Leurs éoliennes... cest du vent
Leurs éoliennes… cest du vent
«Qui sème le vent récolte la tempête», dit-on et les promoteurs de gigantesques moulins hightech récoltent des bourrasques doppositions des populations censées devoir les héberger, soutenues y compris par des écologistes acquis jadis à lexploitation de cette manne dénergie renouvelable. A chaque nouveau projet dimplantation de ces méga turbines à hélice, les assemblées citoyennes se déchirent dans des débats sans fin. Les citoyens sont pris en tenaille entre les arguments «scientifiques» des ingénieurs proclamant les bienfaits de leurs machines et les objections décologistes conséquents qui en dénoncent labsurdité.
En Suisse où la production délectricité éolienne nest actuellement que de 0.01%1, le débat ne fait que commencer puisque lOffice Fédéral de lÉnergie a dénombré 3000 sites susceptibles daccueillir des éoliennes qui ne couvriraient cependant quun dérisoire 3.5% de nos besoins en électricité!2.
Ainsi, une fois de plus les populations sont piégées par le lobby de lénergie: «Si vous nacceptez pas lénergie «propre» de nos éoliennes cest que vous êtes pour léclairage à la bougie, lénergie sale du pétrole ou très sale du nucléaire». Un article hargneux dénonçait précisément les écologistes lucides opposés autant à la filière nucléaire qua léolienne, les traitant de «girouettes [ ] volant au secours de ce quil y a de plus ringard et passéiste»3. Chantage sournois, informations confisquées et tronquées, intérêts privés non avoués, corruption de fonctionnaires, promesses de ristournes mirifiques aux notables qui finissent souvent par trahir leurs administrés. On se retrouve dans la même situation que nous imposait jadis la CEDRA lorsquelle voulait stocker ses déchets radioactifs à Ollon ou le lobby nucléaire avec sa centrale nucléaire à Kaiseraugt. Bref, les «pour» venus den-haut avec leurs arguments «scientifiques» et leurs promesses dorées versus les «contre» den-bas avec leurs craintes intuitives, leur argumentation fragile, leurs pétitions, leurs manifs et leurs opposition vite taxée de refus du Progrès, de la Croissance, de lEcologie, de la Solidarité.
A titre dexemple relevons lopposition qui sest manifestée lété dernier à Visan/Vinsobres dans le Sud de la France lors dune réunion publique dinformation à propos du projet de construction de huit éoliennes par la société privée Ventura. Cette implantation devrait occuper plusieurs hectares pour une puissance de 12 à 16MW. Les éoliennes se trouveraient entre 500 et 700 mètres des premières habitations, leur construction durerait plusieurs mois et générerait des convois exceptionnels, chaque éolienne mesurerait 100 mètres de hauteur (35 étages!) et leurs fondations engloutiraient 250 m3 de béton 4. On comprend que lassociation «Vent en Colère» qui défend les conditions de vie des habitants du lieu redoute les conséquences de ces monstres omniprésents, le bruit permanent de leurs gigantesques pales tournantes, longues de 30 mètres, lhécatombe des oiseaux de passage et autres nuisances imprévisibles.
Mais les promoteurs ont réponse à tout et lorsquils sont en peine darguments pour défendre les grandes faucheuses doiseaux, ils utilisent les statistiques implacables de leurs hommes de paille, tels lidéologue social-libéral Bjørn Lomborg5: «Au Danemark, on estime quenviron 30000 oiseaux meurent chaque année dans des collisions (sic) avec les éoliennes. Aux Etats-Unis, il y en a environ 70000. Ce chiffre peut sembler considérable, mais il ne lest pas si on le compare au nombre doiseaux tués ailleurs [ ] heurtés par des véhicules [ ] aux vitres de construction [ ou par] les chats domestiques». Pas détats dâme pour les oiseaux, éoliennes ou non, quoi quil en soit, ils sont condamnés à périr!
