Restructuration hospitalière: on sait où ça commence...

Restructuration hospitalière: on sait où ça commence…



Les plans de restructuration rendus
publics officieusement, dimanche 10 septembre, et aussitôt
démentis, ont finalement fait l’objet d’une
communication officielle vendredi 27 octobre. A comparer les deux
versions, on voit aujourd’hui qu’il n’y avait
guère lieu de faire des gorges chaudes pour protester contre
«l’annonce prématurée» d’une
décision qui n’aurait pas encore été
prise…

Selon la loi sur l’établissement hospitalier multisite
(EHM), voulue par le Parti socialiste et toute la droite, et
approuvée en votation populaire en juin 2005, c’est le
Conseil d’administration des hôpitaux qui élabore
– dans le cadre (financier) fixé par le Conseil
d’Etat – la stratégie et la politique des
hôpitaux. Formellement, c’est le Conseil d’Etat qui
donnera (ou non?!) son aval au train de mesures, le Grand Conseil
n’étant là que pour voter le budget. Mais à
quoi doit s’attendre la population?

Des économies sur notre santé

Ce plan, qui comprend plusieurs scénarios, a d’abord pour
but de faire des économies. Le Conseil d’Etat attend une
réduction des dépenses de 25 millions (10% du budget des
hôpitaux). Le Conseil d’administration propose de les
trouver non seulement en continuant à diminuer le nombre de
lits, mais en supprimant 110 postes de travail et en fermant plusieurs
unités de soin. En clair: une réduction de l’offre
des prestations médicales et une diminution des emplois. Il
suffit d’énumérer les mesures pour s’en
rendre compte:

  • Le Val-de-Travers voit sa maternité et sa chirurgie
    fermées; il s’oriente vers un hôpital
    gériatrique, mesure symptomatique de la marginalisation que
    connaît ce district.
  • La pédiatrie hospitalière de la Chaux-de-Fonds est
    supprimée; ces soins seront concentrés sur
    Neuchâtel.
  • Les polycliniques du Locle, du Val-de-Travers et du Val-de-Ruz
    sont fermées; seuls les hôpitaux de Neuchâtel et de
    La Chaux-de-Fonds auront encore une polyclinique.
  • Quelles que soient les dénégations des responsables
    à ce sujet, il est évident qu’on assiste à
    une concentration des soins vers le nouvel Hôpital
    Pourtalès de Neuchâtel et que, sans réactions
    importantes de la part de la population du haut du canton,
    l’Hôpital de La Chaux-de-Fonds subira sous peu
    d’autres mesures de restructuration. A quand l’annonce
    qu’on ne peut plus «s’y payer» la chirurgie?

Conséquences de la libéralisation

Le Conseil d’administration justifie les restructurations
présentes par des arguments techniques: nécessité
de concentration pour pouvoir faire venir des médecins hautement
qualifiés dans une région périphérique. La
politique de restriction des soins, préconisée pour des
raisons d’économies, va induire un effet pervers: quel
médecin hautement qualifié voudra s’installer dans
un hôpital où une grande partie du personnel hospitalier
en place a des doutes sur son avenir? Celles et ceux qui en ont la
possibilité ont aujourd’hui déjà tendance
à regarder ailleurs et quittent «le bateau»
dès qu’une offre plus intéressante se
présente.

On voit ici – et plus vite encore que ne le prévoyaient
peut-être celles et ceux qui avaient lancé un
référendum contre la loi sur l’EHM – les
dégâts d’une gestion hospitalière
conçue selon des critères de pure rentabilité
plutôt qu’en termes de service public et
d’accès à des soins de qualité.

Aujourd’hui, c’est un plan d’économies de 25
millions qui est présenté, mais on nous dit
déjà que c’est insuffisant. La logique du Conseil
d’Etat – réduire à tout prix le train de vie
des hôpitaux – conduit inévitablement à une
régression sociale que nous refusons. Toute la population doit
pouvoir bénéficier des avancées de la
médecine, pas seulement celles et ceux qui ont les moyens de se
déplacer. Une bonne qualité de vie ne doit pas être
réservée à certain-e-s plus qu’à
d’autres. Résoudre la question du financement de la
santé doit passer par un impôt plus progressif et des
primes d’assurance proportionnelles au revenu et non par une
réduction des soins introduisant de plus en plus
d’inégalités face à la maladie.

Marianne EBEL