Pour des loyers justes, pas des profits injustes


Lancée par l’ASLOCA, l’initiative sur les loyers veut plafonner les rendements et rétablir le principe du loyer basé sur les coûts. Une réponse à une crise qui touche des millions de locataires.

Des membres de l’ASLOCA défilent pour leur initiative sur les loyers
Action et conférence de presse pour annoncer le lancement de l’initiative sur les loyers, Berne, 16 mai 2025

Dans les grandes villes de Suisse, se loger est devenu un luxe. Alors que 60% de la population loue son logement, les loyers explosent: 25% d’augmentation en vingt ans, sans rapport avec l’évolution des salaires dans le même laps de temps. 

Aujourd’hui, des milliers de ménages économisent déjà sur d’autres besoins essentiels comme l’alimentation, la santé et les loisirs pour pouvoir payer leur loyer. Comme le soulignait Caritas en juin 2024, le logement est devenu le poste le plus important du budget des ménages dont les revenus sont faibles. 

Pourtant, le droit actuel (art. 269 du code des obligations) prévoit déjà que les loyers doivent être basés sur les coûts effectifs qu’ils engendrent pour la partie bailleresse, moyennant un rendement raisonnable pour celle-ci. Comment expliquer que cet article ne semble avoir aucun effet en regard des prix actuels des logements? Toute la charge de contrôle repose aujourd’hui sur les locataires. Sur les 240000 nouveaux baux qui sont signés chaque année, moins de 0,5% font l’objet d’une contestation du loyer initial, tous les autres entrent ensuite en force et ne peuvent plus faire l’objet d’une réévaluation. Entre méconnaissance du droit, peur des représailles et procédures complexes, les locataires laissent généralement passer les trente jours durant lesquels iels pourraient contester leur loyer.

Les locataires impuissant·exs face
à des loyers abusifs

Les rénovations énergétiques et les démolitions-reconstructions sont trop souvent utilisées comme prétexte pour augmenter les loyers, repoussant ainsi les locataires les plus modestes dans des périphéries de plus en plus lointaines et moins bien loties en service public. Ces travaux entraînent souvent des hausses massives de loyer, transformant des immeubles populaires peu ou pas entretenus en résidences labellisées Minergie hors de prix. Le logement, besoin humain fondamental, est donc devenu un «objet de rendement» comme un autre entre les mains d’acteurs financiers dont le but affiché est de maximiser les profits. 

En l’espace d’une vingtaine d’année, les propriétaires individuel·les, alors majoritaires encore dans les années 2000, cèdent rapidement la place à des investisseurs institutionnels et à leurs actionnaires (banques, assurances, sociétés anonymes, caisses de pension, etc.). En 2023, les sociétés immobilières détenaient 44,2% des logements locatifs contre 31,3% en 2000… et ce chiffre ne fait qu’augmenter.

Une initiative de justice sociale: pour un contrôle régulier et automatique des loyers

En réponse à cette crise, les partis bourgeois n’ont qu’un seul mot à la bouche. Il faut construire, le plus vite possible, dans le plus d’endroits possible et faire tomber les barrières législatives qui pourraient s’y opposer. Le logement ne peut et ne doit pourtant pas être considéré selon une logique d’offre et de demande. Les locataires ne sont pas libres dans un marché de parfaite concurrence. Même le droit, si libéral en Suisse, reconnaît que les locataires sont la partie faible dans un contrat de bail. 

De la même manière qu’il faut lutter contre la spéculation alimentaire et la privatisation de nos besoins fondamentaux, il faut inverser la tendance et faire entrer dans les têtes et les bouches des journalistes et responsables politiques qu’un loyer admissible ne peut être que celui qui est basé sur les coûts et qu’un manque de logement vacant ne devrait avoir aucune incidence sur les prix des loyers. 

C’est précisément ce que vise l’ASLOCA Suisse, qui lance une initiative populaire dont vous avez pouvez télécharger la feuille de signatures ici ↗︎. Le texte est simple, il vise à remettre au centre du discours politique le fait que les loyers doivent être basés sur les coûts effectifs et que seul le rendement prévu par la loi peut être admissible. Tout le reste n’est qu’abus sur le dos des locataires. Afin que cela ne reste pas qu’un vœu pieux, il faut instaurer un contrôle étatique automatique et régulier des loyers, ce qui s’est déjà fait par le passé. 

En rétablissant le lien entre loyers et coûts réels, l’initiative mettrait fin à un cercle vicieux: plus les loyers augmentent, plus les terrains se vendent cher, excluant du marché les coopératives, les particulier·es et les communes. L’initiative permettrait de construire à nouveau pour vivre, et non pour spéculer.

Elle remettrait simplement le logement à sa juste place: non pas une marchandise, mais un droit fondamental.

Julia Huguenin-Dumittan secrétaire politique de l’ASLOCA neuchâteloise