Largument massue des promoteurs cest le remplacement «indispensable et urgent» des énergies non renouvelables (pétrole, uranium), sales (gaz à effet de serre, déchets radioactifs) et dangereuses (accidents nucléaires) par des énergies innovantes, renouvelables, propres et gratuites. Cette argumentation semble cohérente, elle est pourtant totalement biaisée:
1. «Léolien serait une énergie nouvelle»
Faux: comme toutes les autres formes dénergie produites indirectement par le soleil, léolien daujourdhui nest quune «énergie ancienne rajeunie». Les premiers moulins à vent dateraient de 1700 avant J-C. Vers 1100 les Croisés et les voyageurs de lOccident sous-développé les auraient admirés au Moyen-Orient6. A titre dexemple, la France comptait il y a deux siècles quelques 20000 moulins à vent. En effet, avant la révolution capitaliste productiviste, lEurope ne carburait quau solaire, sous toutes ses formes et ses forces, dont celle de son rayonnement direct dardant les moindres recoins des terres habitées, celle de leau de mer que le soleil évapore et élève pour la précipiter dans les turbines hydrauliques, celle de lair atmosphérique que le soleil met en mouvement ce qui donne lénergie du vents qui actionne les moulins à vent où éoliens comme on les nomme aujourdhui. Les êtres humains nont pas attendu les charbonniers, pétroliers, gaziers, et autres colporteurs de kilowatts nucléaires pour puiser sur place lénergie dont ils avaient besoin, en user et en abuser puisque «Le soleil constitue une ressource 10000 fois supérieure à la consommation mondiale dénergie»7. Si la bourgeoisie au pouvoir voulait vraiment exploiter le vent, cela ferait longtemps quelle se serait repentie de lavoir abandonné.
2. «Lénergie éolienne serait indispensable»
Indispensable pour qui? La priorité actuelle est dune part de répondre aux attentes pressantes dun milliard dêtre humains toujours privés délectricité et, seconde priorité, de réduire la consommation boulimique des populations prédatrices. Ceci ne sera possible que lorsque les citoyens boycotteront les marchands de kilowatt, de radiateurs électriques, de climatiseurs et autres palliatifs aux architectures aberrantes.
De plus, les besoins en électricité sont forts réduits par rapport aux besoins dénergie thermique. En Suisse lélectricité ne représente que le 20% de lénergie consommée. Lurgence actuelle nest donc pas de produire du courant propre mais de la chaleur propre: «Le développement du solaire thermique [ ) est une priorité absolue»8. Les éoliennes ne sont de fait «indispensables» quà laccumulation capitaliste des constructeurs de ces machines, aux entreprises qui les montent et aux revendeurs de lélectricité que ces éoliennes produisent gratuitement. Ces société privées qui se ruent sur lor éolien et dont les titres flambent en bourse échappent de plus en plus à tout contrôle public. Il sagit entre autres de Nordex AG, le plus grand fabricant allemand déoliennes, Jeumont, fabricant daérogénérateurs pour le compte du groupe nucléaire AREVA, Juvent SA qui fournit le 80% de lénergie éolienne en Suisse
3. «La production éolienne serait décentralisée»
Ce qui est décentralisé comme toutes les énergies dorigine solaire cest le vent omniprésent sur notre Terre. Sa force permettrait donc dapprovisionner localement fermes, hameaux, villages et agglomérations sans avoir à déplorer les pertes dues au transport de lélectricité, les frais de construction et dentretien des lignes à haute tension et des transformateurs. Cependant, les projets actuels centralisent ces productions décentralisées et privent de fait les populations équipées déoliennes de tout contrôle sur leur propre production.
Ceci dit, la puissance du vent est temporellement et géographiquement très variable. Son débit varie entre calme et tempête et des régions où le vent est abondant crêtes et côtes à celles où il sessouffle. Ainsi, la mise en réseau a lavantage de pouvoir approvisionner les régions où le vent souffle peu ou rarement. Mais cet avantage nest quapparent puisque les sources dénergie solaire peuvent être diversifiées. Ainsi, en ce qui concerne lélectricité solaire, la solution technique est double: diversification et décentralisation. Diversification, en jouant sur la complémentarité entre des trois principales formes dénergie solaire: photovoltaïque, hydraulique et éolienne ce qui réduit la contrainte dune mise en réseau; décentralisation, en construisant de petites installations de captage locales, à taille humaine, gérées démocratiquement par les populations. Ceci na rien dutopique comme le démontrent les rares réalisations qui ont réussi à contourner les lois du marché .9
4. «Lénergie éolienne serait économique»
Elle est certes gratuite au captage mais très chère à lachat: au même prix que lélectricité nucléaire! Cest quentre deux cette énergie passe par les dédales des «lois du marché». Cest que les capitalistes tout en prêchant laustérité nont pas perdu leur manie de se servir grassement au passage en construisant de gigantesques tours dacier, en bétonnant leurs fondations, en fabriquant des pales en matériaux composites, en tirant des lignes à haute tension et en vendant chèrement ce courant à ceux qui pourtant possèdent le vent. Pour justifier de telles ponctions, ces Messieurs gonflent les devis et les subventions correspondantes; pourtant, chacun de leurs monstres coûteux ne produit au mieux que 2 mégawatts de quoi approvisionner à peine 2000 foyers et ne fonctionneront au plus que quelques décennies.
