Energie: sommes-nous bien au courant (2)? En courant fort

Energie: sommes-nous bien au courant (2)? En courant fort


Dans notre précédent article, nous disions que, en Suisse, 15% de notre consommation d’énergie est d’origine solaire, c’est à dire «solidaire» avec les générations à venir. Ces 15% proviennent de la production d’électricité par voie hydraulique.



Nous ne reviendrons pas sur le fait quelques autres tentatives expérimentales ou semi-industrielles existent pour produire de l’électricité grâce à des sources renouvelables. Ceci ce fait par cellule photovoltaïque (conversion directe de l’énergie produite par le rayonnement lumineux en énergie électrique) et par des éoliennes. Cependant, la somme de ces productions reste à un niveau confidentiel. Le fait que nous n’en parlions pas ici ne signifie nullement que ces productions soient méprisables. Bien au contraire, il faut investir dans ces voies. Il faut même y investir massivement dans un contexte de recherche. Notons ici qu’il existent également des recherches en Suisse sur les mécanismes de la photo-synthèse. Cette variante de production d’électricité passe par une phase intermédiaire chimique. Mais cette méthode devrait avoir un meilleur rendement par ciel couvert. A suivre…



Reste donc 85% de notre énergie dont l’origine est fossile. Or, si je ne me trompe pas, nous vivons en régime d’économie de marché. Certains appellent même ce type de régime: «démocratie de marché». Ce qui sous entend que tous les membres de la collectivité sont des consommateurs si possible forcenés. Cela signifie aussi que tout doit être privatisé. En particulier, toute forme de transformation d’énergie et en particulier la production d’énergie électrique. Cette dernière est la seule qui, du fait de sa nature éphémère mais distribuable, reste quelque peu sous contrôle des collectivités publiques. En effet, les transformations des dérivés du pétrole sont réalisés dans la sphère privée sauf quelques exceptions pour produire de l’électricité.

Gaspiller ou perdre de l’argent


Contrairement aux sources fossiles, l’électricité ne peut être stockée, même si occasionnellement on peut remonter de l’eau dans un barrage. Tout d’abord cette méthode est limitée à quelques espaces géographiques propices et, d’autre part, par ce processus, on ne stocke pas de l’électricité mais bien de l’eau possédant une énergie potentielle. Bref, l’électricité produite à un instant donné doit être consommée au même moment. L’ensemble des producteurs injectent une puissance produite (PP) et l’ensemble des consommateurs consomment une puissance (PC) égale. Cela ressemble à la sacro-sainte loi du marché. Les producteurs doivent fournir exactement ce que les consommateurs ont besoin. Oui, mais en fait cette loi du marché n’existe que dans les théories destinées aux croyants. Si elle existait vraiment, il n’y aurait pas besoin de tant de publicité. Le marché réel préfère fournir dix fois, au moins, le besoin réel. Mais, en sus, dans le cas de l’électricité, il faut que PP = PC à tout instant. Ceci signifie que si la consommation varie, la production aussi. Ceci implique que toutes les unités de production ne tournent pas de façon permanente ou pas à leur plein régime. L’un des moyens de régulation très utiliser en Suisse est de jouer sur le nombre d’unités hydrauliques en services. Ce type d’unité en plus d’être solaire est aussi rapide à démarrer et arrêter. Cependant, du point de vue de l’économie d’entreprise, avoir des machines en jachère, cela sens la perte d’argent. L’économie de marché préfère et de loin le gaspillage à la perte d’argent potentiel. Une autre solution également possible c’est le délestage. Certains gros consommateurs peuvent, moyennant une tarification avantageuse, accepter d’être coupé ou restreint à certains moments.

