Le partenariat enregistré, une solution contre l'homophobie?

Le partenariat enregistré, une solution contre l’homophobie?

La loi sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe (LPart), soumise en votation populaire le 5 juin 2005, permet aux couples homosexuels d’obtenir des droits et des devoirs équivalents aux couples mariés en matière de baux à loyer, de succession, de contrats d’assurance, de deuxième pilier et d’imposition fiscale. Elle règle ainsi nombre de difficultés quotidiennes rencontrées par les gays et les lesbiennes vivant en couple et offre un cadre légal à leur union. Constituant une institution juridique distincte du mariage, exclusivement réservée aux couples du même sexe, la LPart s’en distingue par l’interdiction de l’adoption et de la procréation assistée, par l’impossibilité de porter le même nom, par le régime de la séparation des biens et par une procédure d’annulation simplifiée. Instrument distinct, de statut «inférieur», le partenariat enregistré permet-il toutefois de contrer l’homophobie?

Pour esquisser des réponses, solidaritéS a organisé un café politique à Lausanne, soutenu par le Comité vaudois pour le partenariat enregistré qui a connu un réel succès en invitant Jacques Fortin, fondateur de l’université d’été sur les homosexualités à Marseille, actuellement formateur d’enseignant-e-s et de travailleurs-euses sociaux sur la problématique de l’homophobie, et Marianne Huguenin, conseillère nationale popiste. Nous retraçons ici les principaux thèmes développés par les deux intervenant.es et résultant de leurs interactions avec le public.

Jacques Fortin rappelle que la question des unions homosexuelles est devenue une question d’actualité avec les problématiques du Sida pour les hommes et de la garde des enfants pour les femmes. En effet, la famille et le secret médical font barrage au compagnon gay en cas d’hospitalisation, autant que le père de l’enfant et la justice s’opposent à la mère éducatrice lesbienne en cas de divorce et/ou de vie commune avec une autre femme. Des cadres juridiques comme la LPart sont des réponses contemporaines à une autonomisation des femmes qui s’enracine dans la généralisation du salariat. Celle-ci a permis une certaine liberté de choix de la part des femmes, en raison de leur revenu indépendant, qui a progressivement abouti au choix de leurs partenaires et à des revendications spécifiques. L’éman­ cipation des femmes est un élément clé pour le développement de revendications de droits égaux par les homosexuel-les; les lesbiennes étant souvent des pionnières des combats modernes sur les sexualités.

Depuis les années 1970, les analyses féministes ont permis de démontrer l’intégration profonde des discours d’oppression du patriarcat, dont la déconstruction permet de se penser en d’autres termes. Aujourd’hui, les gays et les lesbiennes s’affirment pour eux-mêmes en retournant la charge de la preuve d’une différence sur la société, et s’engagent pleinement pour revendiquer leur «orientation affective, sensuelle et érotique».

Homophobie et
débats référendaires

Sur le thème de l’homophobie et du combat référendaire, Marianne Huguenin développe la problématique de la difficulté des gays et des lesbiennes à mener eux-mêmes la campagne. Les grands partis politiques en faveur du partenariat ne s’engagent pas pleinement dans la campagne et tendent à démontrer ainsi l’étendue d’une crainte irraisonnée à l’égard des gays et lesbiennes. En raison du phénomène de l’homophobie intériorisée, les homosexuel-les se trouvent en position de douter de leur légitimité. La situation est en effet inédite, puisque c’est la première fois que la population de tout un pays va se déterminer sur un partenariat entre personnes du même sexe1.

Le débat sur la LPart a pour effet bénéfique de faire émerger des personnes et des histoires de vie, et de faire sortir de l’abstraction «l’homosexualité». On peut faire ici un parallèle avec le mouvement des sans-papiers ou des requérants d’asile dans le canton de Vaud, dont les témoignages ont permis de faire comprendre la situation concrète à la population. En même temps, les controverses sur le partenariat ravivent des peurs et des réactions primitives de rejet. La confusion des genres et des sexes est un moyen pour les adversaires de la LPart de se créer une audience sur le thème d’un «mariage bis». Leur utilisation d’une menace de revendication de l’adoption, alors qu’elle est précisément exclue par l’article 28 de la LPart, montre leur volonté d’entretenir une émotion irrationnelle contre laquelle il est difficile de lutter.

La LPart,
une réponse homophobe

Pour Jacques Fortin, l’exercice de l’émancipation permet de mesurer l’ampleur des discriminations. En même temps, ce qui a changé c’est le silence: les médias ont visibilisé un certain nombre de personnalités et permettent aux jeunes de se forger une identité positive. Le PACS français, autant que la LPart helvétique sont, sur le plan de l’analyse théorique, des réponses homophobes à des demandes homophiles. Ces lois sont, par leurs clauses spécifiques, le «dernier rempart» de l’homophobie. Par rapport à cela, Marianne Huguenin relève: «encore faut-il arriver à ce dernier rempart, et avoir ouvert les portes y donnant accès!».

Jacques Fortin marque son accord avec la difficulté référendaire et relève que le vote du PACS par l’Assemblée nationale française a été marqué par une quasi-absence de la majorité rose-verte. Comme dernière analyse sur la parentalité, il remarque que les partenariats enregistrés ne tiennent pas compte des mutations beaucoup plus profondes de la famille. Les gays et les lesbiennes ont déjà des enfants, tout comme les recompositions parentales ont également amené les enfants de couples de sexe différent à avoir plusieurs papas et mamans. Ces lois enferment les gays et les lesbiennes dans un débat absurde en les posant en défenseurs d’un compromis parlementaire homophobe. Toutefois, et paradoxalement comme il le relève, l’obtention d’un statut civil particulier, si imparfait soit-il, est un pas en avant dans l’obtention de droits égaux2.

Thierry DELESSERT

  1. La seule votation populaire a eu lieu dans le canton de Zurich, le 22 septembre 2002, et a été favorable à plus de 60% à l’introduction d’un partenariat cantonal proche de la Lpart.
  2. lire: Jacques Fortin, Homosexualités. L’adieu aux normes, Paris, Textuel, 2000.