Libéraux contre volonté populaire

Libéraux contre volonté populaire

Michel Halpérin, chef des libéraux au parlement genevois, avocat d’affaires et défenseur des «faiblesses humaines» que seraient selon lui l’évasion et la fraude fiscales, était il y a dix jours «l’invité» de la Tribune de Genève. Objet de son épître: la nécessité pour le peuple de «réviser son vote» du 2 juin dernier, où une majorité – «mal informée» – au eu la faiblesse de voter en faveur de notre initiative fiscale «Pour une contribution de solidarité temporaire des grandes fortunes et des gros bénéfices.» et de permettre ainsi l’«adoption surprise» de celle-ci.


Au-delà de l’habituelle salade russe libérale sur le thème: baisser les impôts des riches augmente les recettes de la collectivité, quels sont ses arguments? D’abord, que les initiants «indiquaient que leur projet ne concernerait que 250 entreprises» au bénéfice supérieur à un million et qu’«en réalité c’est plus de 500 qui seront touchées».

Une ignorance surprenante?

Qu’en est-il vraiment? Dans son rapport de minorité au Grand Conseil déposé il y a plus d’un an, notre camarade Bernard Clerc indiquait, se basant sur les derniers chiffres connus alors, soit ceux de 1998, que le nombre d’entreprises en question était de… 499! Il insistait même sur le fait qu’en 7 ans, ce nombre avait plus que doublé! Depuis lors, on dispose des chiffres de 1999 et on apprend que c’est 702 entreprise que comptait alors le sommet de ce hit parade des bénéfices, soit 40% de plus en une année. Michel Halpérin ignore-t-il ce chiffre, qu’on trouve dans l’annuaire statistique 2002 envoyé (gratuitement!) à tous les député-e-s, où se livre-t-il à une désinformation intentionnelle?


Quant au deuxième volet de l’initiative, il se plaint simplement d’un accroissement «brutal» de l’imposition sur la fortune, qui verrait une personne bénéficiant d’une fortune imposable de 1.5 millions …ne pas payer un centime d’impôt supplémentaire!


Brutalité qui, pour une fortune imposable de 2 millions verrait le millionnaire en question, contribuer de l’ordre de 200 Fr par mois de plus au remboursement de la dette de la collectivité, soit moins que l’augmentation des primes d’assurance maladie par exemple, subies ces temps nombre de familles genevoises qui ne sont pas adossées à un ou deux millions, et qui n’ont que leur salaires, ou leurs allocations chômage, ou leur pensions, pour vivre…

Sérénité pour les super-riches


Le fond de cette question, c’est bien sûr qu’Halpérin ne s’intéresse guère aux «petits», même pas aux «petits» millionnaires qui foisonnent à Genève (et qui forment la grande majorité des 7300 millionnaires avoués et recensés en 2000). Ceux qu’il invoque et qu’il défend c’est «quelques centaines de contribuables seulement», soit les super-riches, pour qui quelques dixièmes de pourcent prélevés sur la fortune représentent des millions… Pour lui, «on ne saurait surestimer l’importance qu’il y a à maintenir ces contribuables exceptionnels dans un climat de confiance et de sérénité.» Ambition bien digne d’un serviteur fidèle…

Une campagne dure

Mais, au-delà de son contenu, la salve de Michel Halpérin annonce une campagne de votation sur la loi concrétisant l’initiative, dans laquelle le parti libéral jettera des forces – ou plutôt des moyens financiers considérables – non seulement pour éviter un impôt nouveau, d’une modestie certaine et dont les recettes prévisibles sont une fraction du total des cadeaux fiscaux aux nantis que les libéraux ont introduit dans le pipe-line législatif, mais avant tout pour éviter un signal politique indiquant que la majorité des Genevois-e-s ne sont plus prêts à se laisser duper par la démagogie antifiscale du parti des banquiers et des propriétaires!


A nous d’être capables d’opposer à ces gens là une campagne de terrain, capillaire, imaginative et à la hauteur de l’enjeu de cette votation, qui devrait avoir lieu en mai prochain.


Pierre VANEK