Conférence internationale pour soutenir la résistance libanaise

Conférence internationale pour soutenir la résistance libanaise

Du 16 au 19 novembre derniers, les
principales organisations de la résistance libanaise ont
réuni une conférence internationale au Palais de
l’UNESCO à Beyrouth, dans le but de soutenir la
résistance et de constituer un front large contre la guerre et
les projets hégémoniques des Etats-Unis au Moyen-Orient
et dans le monde. solidaritéS y avait envoyé deux
délégué-e-s. En voici un bref compte-rendu.

Quelque 300 délégué-e-s de plus de 30 pays, issus
essentiellement du monde associatif, de la gauche politique et des
courants islamo-nationalistes, avaient répondu à cet
appel, signé notamment par le Parti communiste libanais, le
Hezbollah, le Mouvement du peuple (nationaliste arabe) et la Tribune de
l’unité nationale. En fait cette initiative avait vu le
jour il y a trois mois environ, au contact de la résistance et
des délégations internationales venues soutenir le peuple
libanais sous les bombes.

Dans le creuset de l’anti-impérialisme

Le Proche et le Moyen-Orient
étaient bien entendu fortement représentés
à Beyrouth, notamment la Turquie, la Jordanie, la Syrie,
l’Egypte et le Maghreb. Quelques représentants
palestiniens avaient également réussi à se rendre
au Liban. Cependant, un gros tiers des délégué-e-s
était d’origine européenne, principalement de
Grèce, de France et d’Angleterre, mais aussi
d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne, de Hollande, de
Belgique et des pays scandinaves. Deux délégué-e-s
de solidaritéS avaient fait le voyage de Suisse. A ces
Européens-ennes, il convient d’ajouter aussi des
délégations plus restreintes du Canada et des Etats-Unis,
mais aussi d’Amérique latine (des zapatistes mexicains),
d’Asie orientale et d’Afrique subsaharienne.
Parmi les organisations présentes, on peut distinguer cinq
composantes essentielles: les mouvements nationalistes et
islamo-nationalistes arabes, la gauche politique anticapitaliste, les
coalitions anti-guerres et les réseaux altermondialistes, les
initiatives de solidarité internationale (en particulier avec la
Palestine), ainsi que diverses associations issues de
l’immigration, notamment d’origine musulmane. Depuis
2001-2002, la collaboration du Parti communiste libanais et du
Hezbollah au sein de la résistance, de même que les
expériences de la Campagne civile internationale pour la
protection du peuple palestinien (CCIPPP), du Forum social arabe de
Beyrouth et des rencontres anti-guerres internationales du Caire,
avaient sans doute ouvert la voie à de telles convergences.

Gauche laïque et mouvements islamo-nationalistes

Bien entendu, la principale
nouveauté de cette conférence résidait dans
l’ouverture d’un dialogue entre deux secteurs
anti-impérialistes peu habitués à échanger:
la gauche laïque et la mouvance islamo-nationaliste.
D’entrée de jeu, le cheikh Naïm Qassem, l’un
des principaux dirigeants du Hezbollah, annonçait que la
victoire de la résistance libanaise était «une
victoire pour les opprimés, les pauvres et les hommes
libres», qu’il appelait à s’unir à
l’échelle planétaire. Au fil de la
conférence, en dépit de divergences de fond sur des
questions essentielles, les forces de gauche et islamo-nationalistes
présentes mettaient en évidence trois points de
convergence: la résistance à l’impérialisme,
la protection des droits sociaux et la défense des
libertés démocratiques.

Dans les débats portant sur les questions stratégiques,
plusieurs intervenant-e-s ont critiqué la résolution 1701
du Conseil de sécurité de l’ONU, en particulier
parce qu’elle prévoit de déployer les troupes de la
FINUL II sur le seul côté libanais de la frontière
avec Israël, et ceci sous la direction de deux pays membres de
l’OTAN, la France et l’Italie. Un
délégué italien a dénoncé
également les accords militaires qui lient son pays à
Israël. Le Parti communiste libanais a insisté de son
côté sur le fait que l’implication de troupes
européennes au Liban pourrait les amener à collaborer
plus étroitement aux projets US au Moyen-Orient.

Lutter contre l’islamophobie

De nombreux-euses intervenant-e-s ont
aussi dénoncé la montée de l’islamophobie en
Europe et en Amérique du Nord, qui permet de justifier la
multiplication des interventions militaires néocoloniales au
Moyen-Orient et fait obstacle à la solidarité des peuples
du monde contre les projets hégémoniques des milieux
dominants. Elle contribue ainsi à creuser un fossé entre
les immigré-e-s d’origine musulmane et les autres
habitant-e-s des pays occidentaux. Il ne s’agit ni plus ni moins
que d’une nouvelle forme de racisme. A ce propos, un
parlementaire indien de Calcutta a remarqué que la notion
même de «clash des civilisations» était une
contradiction dans les termes. Une représentante de
l’Union juive française pour la paix a insisté sur
la nécessité de développer un langage commun pour
mieux exprimer les objectifs qui unissent les forces de
résistance d’origines différentes. Enfin, un jeune
français d’origine algérienne du Collectif des
musulmans de France a montré que l’islam était
traversé par des contradictions de classe auxquelles la gauche
devait être attentive.

