A Genève contre la guerre, une génération dans la rue
A Genève contre la guerre, une génération dans la rue
Ce 31 janvier, les rues de Genève ont été le théâtre dun événement sans précédent. Quatre mille collégien-ne-s, dont la moyenne dâge natteignait pas 18 ans, se sont auto-convoqués, pendant les heures de cours, quittant leurs écoles de manière spontanée, pour manifester par des actes leur refus de la guerre impériale imminente contre lIrak. Nombre dentre eux voulaient aussi exprimer leur rejet du système qui y conduit. Ils étaient dix fois plus nombreux que ce que des militant-e-s «avertis» avaient imaginé. Pas une mobilisation de militant-e-s, mais plutôt la mise en mouvement dune génération, sans que lon puisse dire où elle sarrêtera. «Après Mai 68, Février 03», lisait-on sur une pancarte! Prémonitoire?
Le début de la matinée a été consacré à vider les établissements scolaires, à faire descendre les élèves dans la rue. Slogans, banderoles et bonne humeur ont accompagné le long cortège, qui a passé devant lOMC, puis lONU, avant dêtre brièvement arrêté par un cordon de police, à lapproche de lambassade US. A la question de savoir sils voulaient continuer ou se dissoudre, les manifestant-e-s ont répondu en se levant pour «forcer» sans violence le barrage, les mains levées. La force morale et matérielle ainsi manifestée est une expérience quaucun des participant-e-s noubliera. Devant lambassade, ni cours, ni «discours», mais de nombreuses prises de parole pour expliquer le sens de leur action et appeler à la poursuite du mouvement sous des formes diverses
Pendant ce temps, lenvoi dénormes moyens militaires vers le Golfe se poursuit. La question nest plus de savoir si la guerre aura lieu, mais quand. Constat partagé par une grande part de lopinion publique, pourtant majoritairement réfractaire. Bush affirme que les USA partiront seuls, si leurs alliés ne les suivent pas. Le noyau dur de lUnion Européenne renâcle à participer à une guerre lancée par les USA, même si elle ne renonce pas à ses visées sur le butin pétrolier. En même temps, la France nhésite pas à envoyer des troupes en Afrique. De toute façon, une seconde résolution alibi du Conseil de sécurité, contraire à la charte même de lONU, nest même pas vraiment indispensable aux va-ten-guerre.
Quand à la Suisse officielle, elle saccroche à cette «résolution» et, lorsque notre ministre des affaires étrangères, rencontre Colin Powell à la grand-messe de Davos, elle lui propose une réunion diplomatique de la «dernière chance», évidemment mort-née, tant les préparatifs guerriers sont avancés et la volonté du Conseil fédéral de servir la paix faible.
Pauvre Suisse officielle, qui ne peut tolérer la critique quand elle reçoit le gotha des multinationales. Au nom de la mise en scène de la menace «terroriste» et du «danger» altermondialiste qui y est assimilé, elle protège ses invités, responsables des conséquences criminelles de la mondialisation capitaliste, aux frais des contribuables. Elle interdit aux manifestant-e-s de sexprimer et les fait taire en usant de lacrymogènes et de balles en caoutchouc tout en annonçant des dizaines de millions de dépenses pour «protéger» le G8 dEvian en juin.
Pauvre Suisse officielle, qui feint de ne pas comprendre que des dispositifs policiers disproportionnés sont déjà une provocation, que la répression nourrit la violence, que les droits démocratiques ne se négocient pas au gré des événements.
Pauvre Suisse, qui na pas de force de gauche au niveau national. Le Parti socialiste, par la bouche de sa secrétaire générale, a osé assimiler les manifestant-e-s opposés au WEF aux casseurs-euses de manifestation, en prenant le parti des forces de l«ordre» et en crachant sur le travail de ceux qui ont mobilisé des milliers dopposant-e-s à la mondialisation capitaliste.
Quel démenti magnifique à cette Suisse-là, les jeunes genevois-e-s ont offert aux autorités, à la population et aux militant-e-s fatigué-e-s. Pas dautorisation demandée à la police et aucun incident au final! Un miracle? Une exception? Peut-être, mais surtout une puissante source dinspiration pour les semaines et les mois à venir.
Marie-Eve TEJEDOR