Protection contre le chômage: le soutien pourrait se désagréger…

Protection contre le chômage: le soutien pourrait se désagréger…

Depuis quelques années, tous
les salarié-e-s de la région genevoise vivent une
situation de concurrence extrêmement tendue sur le marché
du travail. Dans toute la région, comme en France voisine, la
politique de régulation du marché du travail a
été liquidée au plus grand profit du patronat.
Ainsi, les conditions-cadres qui permettaient à une
chômeuse ou à un chômeur de proposer sa force de
travail dans de bonnes conditions, notamment celles de disposer du
temps nécessaire pour choisir une activité et se former
en conséquence sont en passe d’être liquidées.

A Genève, il y a quelques années, chômeurs et
chômeuses disposaient d’une période maximale de cinq
ans pour vendre leur force de travail au meilleur prix, sur un
marché qui était déjà très tendu
depuis la première crise économique mondiale de 1974.
Depuis lors, les attaques pour démanteler ce système de
protection sociale n’ont pas cessé. Le 24 novembre
2002, le corps électoral genevois refusait la modification de la
loi fédérale sur le chômage alors qu’une
majorité, en Suisse, l’acceptait. Cette modification
entérine notamment la réduction du nombre des
indemnités journalières fédérales de 520
à 400. Cette disposition avait alors été
relativisée par le Conseil Fédéral. Il
prétendait que les cantons qui en feraient la demande
obtiendraient de ne pas appliquer cette disposition, en raison
d’un pourcentage de sans-travail plus élevé
qu’ailleurs. On a vu l’été passé ce
qu’il advient de ce genre de promesses; le conseiller
fédéral Deiss refusa d’accorder une nouvelle fois
au canton de Genève cette dérogation et précipita
plus de 1500 personnes dans la précarité.

Le 24 avril 2005, avec d’autres, nous avons gagné un
référendum cantonal contre la volonté du parlement
et des fers de lance du patronat de supprimer les emplois temporaires
offerts par l’Etat aux chômeuses et chômeurs
n’ayant pas retrouvé un travail après leurs 400
indemnités. Tous les milieux de gauche et syndicaux
s’étaient alors entendus pour dire à quel point il
était important de sauvegarder un système,
peut-être pas très performant, mais qui donnait à
chacun et à chacune l’assurance de voir venir et de ne pas
devoir accepter un boulot le plus rapidement possible, sous peine
d’être abandonné sur le bord de la route et de
plonger dans la pauvreté.

Améliorer plutôt que déréguler

A cette époque déjà, nous avions proposé de
revoir le système des emplois temporaires pour le moduler en
fonction des tranches d’âge. Pour les plus jeunes
jusqu’à 25 ans, priorité absolue à
l’embauche. De 25 ans jusqu’à 50 ans, six mois
d’emploi temporaire et six mois supplémentaires, sous
condition d’une formation concrète permettant
d’améliorer notablement ses compétences. Et enfin
pour les plus de 50 ans, 12 mois d’emploi temporaire ouvrant
automatiquement un droit au chômage de 400 indemnités.
Proposition qui totaliserait ainsi un peu plus de 4 années de
droit au chômage pour cette tranche d’âge et pour une
majorité de chômeuses et chômeurs sous condition de
formation.

Or, qu’a-t-on vu ces derniers jours? Sous prétexte
d’une possible, mais hypothétique, intervention de Berne,
le front de résistance s’est lézardé! Si
bien que les représentant-e-s de notre mouvement ont
été les seuls à soutenir résolument ce
système. En effet, du côté du Parti socialiste, on
fait mine d’admettre que Berne avait déjà
refusé le système genevois des emplois temporaires. Or,
si la Confédération avait pu le torpiller juridiquement,
depuis 25 années que ce système existe, elle
l’aurait fait. On voit mal, avant les élections
fédérales, le parlement s’attaquer une nouvelle
fois aux chômeurs et aux chômeuses en serrant la vis, sans
parler d’un éventuel référendum
fédéral que nos forces pourraient lancer. Du
côté des syndicats, on soutient ce système comme la
corde le pendu, en prétextant qu’il faut discuter,
qu’il faut voir, que ce système ne donne pas satisfaction.
Bref, on sent bien, comme toujours dans le monde syndical, qu’il
y a du mou.

Construire un compromis ou accepter la compromission

C’est à cause de positions si peu
déterminées que les salarié-e-s ne font plus
confiance aux mots d’ordre syndicaux, alors que comme locataires
c’est d’un seul mouvement qu’ils et elles enclenchent
le rouleau compresseur pour écraser toutes les
velléités de déréglementations des milieux
immobiliers. On l’a encore vu lors des dernières votations
sur l’initiative de l’ASLOCA. Il y a une culture de la
résistance que les milieux syndicaux n’ont pas appris
à respecter, ce qui leur donne encore moins de pouvoir dans la
négociation d’éventuels compromis!

Dès lors ces prochains mois, il nous faudra rester très
déterminés dans notre volonté de lancer un nouveau
référendum cantonal, si la loi approuvée par le
parlement au début de l’an prochain confirme la
volonté de ce gouvernement (qui se prétend encore et
abusivement de gauche) de supprimer les emplois temporaires.

La politique de lutte contre le chômage à Genève
n’est peut-être pas la meilleure; toujours est-il
qu’elle préserve le niveau des salaires contre une
stagnation, voire une baisse généralisée du
pouvoir d’achat de chacun. En effet, lorsque plus de 20 000
demandeurs et demandeuses d’emploi, soit environ 10% des forces
actives de notre communauté, seront sous la pression
d’accepter le plus rapidement possible un emploi, alors
l’ensemble des patrons pourront se permettre d’offrir des
salaires moindres à l’embauche et de ne pas augmenter ceux
de leurs salarié-e-s déjà engagés.
C’est de ce phénomène
d’accélération de la paupérisation dont il
est question quand les milieux syndicaux ne se lèvent pas tous
ensemble pour dire non à la suppression des emplois temporaires.

Rémy PAGANI