De 1990 à 2005, la moitié inférieure des revenus en recul !

De 1990 à 2005, la moitié inférieure des revenus en recul !

Visiblement, le recueil des
données fiscales cerne de manière plus véridique
la réalité sociale et économique des
salarié(e)s que les enquêtes fédérales par
entretien avec un échantillon de population. Sûrement pas
par hasard. Car ce sont les chiffres fédéraux qui
configurent le débat politique.

Le Service cantonal de recherche et d’information statistique
(SCRIS) du canton vient de publier les résultats de son analyse
des données fiscales concernant les personnes physiques en 2005,
Les revenus des Vaudois en 2005. Analyse des données fiscales,
personnes physiques, 2009.
    Bien qu’elle ne repose pas sur un
échantillonnage, mais sur des données exhaustives, la
publication du SCRIS n’est toutefois pas complète. Il lui
manque deux volets intéressants : les étrangers
imposés à la source et d’après la
dépense ne sont pas pris en compte.
    Malgré ces limites, le document du SCRIS
fournit des valeurs significatives. Ainsi de 1990 à 2005,
l’ensemble des revenus des Vaudois a progressé de
46 %. Mais si l’on tient compte de
l’évolution démographique et de l’inflation,
la croissance n’est plus que de 3 %. Et encore :
ces 3 % sont très inégalement répartis
comme on va le voir.

Les moins riches ont un revenu en recul !

En effet, si cette croissance du revenu a été de
5 % pour la moitié supérieure des contribuables,
la moitié inférieure a, elle, connu un recul de son
revenu de 6 % ! Si l’on affine un peu les
données, on s’aperçoit que c’est dans les
deux derniers déciles, regroupant les contribuables les
20 % les plus riches, que la croissance a été la
plus forte (7,2 %).
    A cette répartition inégalitaire des
revenus correspond aussi une concentration accrue. Le 20 % des
contribuables les plus aisés — ceux-là mêmes
dont les revenus ont crû plus que la moyenne — totalise
près de la moitié des revenus (49 % en 2005,
contre 47 % en 1990). Les 10 % les plus riches
concentrent pour leur part près d’un tiers des revenus
(33,1 % en 2005, contre 31,7 % en 1990). A l’autre
bout de l’échelle, les 10 % les moins riches ne
réunissent que le 1,2 % des revenus (contre 1,6 %
en 1990). Et la moitié des contribuables les moins aisés
se partage à peine plus de 20 % des revenus totaux.
    En chiffres absolus, cela se traduit ainsi :
99’000 contribuables (soit le 29 %) ont un revenu annuel
brut inférieur à 40 000 francs et ne captent que le
7 % du total des revenus. Les contribuables dont le revenu
dépasse 200 000 francs par an sont 19 000 (6 %) et se
partagent le quart du revenu total. Quant aux millionnaires en revenu
(déclaré), ils ne sont que 462. Mais le fait de ne
représenter que 0,1 % des contribuables ne les
empêche pas de s’approprier le 3,6 % de la masse des
revenus, soit à peu près l’équivalent des
21 % les plus pauvres. En arithmétique capitaliste,
0,1 % = 21 % !

Les traces de la discrimination des femmes

La lecture de la brochure du SCRIS permet aussi de suivre les multiples
traces laissées par la discrimination des femmes en
matière de revenu. Ainsi si l’on constate un fort taux
d’activité des femmes mariées (dans 54 % des
couples, la femme déclare des revenus), l’évolution
des revenus de l’homme ou de la femme n’est pas la
même : « les revenus d’activité
de l’époux croissent jusqu’à 50 ans, puis se
stabilisent autour de 80’000 francs pour redescendre dès
la fin de la cinquantaine, à l’approche de la retraite.
Les revenus d’activité de l’épouse augmentent
légèrement entre vingt-cinq et trente ans puis stagnent
et fluctuent autour des 35’000 francs […] Le taux
d’activité plus faible pour l’épouse, la
présence d’enfants, des revenus salariaux plus bas pour
l’épouse expliquent notamment l’écart entre
le revenu de l’époux et celui de
l’épouse ». (p. 24)
    Pour les femmes seules, l’évolution se
rapproche un peu plus de celles des hommes, mais les différences
restent visibles. D’abord, leur revenu d’activité
médian est inférieur de 13 % à celui des
hommes (49 200 francs contre 52 700 francs). Son évolution est
distincte aussi : alors que le revenu d’activité
des femmes seules plafonne dès quarante ans, celui des hommes ne
le fait que cinq ans plus tard. Et l’écart des revenus
d’activité s’accroît avec
l’âge : entre 25 et 40 ans, le revenu médian
des femmes varie entre 90 et 95 % de celui des hommes ;
à partir de quarante ans, il ne représente plus que
85 % de celui des hommes.

Disparités régionales

Sans surprise, l’arc lémanique est l’endroit
où se concentrent les hauts revenus. Le district de Nyon arrive
en tête (revenu moyen de 118’100 francs, contre 86 100
francs dans le reste du canton). Mais c’est dans ce district
aussi où l’écart entre les 10 % les plus
pauvres et les 10 % les plus riches est le plus
élevé : ces derniers ont un revenu dix fois plus
élevé que celui des premiers, alors qu’il
n’est que de 8 fois dans le reste du canton (6 fois dans la
Broye-Vully).
    Les bas revenus du canton se concentrent bien
sûr dans le district de Lausanne (27,5 % des 65’900
contribuables à bas revenus), suivi du district hybride,
socialement et géographiquement, formé par la Riviera et
le Pays d’Enhaut (13 %) et du Jura-Nord vaudois
(12 %). Si l’on observe la proportion des bas revenus dans
chaque district, cinq d’entre eux connaissent un taux
supérieur à 20 % : Lausanne (25 %),
Aigle (21,9 %), Riviera-Pays d’Enhaut (21,8 %),
Broye-Vully (20,9 %) et Jura-Nord vaudois (20,4 %). Le
Gros-de-Vaud et Nyon connaissent les taux les plus faibles
(15,1 % et 15,9 %).
  
Disparités régionales et accroissement des
inégalités sociales et de genre résultent aussi de
la politique fiscale du gouvernement. Les mesures prises depuis 2005 ne
feront qu’aggraver le résultat.

Daniel Süri