Une politique déplorable sur l'assurance-maladie
Alors que les primes d’assurance-maladie n’en finissent plus d’augmenter, le canton diminue les montants prévus pour réduire ces primes. Le nombre des bénéficiaires de ces subsides, modestes mais nécessaires, baisse régulièrement.
Les cantons reçoivent des subventions fédérales pour alléger un peu la charge que font peser les primes d’assurance-maladie sur les petits revenus. Les cantons disposent d’une grande autonomie quant aux montants des aides et à la façon dont elles sont distribuées. Le dispositif du canton de Fribourg n’est pas à la hauteur du problème. Il est basé sur des dispositions de la loi cantonale sur l’assurance-maladie, mais il est régulièrement révisé par voie d’ordonnance, c’est-à-dire de la seule compétence du gouvernement. Au fil des révisions, le dispositif s’est détérioré.
Des limites de revenus trop restrictives
Pour bénéficier de ces aides, il faut avoir un revenu très modeste. En 2011, le revenu annuel déterminant était fixé à 38 500 francs pour une personne seule et à 55 400 pour un couple marié. A ces montants s’ajoute un supplément par enfant à charge. Mais ces revenus déterminants restent extrêmement bas. Car au revenu net selon la taxation fiscale, la loi ajoute encore le montant forfaitaire déductible des impôts au titre des primes-maladie (4310 francs annuel en 2011). Ce qui représente un revenu annuel inférieur à 34 190 francs, soit au maximum 2 850 francs par mois pour une personne seule! En novembre 2014, le Conseil d’Etat décide de réduire encore ce «revenu annuel déterminant»: il passe à 36 000 pour les personnes seules et à 53 900 pour les couples. Cette politique a pour effet de réduire le nombre de personnes pouvant bénéficier de ces aides. Elles étaient 87 000 en 2010 et ne sont plus que 75 000 en 2016. Bien sûr l’augmentation des salaires nominaux joue également un rôle dans cette évolution, mais l’essentiel est dû à la fixation d’un revenu annuel déterminant beaucoup trop bas, excluant de nombreuses personnes qui auraient besoin de ce subventionnement.
Sur une période plus longue, on assiste même à une chute importante de la part de la population au bénéfice de la réduction de prime: en 2000, 39,5 % de la population en profitait, 31,2 % en 2010 et seulement 24,4 % en 2016, malgré une légère augmentation en chiffres absolus.
Des révisions radines
Non content de rendre plus restrictif encore l’accès aux aides, le Conseil d’Etat s’est également attelé à la réduction des montants octroyés. Le subside correspond à un pourcentage de la prime moyenne régionale pour l’assurance de base. Le système fonctionnait avec quatre taux de réduction se rapportant à autant de catégories de revenus. La dégringolade des taux est ici impressionnante: en 2000, les quatre taux de réduction de prime en vigueur s’élevaient à 30 %, 50 %, 75 % et 85 % pour les plus petits revenus. En 2016, ces taux sont tombés à 14 %, 31 %, 56 % et 68 %. Le gouvernement n’agit pas seulement sur les taux, il réduit également la prime de référence sur laquelle ces taux sont appliqués. En 2010, on prenait comme référence la prime moyenne cantonale. En 2014, la prime de référence est fixée à 95 % de la prime moyenne et en 2016 à 93 %.
En octobre 2016, «Le Conseil d’Etat décide d’optimiser le système de réduction des primes. Le but est de réduire les effets de seuil», écrit-il dans un communiqué. C’est vrai qu’une petite augmentation de revenu pouvait faire passer un·e assuré·e à l’échelon suivant et perdre ainsi une grosse partie de la réduction. Mais le gouvernement n’a pas oublié de raboter les subsides au passage! Pour les plus petits revenus, la réduction de prime passe de 68 % à 65 %. Pour les revenus de moins de 15 % inférieur à la limite (36 000 francs pour une personne seule), la réduction varie désormais entre 1 et 15 % alors qu’elle était encore de 16 % en 2016. Il y a heureusement aussi quelques améliorations pour les couples et dans la prise en compte des enfants mais, globalement et par touches successives, le gouvernement arrive à réduire des aides déjà insuffisantes.
Une évolution choquante
Sans être totalement linéaire, l’évolution des montants consacrés à la réduction des primes maladie est à la baisse. Le montant global octroyé par le canton aux assuré·es est passé de 159,8 millions en 2012 à 149,3 millions en 2016. Cela dans une période où les primes maladie ont augmenté chaque année de 3 % en moyenne. C’est évidemment une mauvaise politique. Mais le plus incroyable, c’est que dans la même période, les subventions fédérales versées au canton de Fribourg pour la réduction de ces primes ont passé de 75,3 millions en 2012 à 90,5 millions en 2016. Autrement dit, plus le canton reçoit de subventions fédérales, moins il en verse aux revenus modestes! Ce que le Conseil d’Etat confirme avec d’autres mots: «La part fédérale pour la réduction de prime maladie dépasse la cible budgétaire».
Incontestablement, il y a largement de quoi améliorer les choses. Le minimum serait de relever rapidement les limites de revenus à 42 000 francs pour une personne seule, 63 000 pour un couple et de porter à 16 000 francs le supplément par enfant.
Pierre-André Charrière