Un autre groupe de travail portait sur les médias dominants et
leur absence de réflexion critique sur l’offensive
néocoloniale en cours au Moyen-Orient et dans le monde. Il
suffit pour s’en rendre compte, de constater aujourd’hui
l’unanimité troublante des commentaires journalistiques
qui attribuent, sans l’ombre d’une preuve,
l’assassinat du jeune ministre phalangiste Pierre Gemayel aux
services secrets syriens. Ce crime ne profite-t-il pas de façon
évidente à la droite pro-occidentale,
discréditée par sa collusion avec la France et les
Etats-Unis, au moment où le Parti communiste, le Hezbollah
(chiite) et le Mouvement patriotique libre du général
Aoun (chrétien nationaliste) en appellent à un
gouvernement d’unité nationale, à des
élections anticipées, au besoin à des
mobilisations de rue pour assurer une représentation plus
importante des forces de la résistance au sein de
l’autorité libanaise…

Mobiliser la conscience universelle

Un atelier spécifique traitait
des enjeux juridiques des confrontations en cours, invoquant la
nécessité de se battre aussi sur le terrain du droit
international. En effet, même si les institutions internationales
renoncent presque toujours à statuer par rapport aux violations
des règles internationales par les Etats-Unis ou Israël, il
faut s’efforcer de gagner la bataille de l’opinion
publique, quitte à en appeler à la conscience morale
universelle. L’idée d’un Tribunal Russel pour juger
les crimes de guerre israéliens au Liban, sur le modèle
de celui qui s’était tenu en 1967 pour dénoncer les
crimes de guerre US au Vietnam, a ainsi été
évoquée. Enfin, la question de la reconstruction des 132
000 maisons et unités de production détruites par les
bombes a soulevé d’intéressantes discussions.
Comment répondre aux besoins immédiats et permettre le
retour rapide des populations? Comment tenir compte de l’avis des
habitant-e-s pour reconstruire autrement? Comment préserver
aussi les identités culturelles et les lieux de mémoire,
notamment ceux liés à l’histoire de la
résistance?

La journée de conclusion a réaffirmé le droit des
peuples à la résistance contre toute forme
d’occupation et d’oppression. La résolution finale
insiste ainsi sur la nécessité d’unifier, dans un
cadre pluraliste et démocratique, les forces vives qui
s’opposent aux projets hégémoniques des Etats-Unis
à l’échelle planétaire – notamment
celles de la gauche démocratique et des courants
islamo-nationalistes. Elle souligne les multiples liens qui unissent
les luttes anti-impérialistes et les combats sociaux et
démocratiques. Elle propose enfin d’organiser trois
moments forts de mobilisation à l’échelle
internationale, le 20 mars, le 12 juillet et le 29 septembre 2007,
respectivement contre l’occupation de l’Irak, pour soutenir
la résistance libanaise et en solidarité avec le peuple
palestinien qui lutte pour ses droits nationaux. 

Jean BATOU



Juifs pour la paix, à Beyrouth

L’Union
Juive Française pour la Paix, fédérée au
sein des Juifs Européens pour une Paix Juste (EJJP) était
présente à la rencontre internationale de Beyrouth.
Mireille Mendès-France et Michèle Sibony la
représentaient. Nous reproduisons ici l’intervention de
Michèle Sibony.

«Parce que les Juifs sont instrumentalisés par
l’idéologie du choc des civilisations et par l’Etat
d’Israël dans sa guerre moyen orientale, il est important
que des Juifs soient présents dans la résistance
internationale en tant que tels. Nous y sommes, pour cette raison, mais
aussi parce que nous ne supportons pas la honte de ce qui se fait
soi-disant en notre nom: le meurtre, le déracinement, le sang.
Nous y sommes enfin parce que nous sommes l’un des garants de la
lutte contre l’éthnicisation et la confessionnalisation
des conflits voulues par Bush.

Cette idéologie promeut et applique la séparation, il est
donc fondamental de remettre l’union au centre de nos
préoccupations en pratiquant des solidarités
réciproques. (…) Il est urgent de refuser à tout
prix toute forme de racisme et toute forme d’exclusion contre
toute religion.
C’est une idéologie qui pratique la guerre et la
colonisation, le mouvement anti-guerre doit être placé au
cœur des luttes internationales et ce n’est pas
gagné, vu par exemple les réticences de certains
partenaires de l’organisation du prochain Forum social mondial de
Nairobi.

Enfin c’est une idéologie qui construit l’ennemi en
lui attribuant un discours qu’elle fabrique, et en parlant
à sa place. Elle parle à la place de la résistance
Hezbollah et définit le Hezbollah à sa place.

Or, c’est là ma suggestion, nous sommes ici devant une
sorte de modèle d’union pour la résistance: le PC
libanais mouvement de la gauche traditionnelle et le Hezbollah
mouvement musulman. Nous avons entendu dans les discours
d’ouverture de cette rencontre le représentant du PC
expliquer comment la résistance du Hezbollah avait réussi
à «déconfessionnaliser le conflit et à unir
les Libanais». Et nous avons entendu le représentant du
Hezbollah commencer son discours par ces mots: «Pauvres et
opprimés de tous les pays unissez-vous».

Il y a des points communs entre des partis de la résistance
musulmane et ceux de la gauche traditionnelle, il y a des idées
des analyses communes, y a-t-il déjà une langage commun?
Je ne le crois pas et il se pourrait que notre travail ici soit de
créer ce langage commun, de définir et d’affiner
des concepts qui puissent être reconnus communs: le droit
à la résistance, les droits civiques, les droits des
femmes, les droits des minorités, les projets de
société. Il me semble important de travailler ici et
ensemble à l’élaboration de ce langage commun de la
résistance commune pour pouvoir l’opposer à celui
diviseur conquérant et ravageur du choc des
civilisations.»