No Billag
No Billag : Privatiser pour mieux régner
En Suisse, l’initiative No Billag est un levier visant à faire sauter le service public au profit des multinationales du divertisement.
Pour les principaux entrepreneurs de la Silicon Valley, parfois plus riches que des pays entiers, l’Etat nation est obsolète. La vision du monde partagée par les dirigeants des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) est celle d’une course entre la technologie et la politique. Cette classe politique est jugée inutile par Patri Friedman (ex Google) ou Peter Thiel, cofondateur de Paypal et premier investisseur de Facebook. L’un comme l’autre comparent volontiers les gouvernements à des entreprises inefficaces et donnent la primauté au privé.
Des Etats qu’ils défient au quotidien en choisissant des localisations fiscales favorables leur permettant de se soustraire à une juste imposition. La valorisation boursière de Google (Alphabet) étant de 550 milliards de dollars, quel pays serait en mesure de tenir tête à ce septième continent constitué par les stars de l’industrie du numérique? Pour elle, les médias sont le dernier obstacle à abattre, après les avoir privés de leurs ressources publicitaires ou d’un financement étatique.
Le service public au cœur de la démocratie
Une fois le service public à terre, les algorithmes de Facebook choisiront les infos visibles par les citoyens suisses. Des infos forcément fragmentées et incomplètes puisque échangées entre des groupes d’«amis» isolés. Des infos qui ne permettront pas à une large audience de se fédérer (ou non) autour de causes nationales, comme la dernière manifestation des maçons.
Qui d’autre qu’un média national fort est en mesure de relater à tous les citoyens du pays les enjeux de nos luttes? Qui s’intéresserait à ce qui se passe dans nos ateliers et nos bureaux, dès lors que seuls des groupes étrangers, aux présidences peu favorables aux mouvements sociaux, relateraient ce qui se passe en Suisse. Ils préféreront vanter un marché de la robotique qui pèse des dizaines de milliards. Des machines qui ont, entre autres avantages, de ne pas se syndiquer après avoir lu le code du travail.
No Billag supprime le service public
Pour les firmes du big data, la belle démocratie suisse est le verrou à faire sauter. L’initiative No Billag est le levier fourni par l’UDC. Si elle est acceptée le 4 mars 2018, la Confédération aura l’interdiction d’organiser le financement d’un service public audiovisuel (RTS, SRF, RSI), par la redevance comme par les impôts. Il s’en suivrait une privatisation totale des programmes, avec de surcroît la disparition de 34 radios et télévisions privées (Canal9, Radio Fribourg, Léman Bleu).
Les multinationales du divertissement auraient alors un boulevard pour imposer leurs offres à des prix qu’ils jugeront payables par les Suisses, sans rapports avec une redevance annoncée à 365 francs. Si la démocratie européenne la plus poussée choisit démocratiquement de se passer de services publics afin d’informer les citoyens, la vision libertarienne des GAFA jouira d’une validation internationale sans précédent. Il faudra s’en souvenir en mars 2018.
Collectif SSM