Contre la violence des privilégiés, le pouvoir des masses
Contre la violence des privilégiés, le pouvoir des masses
Il y a une année, lors des mobilisations contre lintervention impérialiste en Irak, les peuples de lEtat espagnol étaient parmi les plus déterminés dEurope à exprimer, dans la rue, leur opposition aux fantasmes et aux projets guerriers de George W. Bush et de sa cour, qui reflétaient le cours de plus en plus agressif de limpérialisme US. De Madrid à Barcelone, de Grenade à San Sebastian, des centaines de milliers de citoyennes et de citoyens exprimaient alors, solidaires dun vaste mouvement planétaire contre la guerre, lexigence dun monde différent. Dun monde construit sur dautres bases que les profits dune minorité et la violence dune oligarchie internationale, dont lépicentre se trouve à Washington, et qui peut compter sur lalignement docile de nombreux relais, confortablement installés dans diverses capitales, comme Londres, Madrid, Rome ou Berne.
Le 11 mars dernier, la population espagnole a payé un lourd tribut à la surdité du gouvernement Aznar, qui na pas voulu écouter le grondement des protestations de rue et feint de ne pas entendre lassourdissant silence imposé aux peuples opprimés et dominés du monde, soumis à une exploitation et à une oppression séculaires: dun côté, les couches privilégiées dun centre autiste; de lautre, une vaste périphérie écrasée et rejetée dans la misère. Avant même la tragédie du 11 mars, cette inéluctable tension sexprimait avec une particulière évidence en Espagne même, dont certaines régions du sud (El Ejido) sapparentent à une vaste zone de non-droit et dexploitation des travailleuses et des travailleurs, souvent stigmatisés comme «illégaux», digne des plus sinistres zones franches latino-américaines ou sud-asiatiques.
Aujourdhui, malgré dabjectes tentatives de manipulations médiatiques et de désinformation visant à attribuer à lETA, contre toute vraisemblance, la responsabilité des attentats qui ont endeuillé lEspagne, le Parti populaire vient de perdre le pouvoir, et cest, au regard des souffrances infligées aux familles des victimes des attentats comme à celles de la population civile irakienne, finalement bien peu cher payé
Alors, si lon est en droit de se réjouir du sursaut de sagesse dont ont fait preuve, en contredisant tous les sondages précédant les attentats du 11 mars, les électrices et les électeurs espagnols en rejetant le Parti populaire dans lopposition, il demeure essentiel de se garder de tout espoir excessif que pourrait susciter la victoire dun PSOE, certes opposé à lengagement de troupes espagnoles dans la guerre en Irak, mais habitué aux promesses non tenues et fidèle, comme lensemble de la social-démocratie internationale, à une stratégie de gestion résignée du capitalisme. Comme on a pu le vérifier à de nombreuses reprises, seules la mobilisation autonome du mouvement social et la construction dune force politique anti-capitaliste et féministe portent lespoir dun authentique changement.
Les peuples dEspagne sont aujourdhui victimes dune double folie. Celle dun gouvernement fraîchement congédié, suppôt dune guerre dagression, terrifié à lidée de froisser le squatter de la Maison Blanche, et celle de réseaux fanatiques, élevés dans latmosphère étouffante des pétro-monarchies, aveuglés par le mépris des peuples y compris des leurs , qui pratiquent un terrorisme de classes dominantes sans scrupules. A leurs yeux, la vie humaine de milliers de civils pris au hasard ne vaut rien dautre que le potentiel deffroi que leur mort, violente et injustifiée, peut susciter.
Face à ces intégrismes barbares, quils soient le fait de puissants Etats occidentaux qui dominent le monde ou des magnats dAl-Qaïda qui dissimulent la défense de leurs privilèges derrière une caricature dIslam réactionnaire, les peuples doivent réaffirmer avec intransigeance leur refus dêtre les pions dun jeu macabre et leur aspiration au pouvoir. Cest dans cette perspective que, le 20 mars prochain, de par le monde, nous retournerons dans la rue, contre la guerre et les occupations, contre la violence des privilégiés, de quelque nature quelle soit, en particulier lorsquelle frappe des civils, et pour dessiner les contours, avec toujours plus de détermination, dun monde profondément différent, socialiste et féministe.
Erik GROBET