Avortement: le droit des femmes

Avortement: le droit des femmes


Face aux dérives, au mépris, à une campagne mensongère, en bref aux discours nauséabonds des initiants, nous devons faire front en votant massivement OUI au régime du délai et NON à l’initiative «Pour la mère et l’enfant» et contrer leur volonté de traiter les femmes d’irresponsables en les privant d’un droit légitime, celui du libre choix.



La même semaine où les Français-es se retrouvaient avec un candidat de l’extrême droite à la présidence de la République, tous les foyers suisses recevaient dans leur boîte à lettres une luxueuse brochure d’une cinquantaine de pages richement illustrée de photos couleurs d’embryons broyés et de visages de femmes ravagés par le remord. En Suisse aussi, l’extrême droite a frappé. Et elle vise un objectif particulièrement sensible, la culpabilité latente des femmes…. Elle préfère diffuser de l’émotionnel mensonger, de l’irrationnel diabolisant, à de la pensée.



Ainsi l’idéologie intégriste s’insinue petit à petit dans les esprits: la vie ne commencerait-elle pas dès la conception? Jusqu’où peut-on accorder à une femme et à elle seule le droit de décider de la vie? «Le respect de la femme» ne consisterait-il pas justement à lui dénier ce droit à l’autodétermination?… Dans cette période de régression généralisée concernant les droits des femmes, ce discours peut faire mouche. Il y avait longtemps qu’on n’avait plus disserté sur le droit à la vie, et les constats d’il y a une génération ont été oubliés.



Au travail, à la maison, dans la rue, à l’école, la peur et la méfiance règnent et la peur est mauvaise conseillère. Dans ce chaos, les valeurs familiales permettent le refuge, la régression confortable, l’icône du bébé rassemble et rassure les partis de l’ordre. Des hommes ébranlés dans leur virilité ont besoin d’entendre à nouveau les dogmes patriarcaux. Même les femmes surmenées, flouées par la course à la carrière, peuvent se sentir réconfortées par une idéologie qui exalte leur unique fonction de mère. On l’a déjà vu dans l’avancée du nazisme et du fascisme des années trente. La conquête de la liberté est décidément bien difficile.



D’autres trouvent le débat décevant, le résultat des compromis qui a abouti au régime du délai n’est pas entièrement satisfaisant, donc on prône l’abstention.Pourtant, un danger énorme guette la Suisse comme le reste de l’Europe, une régression spectaculaire, qui pourrait ouvrir la boîte de Pandore à toutes les dérives liberticides.



L’enjeu est réel et si la loi est loin de satisfaire les revendications des féministes – puisqu’il faut faire une demande écrite et invoquer une situation de détresse – cette loi commence pourtant à décriminaliser l’avortement.



On n’en est pas encore au libre choix, mais un premier pas vers la fin d’une mise sous tutelle. Cette loi a aussi pour elle la solidarité qu’elle implique vis-à-vis des femmes vivant dans les cantons conservateurs, et signifiera donc la fin de l’humiliant tourisme gynécologique vers les cantons «progressistes.» Il faudra donc veiller et se battre pour son application concrète. Nous sommes encore loin des mots d’ordre de 68. L’avortement libre et gratuit reste un objectif de lutte pour que les femmes puissent se réapproprier leurs corps… enfin.



Maryelle Budry, Anita Cuénod, Marina Decarro, Aline Gualeni