La 5e révision de lAI: une question syndicale
La 5e révision de lAI: une question syndicale
Nous publions ci-dessous
lintervention de Christina STOLL, cosecrétaire
générale du Syndicat interprofessionnel de travailleuses
et travailleurs (SIT), lors de la conférence de presse de la
«Coordination genevoise contre la 5e révision de
lAI du 8 novembre 2006».
La révision de lAssurance invalidité concerne bien
évidemment les personnes handicapées, mais
également lensemble des salarié-e-s de ce pays,
dans la mesure où cette assurance fait partie du système
de sécurité sociale. LAI offre des prestations de
rente ou de formation aux personnes qui, pour des raisons de
santé, ne peuvent plus effectuer leur métier ou qui sont
en incapacité partielle ou totale de travailler. De ce point de
vue, la 5e révision de lassurance AI soulève des
questions syndicales de première importance.
La révision votée par le parlement met en avant deux
idées phares, à savoir la primauté de la
réinsertion professionnelle et la mise en place dun
système de détection précoce. Ces idées
trouvent un appui quasi automatique, dans la mesure où il est
évidemment préférable de permettre à une
personne ayant des problèmes de santé de retrouver un
emploi au lieu de lui accorder une rente et quon ne peut que
soutenir lidée déviter lexclusion du
monde du travail. Toutefois, un examen critique des dispositions
proposées peut nous révéler des surprises:
- Depuis son entrée en vigueur en 1959, lassurance AI
prévoit la primauté de la réinsertion
professionnelle par rapport à lattribution dune
rente. La 4e révision de lAI a dailleurs
clairement réaffirmé ce principe. A ce jour, il manque
toutefois une évaluation sérieuse des mesures de
réinsertion professionnelles accordées par lAI.
Lorganisation actuelle du monde du travail demande une
rentabilité maximale de chaque emploi. Dans ce contexte,
lengagement de personnes souffrant de troubles physiques ou
psychiques est tout sauf évident. Si lassurance AI
nimpose pas dobligations aux employeurs, la
priorité de la réinsertion risque, aussi louable
quelle soit, de rester lettre morte. - Un des buts affichés de la 5e révision de
lAI est la réduction importante du nombre des rentes
accordées. Or, le fait de refuser des rentes,
naméliore bien évidement en rien
létat de santé des personnes déposant une
demande AI. Il aura pour conséquence de les orienter vers
dautres volets de la sécurité sociale, le plus
souvent probablement vers laide social qui prévoit
nettement moins de mesures de réinsertion professionnelle que
les dispositifs de lassurance AI. De ce point de vue, la
révision actuelle va, dans les faits, plutôt favoriser
lexclusion du monde du travail que de permettre
lintégration professionnelle et va donc à
lencontre des grands principes quelle prétend
défendre. - La révision de lAI met en place un système
de «détection précoce» qui se présente
comme la communication à loffice AI du «cas»
dune personne présentant des risques
dinvalidité. Au terme dune enquête,
loffice AI peut mettre en place des «mesures
dintervention précoce» permettant de maintenir la
personne en emploi. Concrètement, lemployeur, le
médecin traitant ou le-la salarié-e concerné-e
peut dénoncer, après un arrêt de travail de 4
semaines déjà, un «cas» à
loffice AI. Loffice convoque le-la salarié-e
à un entretien avec son employeur dont le but est de
communiquer, à lemployeur «les causes, les effets
et les conséquences possibles de lincapacité de
travail en relation avec lemploi existant». Sachant que
létat de santé dune personne est souvent en
lien direct avec ses conditions de travail, on simagine
difficilement quune salarié-e puisse ouvertement parler
des causes de sa maladie en présence de son employeur. Pire
encore, au vu de ce quil apprend dans cet entretien,
lemployeur peut facilement décider de licencier une
personne dans la mesure où le droit du travail suisse ne
connaît quune protection fort limitée dans le temps
contre le licenciement en cas de maladie ou daccident. - La révision de lAI prévoit en outre, que
dès le début de lincapacité de travail,
le-la salarié-e doit «contribuer activement au maintien de
son emploi actuel», au risque, si il-elle ne le fait pas, de se
voir refuser une rente ou des mesures AI. Lemployeur nest
par contre pas soumis à une obligation dadapter un poste
de travail ou de modifier les conditions de travail. Toutes les
obligations sont dès lors du côté des
salarié-e-s, sans être liées à de nouveaux
droits en matière de santé et sécurité au
travail.
Pour toutes ces raisons, le syndicat SIT a décidé de
soutenir très activement le référendum
lancé contre la 5e révision de lassurance AI.