Bilan et perspectives d’Attac-Suisse

Bilan et perspectives d’Attac-Suisse



Nous avons demandé à
Alessandro Pelizzari, ex-secrétaire d’Attac-Suisse  
de sa campagne sur la fiscalité, de tirer le bilan de la 3e
Université d’été de ce mouvement, qui vient
de se tenir à Bienne, du 1er au 3 septembre, sur le thème
«Génération précaire. Le droit des personnes
s’arrête-t-il là où commence la
liberté d’entreprise?».

Quel bilan tires-tu de la dernière Université d’été d’Attac?

Nos Universités d’été ont toujours plusieurs
objectifs. Tout d’abord, il s’agit de réunir les
militant-e-s les plus actifs pendant quelques jours, pour faire le
bilan de nos activités et, plus largement, pour créer un
espace dans lequel nous réfléchissons aux raisons qui
nous font militer ensemble. Ce dernier point est très important
pour deux raisons. D’un côté, notre organisation se
base essentiellement sur les activités des groupes locaux et a
donc un fonctionnement très décentralisé, ce qui
comporte le risque d’un certain éclatement. De
l’autre, la crise très médiatisée
d’Attac France a soulevé beaucoup de questions au sein de
nos militant-e-s sur nos orientations. Les enjeux pourraient se
résumer ainsi: après sept ans d’existence, Attac
doit-elle davantage affirmer son propre profil en se
différenciant d’autres mouvements et même envisager
des possibles participations à des échéances
électorales? Ou est-ce qu’Attac doit au contraire
renforcer ses liens avec l’ensemble des forces engagées
sur le terrain de l’altermondialisation en impulsant des
mobilisations unitaires contre les politiques
néolibérales? L’Uni d’été a
certainement contribué à renforcer cette deuxième
option. Ainsi, tant le bilan de nos activités principales de
l’année passée – les mobilisations contre
l’OMC et le WEF, le soutien aux grévistes de la Boillat,
la campagne avec les villes hors-AGCS, le travail de solidarité
avec l’Amérique latine, etc. – que la discussion sur
nos priorités futures à venir, ont fait ressortir la
place qu’Attac souhaite occuper: celle d’un mouvement
d’éducation populaire, situé au cœur des
luttes sociales et ouvert au débat d’idées avec des
acteurs aussi divers que les syndicats, les mouvements sociaux ou les
élu-e-s locaux.

Pourquoi le titre de «génération
précaire» donné à votre Université
d’été?

Quand nous avons discuté du programme de l’Uni
d’été nous étions au plein milieu des
mobilisations contre l’OMC et nous avions constaté un
certain paradoxe. Si les négociations commerciales semblaient
aller vers un échec, celui-ci était surtout dû aux
profondes divergences qui séparaient les grandes puissances
économiques, et moins à la pression de la rue. Nous nous
sommes rendus compte que contrairement à l’Amérique
latine, par exemple, où une vaste mobilisation populaire avait
réussi à bloquer le traité de libre-échange
des Amériques (ALCA), nous avions de la peine à
sensibiliser les salarié-e-s en dehors des cercles convaincus de
militant-e-s. C’est pourquoi nous avons développé
l’idée, à l’occasion du Forum Social
Européen d’Athènes ce printemps, de nous concentrer
sur les conséquences de la mondialisation
néolibérale sur les transformations brutales qui touchent
le marché du travail: chômage, délocalisations,
précarité, migration forcée,
démantèlement des droits sociaux, etc. Autant de
thèmes qui constituent l’essentiel de la «question
sociale» en Europe et qui avaient donné lieu, ces derniers
mois, à des mobilisations d’envergure, que ce soit la
grève de la Boillat ou le mouvement contre le CPE en France. A
trois semaines des votations fédérales sur les lois sur
l’Asile et les Etrangers, cette thématique a
d’ailleurs pris une actualité brûlante. En effet,
ces deux textes montrent comment les politiques migratoires de ce pays
répondent aux intérêts d’un patronat qui
puise sa force de travail de plus en plus dans un marché du
travail mondialisé, sans pour autant accorder des droits aux
travailleurs-euses immigrés. Nos travaux se sont donc
logiquement conclus par un appel à voter 2 fois NON le 24
septembre.

L’université d’été
d’Attac-Suisse a abordé des sujets sensibles comme la
flexibilisation du marché du travail et la libéralisation
des services publics. Sur quel type d’actions vous êtes
vous accordés pour y faire face?

Il s’agissait tout d’abord de nous approprier ces
thèmes d’un point de vue altermondialiste et
d’ouvrir le débat sur les différentes alternatives
possibles. Salaire minimum légal, revenu garanti universel,
réduction du temps de travail, égalité de droits
pour les travailleurs-euses nationaux et immigrés et
l’extension des droits sociaux n’ont été que
quelques-unes des pistes esquissées. Ensuite, nous avons
décidé de continuer ce débat publiquement ces
prochains mois, notamment à l’occasion de la mobilisation
contre le G8 en juin 2007 en Allemagne, qui a été
définie comme priorité de campagne. Concrètement,
nous allons participer aux «Marches contre la
précarité» qui, partant de toute l’Europe,
devraient converger à Heiligendamm, lieu du prochain G8. Dans un
autre registre, nous avons aussi décidé de prendre les
mesures nécessaires pour évaluer la pertinence de lancer
un référendum contre la Réforme de
l’imposition des entreprises, qui sera traitée
prochainement au Parlement. En effet, le thème de la politique
fiscale reste central pour nous, car tout «autre monde
possible» se finance aussi par des moyens publics.
 

Comment envisagez-vous l’ouverture et le développement
d’espaces de mobilisation pour rassembler l’ensemble des
forces qui ont les mêmes revendications?

Nous sommes conscients des limites de notre mouvement, notamment en
termes d’enracinement social. Il va donc de soi que nous devons
collaborer étroitement avec l’ensemble des forces
anti-néolibérales, si ne nous voulons pas nous cantonner
à un rôle purement idéologique et extérieur
aux préoccupations des gens. C’est comme ça que
nous envisageons aussi d’entamer les campagnes dont je viens de
parler, profitant aussi de nos atouts, notamment en termes de
présence sur l’ensemble du territoire suisse et de nos
liens étroits avec des mouvements internationaux. Le rapport
avec les partis politiques est un peu plus compliqué, car ils
jouent sur un autre terrain, celui de l’arène
électorale. Pour nous, ce rapport ne peut se poser qu’en
termes de notre autonomie dans le choix de nos priorités et
échéances de mobilisation. En même temps, nous
essayons d’intervenir dans le débat politique pour nous
confronter sur le contenu des alternatives au
néolibéralisme et proposer une série de
«points de rupture» en deçà desquels aucune
politique nouvelle ne pourra commencer à changer de cap.

Entretien réalisé par Johnson BASTIDAS