

Avec des listes communes autour d’une série d’engagement clairs, des décisions prises en AGs de militant-e-s et le respect des forces politiques qui la composent, la gauche anti-libérale peut viser à reconstruire son unité dans l’action, d’abord au plan électoral, puis, espérons-le, au-delà. Elle devrait ainsi susciter aussi l’intérêt d’une nouvelle génération militante. Dès lors que le choc des idées et des orientations sera conçu comme une richesse, et non comme une menace, il pourra s’incarner dans des courants politiques cohérents qui ne considèrent pas l’avenir d’une organisation, fût-elle la leur, comme une fin en soi.

A plus long terme, le projet d’un nouveau mouvement national de la gauche anti-libérale, organisé de façon démocratique et reconnaissant l’existence de courants politiques structurés en son sein – dont une gauche anticapitaliste et féministe –, deviendrait possible. Il y a fort à parier d’ailleurs que ces courants ne recouperaient pas nécessairement les frontières des organisations actuelles, les débats politiques y gagnant ainsi en clarté. (jb)