Dix fournisseurs tu vénéreras, la collectivité paiera


En plus des capacités de production, il faut également tenir compte des capacités de transport. Le réseau électrique est une sorte d’immense toile d’araignée dont l’équilibre est très subtil. Dans cet équilibre, il faut notamment veiller à ne pas avoir de surcharge dans une branche quelconque. Ceci peut en effet créer des réactions en chaîne comme on en a connu en France et à New-York. Le réseau a donc une certaine sur-capacité sur certaines lignes critiques. Il n’y a cependant, aucune redondance au niveau des raccordement individuels. Ceci est très important à noter. Sauf, si vous vous nommez Alu-Suisse, vous n’aurez toujours qu’un seul compteur au bout d’une ligne. La privatisation, même la plus stupide, ne prévoira jamais que chaque foyer ait 10 lignes à disposition et que vous puissiez choisir «librement» votre fournisseur.



Il apparaît qu’il faut gérer un certain équilibre entre excès de capacité et pénurie en régime de pointe. Avoir de large excédents de capacité pour satisfaire toute les pointes est relativement onéreux. Ne satisfaire aucune pointe apparaît un peu brutal. Il faut donc nécessairement définir des compromis. Les militaires parleraient de stratégie. Les pouvoirs publics devraient parler de politique, mais les entrepreneurs privés parleront de retour sur investissement à court ou éventuellement à «moyens» terme soit 2 à 3 ans. N’oublions jamais que, sauf exception rarisime une société anonyme n’a qu’un maître: son conseil d’administration qui représente ses actionnaires majoritaires. Autrement dit, une S.A. doit faire du fric un point c’est tout. Pour une S.A. il faut donc un grand nombre de client juteux. Des clients qui consomment donc le plus possible et au moment souhaité. Dans cette perspective, il n’est absolument pas question d’économiser l’énergie. La dite économie de marché a horreur des consommateurs économes et préfère de loin les gaspilleurs. Idéalement il faut dans ce type d’anti-économie une maximum de gros gaspilleurs et très peu de petits. Encore que, si une S.A. a la possibilité de raquêter un maximum de petits consommateurs, grâce à une position de monopole, pourquoi se priverait-elle? Or dans le contexte de la distribution d’électricité c’est à terme possible. Ceci par le truchement d’un système tarifaire non linéaire. Les premier kilowatts sont très chers. On peut y ajouter un prix d’abonnement très élevé pour punir les foyers soucieux de l’environnement et autre conneries imaginées par les écologistes et les gauchistes. Si donc, une S.A. obtient le monopole de la distribution aux particuliers d’une certaine région, elle peut les rançonner tout à loisir. Pour obtenir ce monopole, il faut pouvoir accéder aux consommateurs. Or ceci ne peut se faire que par le réseau qui existe. En Suisse, ce réseau est pour l’essentiel et notamment pour la partie basse tension, aux mains des services publics. Autrement dit ce réseau est, pour l’essentiel, un bien collectif.



En conséquence, pour obtenir un monopole réel, notre S.A. doit d’une part faire passer une propriété collective pour un monopole ! Mais, en sus la S.A. doit s’assurer l’accès à ce réseau pour un coût le plus bas possible. Il faut donc que les le publique garde la charge de l’entretien du réseau pour pouvoir fournir de l’électricité apparemment bon marché au gros clients. Tient, cela ne vous ferait-il pas penser aux transports routiers? J’espère que oui!



En résumé, la privatisation conduit, à moyen terme, à une augmentation du coût pour les économes, à du gaspillage à grande échelle à l’autre extrémité et à un accroissement des charges externalisées sur le dos des collectivités.



On peut également envisager une politique aussi désastreuse de la part des pouvoirs publics. Ce n’est pas impossible, mais ce n’est pas obligatoire. Des pouvoirs publics, sérieusement encadrés par des citoyens électeurs vigilants et lucides, pourraient opter pour une tarification qui satisfasse le consommateur raisonnable et sanctionne le gaspilleur. On peut rêver!


Allons donc, le pire n’est pas certain mais il est terriblement probable.


Jacques Silberstein