Racisme ou calomnie?

Racisme ou calomnie?

«Le Tribunal de police de Genève a rendu le 29 mai son jugement dans l’affaire qui opposait «Myriam» à 5 agents de la gendarmerie genevoise. Il conclut qu’il «… la reconnaît coupable de dénonciation calomnieuse (art. 303 CP) pour avoir dénoncé les parties civiles auprès du Procureur général…» «Myriam» a voulu prendre le tram avec son nouveau-né (cinq semaines) qu’elle portait dans une poche kangourou. Myriam ne voulait pas rater le tram. Elle n’est pas parvenue à prendre son billet: Les contrôleurs l’accusent d’avoir resquillé. Elle tente de leur expliquer la situation. Elle comprend qu’ils ne veulent pas l’écouter, qu’ils l’accablent. Les contrôleurs appellent la gendarmerie, qui déplace deux véhicules comportant chacun deux agents.

Elle tente d’expliquer aux gendarmes la situation que les contrôleurs leur présentent à leur manière. Elle comprend que les gendarmes ne veulent pas l’écouter. Ils la chargent de force dans un véhicule, ils l’en sortent en la traînant une fois arrivés au poste, où elle subira une fouille au corps. Myriam confie sa mésaventure à un journaliste. Il interrompt son récit en lui posant directement la question: «Est-ce que vous êtes noire?» Myriam est noire. Myriam craint que sa couleur, seule, n’explique ce qui lui est arrivé, et s’en indigne. Myriam est condamnée pour avoir dénoncé que sa couleur ait pu «expliquer» sa mésaventure.

Le jugement de Myriam pose de sérieuses questions de droit. Il pose une véritable question de société: pourquoi une jeune femme noire, qui ne comprend pas la raison du traitement disproportionné qu’elle est amenée à vivre, ne devrait-elle pas craindre que sa couleur n’en soit la cause? Et puis surtout, pourquoi ne pourrait-elle pas, n’aurait-elle pas le droit de le dire? Quel tort leur a-t-elle fait subir pour qu’elle soit condamnée à payer deux mille francs à chacun d’entre eux? Depuis plusieurs années le racisme se développe contre les Noirs. Tous les organismes suisses spécialisés, tous les observateurs internationaux le constatent. La police est régulièrement pointée. Et pourtant, en règle générale, la douleur, la colère des Noirs sont ignorées. On entend que les Noirs seraient trop susceptibles, qu’ils sous-estimeraient la responsabilité de ceux qui terniraient l’image de leur communauté. Une telle affirmation est-elle sans rapport avec le mythe de la responsabilité collective, le vieux poncif du racisme banalisé? On entend dire que les Noirs ne comprendraient pas le sentiment d’insécurité dans lequel les délinquants noirs plongent la société qui les accueille. Le sentiment d’insécurité qu’éprouvent les Noirs, n’aurait-il donc, lui, pas voix au chapitre?»

ACOR SOS Racisme, le 1er juin 2006