«Libre» circulation... les chambres ficèlent le paquet
«Libre» circulation… les chambres ficèlent le paquet
Le débat au parlement fédéral concernant lextension des accords de libre circulation au dix nouveaux pays membres de lUnion européenne et à propos des «mesures daccompagnement» censées prévenir le dumping salarial na guère apporté de surprises
Il faut dire que les possibilités dexpression et de proposition des parlementaires avaient été réduites au plus strict minimum sous pression du Conseil fédéral. A tel point que, dans la dernière semaine de la session, les parlementaires au lieu dune séance de nuit agendée jusquà 22 heures ont eu droit à un «congé» imprévu dun après-midi entier! Que sest-il passé sous la coupole?
Le «pacte» entre les milieux patronaux majoritaires et le pôle USS/PSS a tenu. Les représentant-e-s de lUSS ont clamé haut et fort que le renforcement des mesures daccompagnement obtenues (150 inspecteurs du travail à léchelle du pays, suppression du «quorum» de 30% des employeurs pour lextension possible des conventions collectives échangé contre une hausse du nombre de salarié-e-s couverts par la convention à étendre porté à 50%, réglementation supplémentaire en matière dentreprises demplois temporaires et de «faux indépendants» ) représentait un minimum absolu et quy toucher un cheveu déclencherait les foudres du mouvement ouvrier.
Dautres socialistes ou Verts ont chanté de manière assez lyrique les louanges de louverture sur une Europe idyllique de paix, de démocratie et de prospérité
Les représentants de la droite la plus dure ont peint la menace du dumping salarial et de la dégradation des conditions dexistence des travailleurs suisses lié à lafflux de main duvre étrangère bon marché, tout en brandissant pratiquement le spectre de la dictature du prolétariat entraînée par les quelques «nouveautés» en matière de «mesures daccompagnement» citées ci-dessus.
Les milieux patronaux majoritaires, sexprimant par des voix essentiellement radicales, ont plaidé de manière éloquente laccès aux nouveaux marchés et à un nouveau réservoir de main duvre, offerts par lextension et se sont évertués à démontrer à leurs collègues de lUDC quils navaient en contre partie au fond rien cédé ou presque à leurs «partenaires sociaux» en matière de droits accrus pour les travailleurs-euses.
Face à lextrême droite ils ont plaidé le «réalisme». Comme la expliqué le chef de fil radical, le Tessinois Fulvio Pelli dans le débat dentrée en matière, il sagissait pour eux de savoir si on croit au libéralisme et au marché ou non: «Il ne faut pas répéter les erreurs du passé et croire enfin aux critères économiques de sélection de la main-doeuvre. Cest pour cette raison que le groupe a décidé de se rallier aux règles européennes de libre circulation des travailleuses et des travailleurs.» a-t-il expliqué. Pour rajouter qu«il va de soi que la libre circulation va mettre sous pression les salaires en Suisse; nous le savons, mais nous savons aussi que cette pression est malheureusement nécessaire » et pour conclure en rassurant sur les intentions prétendument honorables de son bord, se résumant au vu suivant: «Mais cette pression sur les salaires doit être maîtrisée»!
Au premier vote lUDC ou le gros de ses troupes – est entrée en matière sur lextension de la «libre circulation» tout en souhaitant son report dans le temps, et en réservant ses foudres pour les mesures daccompagnement, qui leur ont servi de justification à un vote final négatif.
Entre-temps, la majorité du parlement a voté le ficelage dans un «paquet», constitué par un arrêté fédéral unique, de lextension de la «libre circulation» et des mesures daccompagnement. Lintention déclarée de cette proposition radicale, largement appuyée par le parlement à lexception de lUDC: empêcher cette dernière de voter en faveur de lextension et de simultanément refuser les seules mesures daccompagnement, voire de soutenir un référendum contre celles-ci uniquement, faisant ainsi «tomber» le deal négocié entre «partenaires sociaux».
En létat, le groupe dextrême droite des «Démocrates» suisses, représenté au parlement par le seul conseiller national zurichois Hess, a annoncé le lancement dun référendum de droite, à argumentaire xénophobe, sur lair connu de «la barque est pleine»! LUDC quant à elle se déterminera le 8 janvier sur la question, mais apportera sans doute de toute façon un concours à cette entreprise dune manière ou dune autre
Dans ce débat notre groupe «A gauche toute!» est intervenu par la voix de Pierre Vanek (v. ci-contre) dabord sur le fond de la «libre circulation» et pour dénoncer les carences des mesures daccompagnement. Et ensuite pour proposer trois amendements à celles-ci, sur lesquels lentrée en débat a été refusée par le National à 64 contre 94 voix, et que nous avons déposés sous forme dune initiative parlementaire visant à obtenir:
- que soit supprimée la condition restrictive de la sous enchère salariale «abusive et répétée» pour lextension des conventions collectives;
- que lextension de conventions collectives soit possible à la seule demande de la partie syndicale comme cest le cas dans dautres pays européens;
- la possibilité de mise en place en place des salaires minimaux par branche et par région;
- que soit renforcée la protection des syndicalistes et des représentant-e-s des travailleurs contre les licenciements abusifs, qui fait défaut en Suisse, comme la souligné lOIT tout récemment.
Ce sont là des revendications élémentaires et légitimes contre le dumping salarial et social qui ne remplaceront évidemment nullement «par en haut» la nécessaire organisation des travailleurs-euses pour la défense de leurs droits, mais qui pourraient leur servir de point dappui!
Pierre VANEK