Hommes et travail à temps partiel ne font pas encore bon ménage!

Hommes et travail à temps partiel ne font pas encore bon ménage!

Une étude de l’Office fédéral de la statistique sur le travail à temps partiel est sortie au mois de juillet 2006. Si le temps partiel est en constante augmentation, c’est parce que les femmes investissent de plus en plus le monde du travail et parce que les emplois du tertiaires sont de plus en plus nombreux et c’est ce secteur qui fait le plus appel à des employé-e-s à temps partiel.

Comme le mentionne un chercheur français de l’Institut de Recherches Economiques et Sociales «ce n’est pas le nombre d’heures travaillées qui fait l’unité de la catégorie, c’est le fait qu’il y ait dérogation à la norme». En Suisse, toute personne présentant un taux d’occupation inférieur à 90% ou qui indique une durée normale de travail hebdomadaire inférieure aux 90% de la durée normale de travail dans les entreprises travaille à temps partiel. Le cadre est posé, le temps complet est la norme et le temps partiel se définit par rapport à ce dernier. Une des raisons principales à cela, est que le temps partiel est une forme de travail féminisée et féminine, donc un travail qui n’en est pas tout à fait un (salaire d’appoint).

Un poste à temps partiel est souvent synonyme de conditions d’emploi précaires, d’une couverture sociale insuffisante (caisse de pension, malgré la révision de la LPP), d’obstacle à la formation continue et à la réalisation d’une véritable «carrière». La motivation principale pour une activité professionnelle à temps réduit est la conciliation entre le travail et la vie familiale, c’est pour cela que ce sont les femmes qui, très majoritairement, l’exercent (quatre personnes occupées à temps partiel sur 5 sont des femmes). Les hommes qui réduisent leur taux d’occupation pour des raisons familiales sont très rares, ce qui tend à démontrer que les rôles dans les ménages n’ont pas évolué. Ceux qui ne travaillent pas à plein temps, ont en général une activité à 80%, alors que les femmes travaillent facilement à mi-temps. Il est intéressant de relever que plus de la moitié des femmes travaillent à un taux d’occupation réduit.

Bas salaires et chômage camouflé

Tant pour les hommes que pour les femmes, une activité professionnelle à taux réduit est de plus en plus imposée et non choisie, il s’agit d’une forme de sous-emploi puisque ces travailleurs-euses recherchent un plein temps. Une activité professionnelle à taux réduit est plus facilement perçue comme un sous-emploi pour un homme que pour une femme. Pour les jeunes, une activité à taux réduit marque souvent l’entrés dans la vie active et le passage au plein temps représente une promotion. Les femmes qui la choisissent ont généralement suivi un cursus d’études supérieures et perçoivent des salaires décents, ce qui leur permet de travailler moins tout en gardant un certain niveau de vie.

A l’inverse elle est souvent imposée aux femmes moins bien formées. Elles se retrouvent alors avec un très bas salaire, sans oublier la discrimination salariale de base en défaveur des femmes. Elles sont souvent obligées de faire des heures supplémentaires pour s’en sortir et les employeurs leur demandent une grande flexibilité en la matière. Les employeurs ne tiennent pas du tout compte de la situation familiale des femmes dans l’élaboration des plannings, c’est surtout frappant pour les caissières et les vendeuses. Avec l’augmentation des familles monoparentales, les mères se trouvent dans une situation sans marge de manœuvre et devant jongler sans arrêt avec leurs obligations familiales et professionnelles.

Par rapport aux autres pays européens, la Suisse arrive en deuxième position quant à la part de personnes travaillant à temps partiel. La tertiarisation de l’économie et le nombre d’heures important pour le

plein temps peuvent en partie expliquer cela. Un autre aspect est que le temps partiel est utilisé pour «lutter» contre le chômage, il y a, en effet, une corrélation négative entre la part de temps partiel et le taux de chômage. Le taux de chômage peut ainsi être diminué, sans se soucier des conditions de travail et de salaire des personnes. Le phénomène des working poor se répand, travailler n’assure plus les moyens de subsistance. Il y a alors obligation de cumuler des emplois et/ou d’avoir recours à l’assistance.

Flexibilisation et patriarcat

Le temps partiel joue aussi un rôle prépondérant pour le maintien du plein temps sans diminution du temps de travail et le développement de la flexibilité et des dérégulations (travail sur appel, le week end,…) dans le monde du travail. Il facilite également la répartition traditionnelle des rôles entre les hommes et les femmes dans notre société patriarcale. La forte part du temps partiel freine le débat sur la diminution généralisée de la durée hebdomadaire du travail. En effet, la réduction du nombre d’heures travaillées passe par la diversité des modalités d’emploi, dont le temps partiel. On oublie que le taux d’activité réduit touche principalement les femmes, en faisant croire qu’il touche une partie importante de la population active sans distinction de sexe.

Pour que l’égalité entre hommes et femmes avance, il faut que le temps partiel soit encouragé chez les hommes, qu’il soit choisi et non contraint, qu’il permette de vivre dignement et qu’il ne soit pas un obstacle pour la «carrière» ou l’obtention de certains emplois. Pour que le partage des tâches ménagères devienne une réalité, il est urgent que les hommes puissent travailler moins. La question de la diminution généralisée de la durée hebdomadaire du travail doit être reprise pour lutter contre le chômage et permettre de concilier vie professionnelle et familiale en travaillant à plein temps.

Marie-Eve TEJEDOR