Prix Nobel pour le désarmement nucléaire

Dans un contexte international tendu où plane le spectre d’un conflit nucléaire, le Comité Nobel a attribué le Prix Nobel de la Paix 2017 à la campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN). Cette campagne a abouti à l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires le 7 juillet dernier.


Carte de la répartition mondiale d’armes nucléaires, Nagasaki, 2012 – Tim Wright – ICAN

Le traité n’offre évidemment pas une solution miracle à la crise nord-coréenne ni ne permet d’abolir les armes nucléaires du jour au lendemain. Mais il redéfinit les armes nucléaires comme une menace pour l’humanité, plutôt qu’en des termes dictés par des doctrines militaires et des politiques de pouvoir. Il met aussi les armes nucléaires sur un pied d’égalité avec les autres armes de destruction massive, reconnues illégales et inacceptables – les armes biologiques et chimiques.

L’élimination des risques

On pouvait s’y attendre, les Etats nucléaires et leurs alliés n’ont pas participé aux négociations, ni ne comptent souscrire au traité. L’approche humanitaire adoptée par ICAN a néanmoins démontré que les armes nucléaires ne sont pas uniquement le problème de ceux et celles qui les possèdent. Au vu des conséquences humanitaires innommables que toute utilisation – fût-elle délibérée, accidentelle ou par négligence – aurait pour l’humanité, il est du devoir et de la responsabilité de chaque Etat de s’assurer qu’une détonation n’ait jamais lieu. Or, le seul moyen de le garantir est l’élimination complète des armes nucléaires.

Le traité obtient une majorité à l’ONU

La plupart des nations l’ont bien compris. S’inspirant des processus de désarmement précédents, notamment ceux relatifs aux mines anti-personnelles et armes à sous-munitions, elles ont décidé de ne plus être les otages des Etats nucléaires, et de ne pas attendre que ceux-ci agissent enfin. Les petits et grands pays d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie, du Pacifique et d’ailleurs ont donc mené à bien le processus d’élaboration et de négociations du traité, recueillant le soutien de 122 des 193 Etats membres des Nations unies lors de son adoption. Le traité entrera en vigueur lorsque 50 Etats l’auront signé et ratifié. Depuis le 20 septembre, 53 nations l’ont déjà signé et trois l’ont même ratifié. Malheureusement, la Suisse n’en fait pas partie.

La Suisse manque de courage

La Suisse a pourtant joué un rôle majeur dans l’élaboration de cette approche humanitaire et a participé activement aux réunions internationales qui ont conclu au besoin d’un nouveau traité. Mais lorsqu’il est devenu clair que les puissances nucléaires boycotteraient les négociations, la Suisse a craint de les fâcher. Si elle a voté en faveur du traité, la Suisse manque aujourd’hui de courage. Elle aurait préféré que le processus suive un modèle de consensus – celui même qui a bloqué tout progrès depuis des décennies.

Berne avance désormais des arguments techniques et souligne que le traité risque de «renforcer la polarisation» internationale en matière nucléaire «plutôt que de la réduire» (Le Courrier, 19 octobre 2017). Pourtant, comme l’ont montré d’autres processus de désarmement, la prohibition et la stigmatisation d’armes ont toujours précédé leur abolition. Et les traités d’interdiction d’armes entraînent des changements concrets dans les politiques et les comportements, y compris pour les États qui n’y sont pas parties.

Vers un monde sans armes nucléaires

En attribuant son prix à ICAN, le Comité Nobel met en lumière l’importance du nouveau traité comme étape essentielle vers un monde sans armes nucléaires et encourage les Etats à y souscrire. Il salue aussi le rôle qu’a joué la société civile et l’incite à continuer d’informer le public sur l’importance du nouveau traité et à convaincre les gouvernements de le signer et de le ratifier, par le biais d’initiatives populaires et démocratiques au niveau municipal, national et international.

Le désarmement nucléaire n’est pas une utopie. C’est une nécessité humanitaire urgente. Il est dès lors primordial que la Suisse, forte de sa vision de paix et de sécurité internationales, se positionne du bon côté de l’Histoire.

Céline Nahory

Membre du conseil de fondation de ICAN


7 milliards d’investissement suisse dans les armes nucléaires

Depuis janvier 2013, cinq institutions financières suisses ont mis à disposition l’équivalent de 6776 millions de francs suisses à des entreprises impliquées dans la production d’armes nucléaires, selon le rapport Don’t Bank on the Bomb, publié par l’organisation néerlandaise PAX. La banque la plus engagée est UBS avec plus de 5 milliards d’investissements. Suivent Credit Suisse, Swiss Re, la Banque cantonale de Zurich et l’assureur Chubb.

dontbankonthebomb.com