Le crépuscule des dieux

Le crépuscule des dieux

L’histoire de la crise chez Fiat est emblématique de l’avenir que la globalisation capitaliste n’est plus en mesure de nous promettre, car c’est devenu notre présent. En deux mots: déclin économique et catastrophe sociale. Et ce n’est ni démagogique, ni catastrophiste que de le présenter en ces termes. En deux chiffres: 21% de suppressions d’emplois du groupe Fiat Auto, et 2,1% de baisse annuelle de la production industrielle italienne (au mois d’octobre). Mais à qui profite le crime? Les jeux ne sont pas encore faits: General Motors, engagée au rachat de l’ensemble du groupe auto en 2004, voudrait se désengager; les banques et les actionnaires pressent pour brader, en bons charcutiers, le patrimoine industriel; et le gouvernement du Cavaliere se distingue – une fois n’est pas coutume – par des «manoeuvres peu reluisantes», pour employer un euphémisme digne du gouverneur de la banque d’Italie. La «guerre» interbourgeoise est déclarée mais c’est le reste de la société qui devra passer à la caisse, ou à la casse. Sans oublier, bien entendu, les milliards du contribuable déjà injectés dans les tuyaux tout au long de cette saga industrielle, qui contribuent à légitimer la revendication d’une nationalisation en règle de cette entreprise «turinoise».

Mobilisation ouvrière…

La riposte ouvrière ne s’est pas fait attendre. Grève indéterminée à l’établissement voué à la fermeture de Termini Imerese (Sicile), grèves et assemblées de lutte dans les autres établissements (Mirafiori, Arese, Cassino), actions «coup de poing» sur le territoire (blocus d’autoroutes et de gares ferroviaires, boycott de consommateurs des grands magasins La Rinascente), diffusion réseau d’une solidarité de lutte (Fiat European Action Day, 2 heures de grève des cols bleus du groupe, en Angleterre, Allemagne, Autriche, Belgique, Portugal, Espagne, Pologne, le 16 octobre dernier). Et l’hypothèse d’une nouvelle grève générale, impliquant cette fois toutes les catégories professionnelles et les fédérations syndicales, fait son chemin, ouvrant les perspectives d’une «nouvelle phase d’unité sydicale».

… et désobéissants no global

Mais ce qui est encore plus décisif, en regard de la recomposition de classe à l’oeuvre en Italie, est le role qu’assument les «désobéissants» no-global dans les mobilisations et les initiatives de lutte ouvrière. Ils nourissent autants les piquets, qu’ils participent aux manifs ou aux actions de boycott. Réciproquement, on a pu relever la presence d’un tronçon ouvrier Fiat/Marconi en tête de la manifestation de Gênes du 14 décembre «pour la vérité et la justice» (contre la répression exercée en juillet 2001 et l’assasinat de Carlo Giuliani): «La défense des droits coincide avec la défense des places de travail. Nous ne sommes pas ici par hasard!» déclaraient les manifestants ouvriers. Vittorio Agnoletto, leader du GSF (Genoa Social Forum), leur fait écho: «Les luttes de la Fiat ont trouvé spontanément leur place parmi nous, sur le terrain de l’universalité des droits….»


Federico M. ROMO