Discrimination, racisme et précarité: renforecer nos luttes!

Discrimination, racisme et précarité: renforecer nos luttes!

32% contre la Loi sur les étrangers (LEtr), 32,2% contre la
révision de la Loi sur l’asile (LAsi), une minorité
tout à fait significative de citoyennes et de citoyens ont
refusé, le 24 septembre 2006, deux lois iniques, instaurant en
Suisse une forme d’apartheid à l’égard des
personnes étrangères non ressortissantes de l’Union
européenne. Dans les cantons romands, l’opposition aux lex
Blocher a été plus forte (entre 45 et 50% pour le Jura,
Neuchâtel, Vaud et Genève). Un régime
d’exception a été ainsi mis en place et, comme
l’a relevé quelques jours avant le scrutin M. Doudou
Diène, Rapporteur spécial de l’ONU, on assiste en
Suisse à une véritable «instrumentalisation politique du racisme».
Juste après cette votation, l’UDC, par la bouche de son
président Ueli Maurer, annonce déjà que «la
question des étrangers va rester un thème très
important pour les élections fédérales 2007
(…) Il y a encore beaucoup de problème à
résoudre dans la politique vis-à-vis des
étrangers. Par exemple la naturalisation, la violence à
l’école, la question de la maîtrise des langues
nationale, la criminalité ou encore les tensions qui existent
entre notre culture et celle de l’islam
». Le fond de
commerce électoral n’est pas épuisé!
Amalgame fallacieux, choc des civilisations, islamophobie, les
xénophobes de l’UDC vont bien entendu encore pousser
l’avantage.

Le résultat de la votation du 24 septembre s’inscrit dans
une longue tradition de la politique suisse en matière
d’immigration et d’asile: inscription, dans la loi de 1931
actuellement en vigueur, du critère pour délivrer une
autorisation de séjour du «degré de surpopulation
étrangère» (Ueberfremdung ou altération
excessive de l’identité nationale), politique de
contingentement, statut de saisonnier, mise en place de la politique
des «trois cercles» puis des «deux cercles» par
le Conseil fédéral depuis 1991,
démantèlement successif, depuis 25 ans, de la loi sur
l’asile. La politique migratoire mise en place par le
gouvernement helvétique est de surcroît totalement
conforme à celle mise en place par l’Union
européenne, sous la houlette de Nicolas Sarkozy, pour lutter
contre «l’immigration illégale». En plus, les
craintes ressenties par de nombreux salarié-e-s, en lien avec
les risques de perdre leur emploi, ou par des nombreux
retraité-e-s, en relation avec les menaces pesant sur leur
retraite, constituent un terreau favorable à la stigmatisation
des étrangers-ères, en faisant d’eux-elles des
boucs émissaires.

Les comités 2 X NON aux lois contre l’asile et les
étrangers ont rassemblé de très nombreuses
personnes, associations, mouvements, partis, syndicats, églises,
ONG, bien au-delà des cercles de celles et ceux qui
défendaient, jusqu’à aujourd’hui, les droits
des migrant-e-s et des requérant-e-s d’asile. La campagne
contre ces deux lois scélérates a été
l’occasion d’un important travail d’information et
d’explication. Au soir du 24 septembre, nous ne pouvions pas
penser, sur le plan national, être gagnant. En
Suisse-alémanique, la campagne du 2 X NON était bien
moins large et la démagogie de l’UDC «contre les
abus» avait déjà fortement contaminé
l’opinion. L’issue du scrutin ne faisait guère de
doute! Quelques villes ont tout de même des résultats plus
serrés que dans leur canton ou qu’à
l’échelle nationale: à Zurich 43.6% non à la
LEtr et 44 % à la LAsi, à Bâle 40,8% non à
la LEtr et 42,2% à la LAsi ou à Berne 48,4% non à
la LEtr et 51% à la LAsi. En Suisse romande, non seulement les
résultats des cantons sont très proches des 50%, mais
encore le 2 X NON est majoritaire dans de nombreuses villes
(Genève, Lausanne, Nyon, Delémont, Neuchâtel, Vevey
uniquement la LEtr, Fribourg uniquement la LAsi). C’est le
résultat de cette très large campagne et des mouvements
de résistances qui sont apparus, ces dernières
années, contre les renvois, pour la régularisation des
sans-papiers. Dans de nombreuses discussions, nous avons pu mesurer
à quel point la faiblesse, voir l’absence,
d’organisation collective des salarié-e-s – du
mouvement syndical – sur les lieux de travail, pesait et
constituait un obstacle au développement de réflexes de
solidarité, face à la précarisation
généralisée des conditions de travail. Les
pressions à la baisse sur les salaires et la péjoration
des conditions de travail sont, à tort, imputées au
séjour et à l’emploi de personnes
étrangères.

Les défis qui nous attendent en matière de
défenses des droits des migrant-e-s et de lutte contre la
précarité sont d’ampleur! Se battre pied par pied
contre la mise en œuvre du durcissement des conditions de
séjour et d’existence des étrangers et
étrangères, migrant-e-s ou requérant-e-s
d’asile. Dénoncer les pratiques arbitraires, abusives et
discriminatoires des polices des étrangers et de l’Office
fédéral des migrations (ODM). Amplifier nos actions pour
la régularisation de tous les sans-papiers. Faciliter la
défense des migrant-e-s victimes de racisme et développer
la solidarité à leur égard. S’opposer
à la démagogie islamophobe.

Les deux lois discriminatoires votées le 24 septembre n’en
sont pas devenues plus «justes» du fait de leur adoption
par une majorité des votant-e-s. Elles créent une
catégorie de sous-hommes, des femmes et des hommes privés
des droits reconnus aux autres habitant-e-s de ce pays. Nous ne pouvons
accepter un tel déni d’humanité.

Jean-Michel DOLIVO


Quelques résultats plus détaillés

Dans le canton de Vaud, les principales communes qui disent 2X NON:
Lausanne, LEtr à 54,3% et LAsi à 52,2%, Nyon LEtr
à 54% et LAsi à 50,03%, et tout le district de la
Vallée de Joux (communes Le Lieu, Le Chenit et l’Abbaye),
LEtr à 53,3% et LAsi 50,03%. Quelques communes rejettent
uniquement la LEtr, parmi elles: Aubonne, à 52,1%, Vevey,
à 51,55%, Cully, à 54% et Leysin, à 51,05%.

Dans la banlieue lausannoise, le NON à la LEtr atteint à Renens 46,7% et à Prilly 44%.
Dans le canton de Genève, les principales communes qui disent 2X
NON: Genève, LEtr à 51.9% et LAsi à 52,6% (avec
des rejets entre 58 et 62% dans les quartiers populaires), Carouge,
LEtr à 52,9% et LAsi à 53,6%.

Dans la banlieue genevoise, le NON à la LEtr atteint 44% à Onex, 44,9% à Lancy et 42% à Meyrin.

Ces résultats mettent en évidence l’impact des
arguments de l’UDC dans certains milieux populaires,
confrontés particulièrement au chômage et à
la détérioration des conditions de vie. Dans les
quartiers populaires des villes de Genève et Lausanne, cet
impact est néanmoins plus limité. Le travail de
constitution des réseaux de solidarité sociale
mené par une gauche combative, associative et politique, comme
celui, à Renens, du POP-Fourmi rouge, est indispensable! (jmd)