Nocturnes sans consommateurs: et la protection des vendeuses?
Nocturnes sans consommateurs: et la protection des vendeuses?
solidaritéS sest opposé à la nouvelle loi genevoise sur les ouvertures des
magasins (LHFM) et a soutenu le référendum. Le vote populaire ayant avalisé la modification de la loi, cest depuis décembre dernier que les employé-e-s de la vente assument notamment une nocturne hebdomadaire jusquà 21 heures. Nous revenons avec Giovanni Albano, secrétaire syndical au Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs (SIT), sur la situation actuelle dans le secteur.
Quel premier constat?
Lexigence de libéralisation des horaires douverture des magasins affichées par les organisations patronales de la vente ne repose pas sur une demande des consommatrices-eurs, mais relève uniquement de la guerre entre petits et grands commerce. Nous le savions car lancienne nocturne du jeudi jusquà vingt-heure était désertée par la clientèle. Les patrons du secteur nous expliquaient que les consommateurs ny trouvaient pas leur compte, il fallait une nocturne prolongée. Depuis, la démonstration est faite, les magasins sont toujours aussi vide le jeudi soir. Les managers de Migros ont vite fait leur compte. Ils ont renoncé à la nocturne du jeudi pour les petits magasins et nont gardés ouverts jusquà 21 heures, que dix points de vente. Le mouvement amorcé par le géant orange a été suivi par Coop et on constate aujourdhui quen majorité seuls les grands du secteur pratiquent la nocturne du jeudi. Dans les centres commerciaux multi-enseignes cela devient même cocasse. Les petits commerces préfèrent payer des amendes à la direction du centre commercial plutôt que de rester ouverts en nocturne et de perdre de largent. Dans dautres méga-centres cest une bagarre juridique entre patrons qui semble sengager. Il est dailleurs piquant de constater que le député radical Pierre Kunz, thuriféraire du libéralisme et directeur du centre commercial de Balexert, menace les patrons récalcitrants de sanctions sils nouvrent pas leur échoppes
La contrepartie de cette libéralisation était lextension dune Convention collective de travail (CCT) cadre. Nous étions opposés à ce troc notamment parce quune CCT est fragile et par rapport à une loi. Ne penses-tu pas que la guerre entre boutiquiers va aboutir à la dénonciation de la CCT à la prochaine échéance?
Pour une CCT cest un risque, aucune convention collective de travail nest maintenue sans un minimum de rapport de force. Nous constatons aujourdhui une recrudescence dadhésions et commençons à pouvoir organiser collectivement les employé-es dans des secteurs vierges. Je dirais que la CCT cadre nous a permis de démontrer aux salarié-es du secteur que les syndicats pouvaient obtenir des améliorations. En outre nous bénéficions, pour des raisons de régulation de la concurrence, de lappui demployeurs qui ont fait leur compte. Nous sommes prudent mais relativement confiant.
La nouvelle CCT cadre est-elle appliquée?
Dabord, nous navons pas encore mesuré son impact réel. Mais déjà, nous pouvons constater que la libéralisation totale qui sétait instituée sur le territoire des aéroports et des gares est terminée. Même si la LHFM cantonale nest pas applicable sur ces zones commerciales régies par le seul droit fédéral, la Convention cadre sapplique
Dautre part des grands groupes commerciaux qui avaient quitté le giron de la Convention du commerce non alimentaire (CCTDNA), semblent réévaluer leur démission. En effet, les entreprises non signataires supportent mal les interventions que nous autorise la CCT cadre.
Nous avons pu lire dans la presse, notamment syndicale, que la signature de la nouvelle CCTDNA était un recul. Pourquoi le SIT a-t-il signé cet accord?
Le SIT a paraphé le document car nous analysons différemment le résultat. Une des pierres dachoppement porte sur le paiement des heures supplémentaires pour les temps partiels. Lors du précédent renouvellement nous avions affiché notre satisfaction de voir les heures, au delà de la quatrième heure supplémentaire, indemnisées à +25% en temps ou en salaire. Cependant si lobjectif était de dissuader les employeurs davoir recours aux heures supplémentaires, en renchérissant leur coût, force est de constater que cela na pas été un obstacle. Les vendeuses par contre nous ont dit que cétait lenfer car leur temps partiel était modifié à la demande et que les employeurs ne payaient que rarement les heures mais les compensaient en temps. De plus les limites que nous avions fixées pour éviter une annualisation complète rendaient les contrôles difficiles. Les employé-e-s nont jamais adhéré à ce système complexe et en définitive invérifiable. Ainsi, à la demande notamment des travailleuses, nous avons obtenu que les temps partiels aient droit contractuellement à des jours fixes de congé. Les employeurs ny était évidemment pas favorable. Mais nous avons obtenu gain de cause.
Nos collègues du syndicat Actions-Unia nont jamais admis cette modification. Nous avons proposé quune consultation des travailleurs-euses soit organisée. Actions a traîné les pieds. Bref, cest plutôt un problème de perte de leadership dans le secteur qui motive la grogne de nos collègues.
Dailleurs lélément essentiel de cette nouvelle CCTDNA est quil nexiste plus de salaire au-dessous de 3500 Fr. De plus, les salaires ont été revalorisés au delà du coût de la vie et nous avons maintenu la grille de salaires et sa progressivité en fonction de lancienneté. Il va sans dire que les employeurs voulaient abattre cette grille pour ne maintenir que les salaires minima à lembauche.
Entretien réalisé par Olivier SALAMIN