5. «Les aérogénérateurs seraient écologiques»
Laugmentation du bruit ambiant, les risques pour la faune, le bétonnage des terres, le goudronnage de routes daccès aux chantiers na jamais été favorable à lenvironnement. De plus, ces aérogénérateurs qui sont programmés pour fonctionner au mieux pendant 25 ans plus réalistement 15 ans constitueront de nouvelles ruines technologiques dont le coût du démantèlement reste à chiffrer et à financer: question «développement durable» on fait mieux!
6. «Léolien serait la solution»
Telle que programmée par les détenteurs des moyens de production, la diversification énergétique a tout de lemplâtre sur une jambe de bois. Ce ne sont pas 1000 ni 10000 éoliennes de plus qui mettront fin aux effets désastreux de la politique énergétique dominante. La solution énergétique écosocialiste implique comme préalable le démantèlement des centrales électriques fonctionnant avec des combustibles nucléaires et fossiles non renouvelables et le conditionnement durable de leurs déchets. Cette solution soutenable et souhaitable nétant pas envisagée par les électriciens, léolienne ne constitue quune diversion servant à masquer les panaches de vapeur et de fumée des réacteurs thermiques existant et à venir. Car derrière ses gadgets «alternatifs», le choix énergétique du capital reste le nucléaire: la construction dun nouveau réacteur nest-elle pas programmée en coulisses à Flamenville?10
7. «Léolien crée des emplois»
La belle affaire ! En Allemagne «plus de 120000 personnes ont trouvé un emploi dans le secteur des énergies renouvelables [dont] 40000 dépendent du secteur éolien»11. Mais ces emplois ne servent quà procurer les salaires nécessaires à payer le prix exorbitant des biens de première nécessité! En France, par exemple, 30% des logements sont chauffés à lélectricité, ce qui est comme on le sait aberrant, et 200000 familles se trouvent en difficulté de payement de leurs facture.12 Alors faut-il soutenir la création demplois qui ne font quentretenir lemballement productiviste ou mettre fin à ce cercle vicieux qui conduit la Planète à la catastrophe? Leffet de serre et les canicules qui en découlent ont fait exploser la production de climatiseurs: faut-il pour autant saluer les emplois qui en découlent?
8. Enfin, «Léolien serait innovant»
Rien de cela: lhumanité na besoin que dinventions nécessaires à sa survie. Pour ce faire il faudra réinventer linvention. Elle découlera de laction créatrice universelle, menée démocratiquement, en totale indépendance des intérêts particuliers et ne sera destinée à lépanouissement des êtres humains et de la nature. «Linvention ne retrouvera lutopie réelle quelle avait dans le ventre que lorsque léconomie basée sur la satisfaction des besoins remplacera celle basée sur le profit».13
François ISELIN
- 24 Heures, 10.3.03; Le Courrier, 27.8.04.
- Le Temps, 15.06.0?. Faute de place nous reviendrons sur léolien en Suisse.
- Le Monde, «Lécolo-égoïsme est dans le vent», 01.07.04.
- Presse locale de Visan/Vinsobre.
- «Lécologiste sceptique, le véritable (sic) état de la planète», le Cherche Midi, Paris 2004, p. 231. Cest un pavé de 700 pages et 4000 références – introduit et encensé par Claude Allègre lui même sur le quel nous reviendrons.
- «Les éoliennes Modernes», Pour la Science, août 1986.
- «Quels systèmes énergétiques pour le XXIe siècle», Production, tome 2, Université de Genève, 1999.
- «Le potentiel de lénergie éolienne est remis en cause par un rapport parlementaire», Le Monde 06.12.01.
- Voir quatre réalisations récentes sous le titre «Le petit éolien» dans La maison écologique, oct.-nov. 2004.
- Le Monde 22.10.04.
- ATTAC, S. Giegold et M. Arhelger: «Après le pétrole: quelles énergies?», Grain de sable, 13.10.04.
- Idem, J. Weber: «Energie: quelles alternatives».
- Ernst Bloch, Le Principe Espérance, tome II, Gallimard, Paris 1982 p. 259.